Article original rédigé par dividinde en août 2017 et mis à jour par mes soins en décembre 2025
"Prendre ma retraite à 50 ans ? Impossible !" Cette réaction, je l'entends systématiquement. Robert, qui revient de trois semaines aux Seychelles, me traite de doux rêveur. Marie, qui vient d'acheter sa nouvelle Mercedes, affirme que mes calculs sont erronés. Thomas ne connaît pas la différence entre un ETF et TF1, mais il s'estimerait déjà heureux de cesser de travailler à 64 ans.

Pourtant, les chiffres du système de prévoyance suisse en 2025 donnent raison à ceux qui osent penser différemment.
La réalité du système de retraite suisse en 2025
Selon l'Office fédéral de la statistique, l'âge moyen effectif de sortie du marché du travail en Suisse est de 65.2 ans pour les hommes et 64.4 ans pour les femmes. Malgré la possibilité légale de prendre une retraite anticipée dès 63 ans (depuis la réforme AVS 21), la majorité des Suisses travaillent jusqu'à l'âge de référence de 65 ans, voire au-delà.
Cette situation s'explique par plusieurs facteurs qui rendent le système actuel peu attractif pour une retraite anticipée classique :
Le déclin du taux de conversion du 2e pilier
Le taux de conversion du 2e pilier, qui détermine le montant de votre rente, continue sa chute inexorable. En 2025, pour la partie obligatoire, il reste à 6.8% suite au rejet de la réforme LPP 21 par le peuple suisse en septembre 2024. Mais pour la partie sur-obligatoire, il ne cesse de baisser : 5.0% en 2025, avec une trajectoire vers 4.8% en 2026.
Concrètement, avec un avoir de vieillesse de 500'000 CHF (dont 250'000 CHF obligatoire et 250'000 CHF sur-obligatoire), votre rente annuelle atteindrait environ 22'000 CHF en 2025, soit 1'833 CHF par mois. C'est loin d'être suffisant pour maintenir un niveau de vie confortable.
La dégradation du ratio actifs-retraités
Le rapport entre personnes actives et retraités se dégrade rapidement. En 2024, on compte environ 3 actifs pour 1 retraité. Les projections démographiques prévoient un ratio de 2:1 d'ici 2055. Cette évolution met sous pression le système par répartition de l'AVS et menace la pérennité des rentes futures.
En 1948, lors de la création de l'AVS, il y avait 6.5 personnes en âge de travailler pour chaque retraité. Aujourd'hui, avec le vieillissement de la génération des baby-boomers, le système s'essouffle.
Des rentes AVS moyennes insuffisantes
Les nouvelles rentes AVS mensuelles s'établissent en moyenne à 1'924 CHF pour les hommes et 1'744 CHF pour les femmes (statistiques 2022). La rente maximale plafonne à 2'450 CHF, tandis que la minimale est de 1'225 CHF.
Pour un couple, le plafonnement à 150% de la rente maximale individuelle (soit 3'675 CHF) représente une limitation supplémentaire. Avec de tels montants, vivre confortablement relève du défi, surtout face à l'inflation.
Pourquoi attendre 65 ans n'est plus la meilleure stratégie
Les faits sont têtus : compter uniquement sur le système traditionnel de prévoyance suisse pour une retraite confortable après 65 ans devient de plus en plus risqué.
L'inflation érode le pouvoir d'achat
Les rentes AVS sont certes indexées, mais avec retard. Le taux d'intérêt minimal du 2e pilier reste à 1.25% en 2025, largement inférieur à l'inflation réelle. Votre épargne obligatoire perd donc de la valeur en termes réels.
La perte d'héritage du 2e pilier
Si vous choisissez la rente plutôt que le capital, vos avoirs de 2e pilier ne sont pas transmissibles à vos héritiers. Travailler jusqu'à 65 ans pour tout perdre en cas de décès prématuré, est-ce vraiment rationnel ?
Les années perdues
Entre 50 et 65 ans, vous avez encore l'énergie et la santé pour profiter pleinement de votre liberté. Attendre 65 ans, c'est parier sur une espérance de vie en bonne santé qui n'est jamais garantie.
Les stratégies concrètes pour une retraite avant 60 ans
L'indépendance financière avant 60 ans n'est pas réservée aux ultra-riches. Elle nécessite en revanche une planification rigoureuse et des choix assumés.
Construire un portefeuille d'investissements solide
La clé de la retraite anticipée réside dans la constitution d'un patrimoine financier suffisant pour générer des revenus passifs. En Suisse, un portefeuille de 1'000'000 CHF bien diversifié peut assurer 40'000 CHF de revenus/retraits annuels selon la règle des 4%. Cette règle est couramment utilisée par les adeptes FIRE (Financial Independence, Retire Early). Elle est toutefois sub-optimale, comme je l'explique dans "Les Déterminants de la Richesse". Je l'utilise toutefois ici car elle donne un ordre de grandeur et elle est simple à comprendre pour tout le monde.
Pour parvenir à la "retraite" avant 50-55 ans, il faut typiquement investir 15 à 25% de ses revenus nets pendant 15 à 25 ans. La durée exacte dépend non seulement du taux d'épargne, mais aussi (et surtout) de la stratégie d'investissement utilisée (plus de renseignement à ce sujet dans mon ouvrage).
Optimiser les trois piliers différemment
1er pilier (AVS) : Acceptez de subir une réduction de rente à vie si vous anticipez votre départ.
2e pilier : Privilégiez le retrait en capital plutôt qu'en rente. Avec un taux de conversion qui continue de baisser, récupérer votre capital vous offre plus de flexibilité et de contrôle. Ce capital peut être investi pour générer des rendements supérieurs. Si vous le pouvez, utilisez l'encouragement à la propriété du logement pour acquérir/amortir votre résidence principale. Ou devenez indépendant pour extraire vos fonds LPP (jusqu'à 12 mois après la reconnaissance de votre statut d'indépendant).
3e pilier : Limitez le recours au 3e pilier uniquement à l'acquisition d'un bien immobilier. Dans les autres cas, conservez cet argent et investissez-le vous-même. Le 3e pilier est tentant de prime abord à cause du gain fiscal immédiat, mais il crée une dette fiscale future et bloque vos avoirs jusqu'à la retraite.
Calculer son nombre FIRE
Le mouvement FIRE propose une méthode simple : votre nombre FIRE correspond à 25 fois vos dépenses annuelles. Si vous dépensez 60'000 CHF par an, votre objectif est d'atteindre 1'500'000 CHF d'actifs investis.
La règle des 4% que nous avons vue ci-dessus suggère que vous pouvez retirer 4% de votre portefeuille chaque année de manière soutenable. Avec 1'500'000 CHF, cela représente 60'000 CHF annuels.
Les obstacles psychologiques à surmonter
La plus grande difficulté de la retraite anticipée n'est pas financière, mais mentale.
Le poids du conformisme social
En Suisse, le conformisme social est particulièrement fort. Annoncer que vous visez une retraite à 50 ans déclenche souvent scepticisme et jugements. Selon les statistiques 2024 de l'OFS, 77.8% des 55-64 ans sont actifs sur le marché du travail, en hausse de 6.1 points sur dix ans. Cette statistique montre que de plus en plus de personnes travaillent plus longtemps, souvent par nécessité.
Sortir de ce schéma demande du courage et l'acceptation d'être différent.
La peur de manquer d'argent
L'objection classique : "Et si je n'ai plus assez d'argent à 80 ans ?" Cette peur légitime se traite par une planification solide et des marges de sécurité. Un portefeuille bien construit avec une allocation d'actifs diversifiée peut durer plusieurs décennies.
L'identité professionnelle
Pour beaucoup, le travail définit qui ils sont. Se projeter dans une vie sans emploi traditionnel peut être angoissant. La retraite anticipée ne signifie pas l'oisiveté, mais la liberté de choisir comment vous occupez votre temps.
Le système vous berne-t-il vraiment ?
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Avec un taux de conversion en baisse constante, un ratio actifs-retraités qui se dégrade et des rentes moyennes insuffisantes, le système de prévoyance suisse traditionnel montre ses limites.
Attendre 65 ans pour toucher une rente qui couvrira à peine vos besoins, tout en ayant cotisé pendant 44 ans, n'est peut-être plus la panacée. D'autant plus que 15.4% des seniors vivent sous le seuil de pauvreté en Suisse, malgré les trois piliers.
La vraie question n'est pas de savoir si la retraite avant 60 ans est possible. Elle l'est, à condition de s'en donner les moyens. La vraie question est : pourquoi si peu de personnes osent emprunter cette voie ?
À retenir
La retraite anticipée avant 60 ans en Suisse est un choix qui s'assume. Elle nécessite :
- Un taux d'épargne adéquat (15-25% du revenu net)
- Une stratégie d'investissement cohérente sur le long terme
- Une maîtrise rigoureuse de ses dépenses
- Le courage de penser différemment de la masse
- Une planification précise de ses besoins financiers
Face à un système de prévoyance sous pression, prendre son avenir en main n'est pas de l'utopie. C'est au contraire faire preuve de lucidité et de responsabilité personnelle.
Pour ma part, je maintiens mon objectif : la retraite après 60 ans ? Impensable !
Questions fréquentes
Peut-on vraiment prendre sa retraite avant 60 ans en Suisse ?
Oui, c'est possible en constituant un patrimoine financier suffisant en dehors des trois piliers traditionnels.
Quel est le montant nécessaire pour une retraite anticipée en Suisse ?
La règle générale : 25 fois vos dépenses annuelles. Si vous dépensez 50'000 CHF par an, visez 1'250'000 CHF d'actifs investis. Ce montant permet de retirer environ 4% annuellement de manière soutenable.
Comment accéder à son 2e pilier avant 60 ans ?
Le retrait anticipé du 2e pilier est possible en ayant recours à l'encouragement à la propriété du logement ou en devenant indépendant.
Le taux de conversion du 2e pilier va-t-il continuer à baisser ?
Très probablement. La partie sur-obligatoire du 2e pilier voit son taux de conversion baisser régulièrement (5.0% en 2025, 4.8% en 2026). L'augmentation de l'espérance de vie et les faibles rendements obligent les caisses de pension à réduire les taux pour maintenir leur équilibre financier.
Sources et données
Les informations de cet article sont basées sur des données officielles et des sources fiables :
- Office fédéral de la statistique (OFS) - Statistiques sur l'âge de sortie du marché du travail et le ratio actifs-retraités
- Office fédéral des assurances sociales (OFAS) - Données sur l'AVS et la réforme AVS 21
- Taux de conversion LPP 2025 selon les principales caisses de pension suisses
- Statistiques démographiques suisses 2024 (OFS)
- Swiss Serenity, Cleerly, Baloise - Documentation sur le système de prévoyance suisse
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Encore une fois dividinde, je partage 100% ton avis. Pour la plupart des personnes une retraite fortement anticipée n’est pas seulement impossible, mais surtout elle ne leur traverse même pas l’esprit ! Parfois c’est juste par goût du travail, dans ce cas si c’est pleinement conscient, pas de problème. Mais très souvent c’est juste par ignorance. Et ça c’est très dommage…
Quand on entend les discussions au travail, on ce rend tout de suite compte que pour beaucoup la normalité à son charme. Qu’est ce qu’un petit vaurien de 23 ans peut-il savoir de la retraite ? Il rêve de partir à la retraite dans 10/15 ans mais ne lui brisons pas ses rêves.
Je trouve que les gens ne ce remettent globalement jamais en question, alors pour remettre en question « le système »… Bon courage à eux
Et très bon article, comme d’habitude 🙂
Merci Jérôme et Brudy pour vos commentaires.
C’est bien vrai, beaucoup de personnes ne pensent même pas aux possibilités qui existent pour sortir du système avant d’être tellement âgées et usées qu’elles ne pourront plus jamais profiter de leurs belles années. Le temps passe très vite et personne ne vient un jour vous dire qu’il est temps de profiter pleinement de la vie – sauf une fois qu’il est déjà trop tard.
D’autres personnes refusent en effet de remettre en question le système par peur du changement et de l’inconnu. Le besoin de sécurité et de repères est tellement fort pour l’être humain que de nombreuses personnes n’oseront jamais sortir de leur zone de confort. Ces âmes deviennent prisonnières de leurs chaînes et, par habitude, finissent même par les aimer.
L’homme est-il vraiment né pour passer ses plus belles années enfermé dans un bureau gris béton à vieillir sous les néons? L’argent doit-il dicter tous nos choix au point de nous voler notre temps? La vie n’est-elle pas plus belle au bord d’une rivière à écouter le chant d’oiseaux ivres de liberté?
Se poser les bonnes questions c’est déjà se donner les moyens de changer les choses.
C’est pour ça que c’est important de commencer très tôt, dès 20-30 ans. Plus on débute rapidement, plus c’est facile d’atteindre vite ses objectifs, sans devoir se serrer la ceinture. Au contraire, alors que les autres sueront pour boucler les fins de mois plus tard, ceux qui ont pris les devants rigoleront. La Fontaine nous a déjà tout appris avec ses animaux : la cigale et la fourmi / le lièvre et la tortue. Tout est dit. On a rien inventé de mieux depuis.
Je suis un fonctionnaire de 32 ans et je suis bien content de voir que d’autre personnes partagent mon avis!
D’un autre côté, la vie ne se passe pas toujours comme on le souhaite…
Il y a toujours des couilles en cours de route c’est normal. L’important c’est de garder le cap.
Plus il y a d’imprévus mieux on est armé pour la suite.
Ce qui ne tue pas rend plus fort et les échecs ne sont des échecs que si on n’a rien appris de nos erreurs.
Je trouve que le plus important est de toujours savoir qui on est, de ne pas se mentir à soi-même et de savoir où on veut aller dans la vie.