Volkswagen vs Tesla : le choc des extrêmes

D'un côté vous avez la grand-mère, VW, de 1937, de l'autre vous avez le petit-fils irrévérencieux, Tesla, de 2003. C'est le choc de l'expérience contre la jeunesse, mais aussi de la vieille Europe contre l'Amérique de Trump, ou plutôt de son ancien "ami" (il en a beaucoup, je veux dire des anciens). Il s'agit également d'une opposition de styles, avec une entreprise mâture contre une autre en pleine croissance (en tout cas jusqu'à ce que son patron kétaminé décide de se lancer dans la politique).

Les contradictions ne s’arrêtent pas là, bien au contraire. Les données issues des rapports financiers sont particulièrement révélatrices : d’un côté, nous avons Volkswagen, le deuxième plus grand constructeur automobile au monde après Toyota; de l’autre, Tesla, qui domine le secteur en termes de capitalisation boursière, et se classe même onzième toutes industries confondues. Cette situation soulève inévitablement des questions : comment expliquer qu’un constructeur qui produit moins de véhicules que son concurrent soit davantage valorisé en Bourse ? Il y a manifestement matière à s’interroger…

Valutazione

Lorsqu’une entreprise augmente sa production, elle s’attend généralement à une hausse correspondante de ses ventes. Dans le cas contraire, les excédents non écoulés s’accumulent en stock, ce qui finit par engendrer des difficultés de gestion des inventaires. Ainsi, les véhicules effectivement vendus contribuent directement à l’augmentation du chiffre d’affaires de la société.

Concernant la capitalisation boursière, celle-ci est influencée par le nombre d'actions en circulation et par leur cours sur le marché. Plus une action est chère, plus la capitalisation est élevée. C'est mathématique.

Un moyen d'estimer la valorisation d'une entreprise, c'est de comparer le cours de l'action au chiffre d'affaires généré par action. Il s'agit du ratio P/S (Price-to-Sales). Pour Volkswagen ce ratio ce monte à 0.14. Une seule action de Volkswagen, au cours actuel de 92.40 euros, équivaut à 660 euros de chiffre d'affaires. De ce point de vue, c'est clairement une aubaine. C'est nettement plus bas que le ratio de l'industrie automobile européenne, qui se situe déjà à un niveau particulièrement bon marché (0.38). C'est également un des records historiques pour VW. Les dernières fois que le ratio était aussi bas, c'était il y a a une vingtaine d'années. Le cours est remonté très fort par la suite, avant de retomber durant la crise des subprimes.

Pour Tesla, le ratio P/S est de 11.60. C'est presque 100x plus. C'est également près de 10x supérieur à la moyenne de l'industrie automobile nord-américaine. À noter que ce n'est pas le pire ratio P/S de Tesla d'un point de vue historique car celui-ci est même monté jusqu'à 25.95 en 2021. On n'ira pas jusqu'à dire que c'est une aubaine aujourd'hui, loin de là.

Pour mettre les choses en perspectives, le CA de Volkswagen est actuellement près de quatre fois supérieur à celui de Tesla. Vu que la valorisation est de cent fois supérieure, cela signifie que pour atteindre une valorisation égale, Tesla devrait vendre autant que 25 entreprises Volkswagen réunies. Tesla aurait besoin de 20 ans pour rattraper les ventes de Volkswagen, en tenant compte du rythme annuel moyen actuel de 5% des ventes de VW sur ces cinq dernières années, et de 31% pour Tesla. En vérité, cela risque d'être beaucoup plus long, vu les derniers chiffres (sur les derniers 12 mois la croissance n'a été que de 1%).

On parvient aux mêmes conclusion lorsque l'on regarde le prix par rapport à la valeur comptable. Volkswagen est bradée, avec un price-to-book de 0.28. Vous pouvez acheter les actifs de l'entreprise allemande avec un rabais de 72% ! Là aussi c'est nettement moins que l'industrie auto européenne (0.91). Il s'agit même du ratio le plus bas de ces vingt dernières années.

Au contraire, Tesla s'échange à près de 15 fois la valeur comptable. C'est plus de dix fois le ratio de l'industrie auto nord-américaine, mais ce n'est pas le record puisqu'en 2013 ce ratio est monté jusqu'à 73 fois la valeur comptable !

Du point de vue du ratio cours/bénéfices (PER), Volkswagen se négocie actuellement à seulement 5 fois ses bénéfices, contre une moyenne de 14 pour l’ensemble de l’industrie automobile européenne. De son côté, Tesla affiche un PER de 173, alors que la moyenne du secteur automobile nord-américain s’établit à 15. Il faut préciser encore que ce n’est pas un record pour Tesla, dont le PER avait atteint jusqu’à 1'690 en 2021. Encore une fois, on n'ira pas jusqu'à affirmer qu’il s’agit aujourd’hui d’une véritable opportunité.

Cisco, à la fin des annés '90, était elle aussi très en vogue, en tant que fer de lance de la "Nouvelle économie". En 1996, le titre s'échangeait à près de 500 fois les bénéfices. En 1997, l'action était valorisée comme celle de Tesla aujourd'hui, à près de 170 fois les bénéfices. Trois en plus tard elle a commencé à dévisser et son cours a divisé par dix en seulement deux ans. 23 ans plus tard, elle n'a toujours pas rattrapé son retard.

Voilà le paradoxe : Volkswagen produit beaucoup plus que Tesla mais son action est bradée, tandis que celle du bébé de Musk se situe aux même niveaux stratosphériques que ses fusées... avant qu'elles n'explosent. Le géant allemand de la production allemande paraît donc presque petit face à Tesla quand on s'arrête sur leur capitalisation boursière. Mais il ne faut pas se leurrer : du point de vue de sa valeur de marché, Tesla est un géant aux pieds d'argile, tel que l'était Cisco dans les années '90.

Cela ne signifie pas que l'entreprise texane ne possède pas de qualités, comme on va le voir à présent. En revanche, le prix à payer pour ces atouts sont beaucoup trop élevés. D'autant que Tesla ne verse aucun dividende, au contraire de VW qui offre un généreux rendement de 6.7%, alors même qu'elle maintient un rapporto di pagamento raisonnable de 62%.

Qualité

La marge opérationnelle des deux constructeurs se situe à des niveaux similaires, aux alentours de 7%. Tous deux font mieux que leurs industries respectives. Toutefois, Tesla affiche une rentabilité sur fonds propres (12 derniers mois) plus élevée, à plus de 9% contre moins de 6% pour VW.

Du point de vue de l'endettement, Tesla a fait de gros progrès depuis 2012, passant d'un ratio dettes/fonds propres de 7 en 2012 à seulement 0.18 aujourd'hui. Du côté de VW c'est un peu moins bon, même si la situation va aussi dans le bon sens, passant d'un ratio de 2.6 en 2006 à 1.55 actuellement.

Il faut toutefois un peu relativiser l'assainissement important effectué par Tesla sur son endettement. En effet, l'entreprise américaine a émis beaucoup de nouvelles actions depuis son IPO en 2012. Rien que sur ces cinq dernières années, ces dernières ont augmenté de 40%. Autrement dit, la part du gâteau de chaque actionnaire Tesla se réduit peu à peu. A contrario, sur la même période, VW n'a émis aucune nouvelle action.

Grâce à cette réduction de l’endettement, financée par l’émission de nouvelles actions, Tesla parvient aisément à honorer le paiement de ses intérêts, affichant un ratio EBIT/charges d’intérêts de 19.4, contre seulement 8.5 pour Volkswagen. L'entreprise d’Elon Musk présente donc un risque de faillite très limité, ce qui se reflète dans un excellent Z-Score d’Altman de 13.9, nettement supérieur à celui de Volkswagen, qui n’atteint que 1.09. Cette situation plus délicate pour le constructeur allemand peut d’ailleurs expliquer la décote dont il fait l’objet sur les marchés, traduite par une prime de risque plus élevée.

Toutefois, si l’on considère un autre indicateur qualitatif tel que le Piotroski F-Score, Volkswagen prend cette fois l’avantage, obtenant un score de 6 contre 5 pour Tesla. La distinction principale réside dans le fait que le Piotroski F-Score ne se contente pas d’analyser les données actuelles, mais prend également en compte leur évolution récente. Cette approche peut se révéler particulièrement pertinente lorsqu’il s’agit d’évaluer une entreprise en phase de redressement. De plus, et c’est un point essentiel ici, le Piotroski F-Score intègre l’impact de l’émission (ou non) de nouvelles actions dans son calcul.

Pour renforcer cet argument, il faut souligner que le Piotroski F-Score s’est distingué dans de nombreuses études par son efficacité en matière de performance boursière et de réduction du risque, un constat moins évident en ce qui concerne le score d’Altman.

Crescita

Bien que Tesla ne soit plus considérée comme une start-up, il s'agit encore d'une entreprise relativement récente. On attend généralement de ces jeunes sociétés qu'elles affichent, dans un premier temps, une forte croissance de leurs ventes, puis, à terme, de leurs bénéfices. L’entreprise texane n’a pas dérogé à cette règle. Depuis son introduction en Bourse, Tesla a enchaîné les années de progression significative de son chiffre d’affaires, tandis que ses résultats sont demeurés longtemps dans le rouge, avant de devenir positifs en 2020. Cependant, l’an dernier, tant les ventes que les bénéfices ont commencé à stagner, voire à reculer. Sur les douze derniers mois, le bénéfice par action a ainsi été réduit de moitié, alors qu’il progressait jusqu’alors à un rythme annuel moyen supérieur à 30 % au cours des cinq années précédentes.

Volkswagen a aussi connu une diminution de son bénéfice ces douze derniers mois, mais légèrement moins marquée, avec -38%. Toutefois comme la croissance était bien plus léthargique ces dernières années, cela a suffi à faire passer la croissance annuelle moyenne sur ces cinq dernières années en territoire négatif, à -4.29%. Ceci aussi explique la sous-valorisation du titre allemand.

Slancio

Sur ces douze derniers mois, le momentum est clairement en faveur de Tesla, avec une croissance du cours de 36%, malgré la correction depuis le début de l'année. C'est quand même 22% de plus que l'indice américain S&P 500.

VW a beaucoup plus de peine. Le titre a baissé de -17%, soit 22% de moins que l'indice MSCI Europe.

Verdict

Au final, que retenir de ce duel entre l’expérience allemande et la fougue américaine ?

Volkswagen, pilier historique de l’automobile mondiale, offre une valorisation d’apparence aberrante tant elle est basse par rapport à ses fondamentaux : son action se négocie à des niveaux historiquement faibles, alors que la société assure un dividende confortable et garde une position mondiale importante en termes de volume. À l’opposé, Tesla cristallise toutes les attentes d’un marché avide de disruption et de croissance fulgurante, au point de voir son titre atteindre des sommets vertigineux en capitalisation. Sa performance boursière la place comme la coqueluche des investisseurs, mais elle s’accompagne d’un risque de surévaluation bien réel face à un essoufflement de la croissance et une rentabilité qui a tardé à se matérialiser.

La comparaison entre les deux met en lumière le paradoxe du moment : la décote d’un géant solide et rentable, bien qu'en perte de vitesse, face à la prime d’une vedette pleine de promesses, mais non exempte de fragilités intrinsèques, notamment sur sa capacité à maintenir un rythme de croissance élevé, ce qui était prévisible.

Au regard des ratios actuels, Volkswagen ressemble à un « bargain » négligé alors que Tesla s’apparente à un pari hautement spéculatif sur l’avenir. Les prochaines années arbitreront entre la patience des investisseurs « value » et l’enthousiasme, parfois aveugle, des adeptes de la « croissance à tout prix ». L’histoire boursière a souvent penché en faveur de ceux qui savent mesurer leur optimisme…

Vous l'avez compris, entre les deux mon cœur balance bien entendu vers VW. Les titres négligés par le marché ont tendance à être particulièrement recherchés lorsque les résultats dépassent les prévisions des analystes. Pour l'entreprise allemande cela commence à être le cas. Au dernier trimestre le bénéfice par action a dépassé de 43% les attentes. Cela n'a pas encore eu d'incidence sur le cours, mais une nouvelle bonne surprise pourrait bien faire bouger les choses, d'autant que les prévisions des bénéfices des analystes continuent à être plutôt pessimistes. A contrario, Tesla a plutôt tendance à créer de mauvaises surprises ces derniers temps, ce qui n'est jamais bon pour un titre de croissance, sur lequel on attend beaucoup.

Avec VW, on en a clairement pour notre argent. Le titre est très bon marché par rapport aux bénéfices, au chiffre d'affaires et à la valeur comptable. Le titre est boudé par les investisseurs. Toutefois, on n'est pas non plus en face d'un titre qu'on pourrait acheter les yeux fermés et laisser mariner plusieurs années dans son portefeuille sans s'en inquiéter. L'endettement est encore assez élevé, malgré les progrès récents et le score d'Altman nous indique que VW n'a pas une solidité financière à toute épreuve, loin de là. D'autant que l'entreprise peine à faire progresser son bénéfice par action. Tout ceci se traduit sur le cours de VW, qui affiche actuellement un momentum clairement défavorable, alors même que le marché pousse vers le haut.

L'industrie automobile est par ailleurs un secteur hautement concurrentiel, comportant de nombreux acteurs établis et surtout plusieurs nouveaux arrivants, en particulier chinois, fortement subventionnés par leur gouvernement. L'innovation y est actuellement un enjeu majeur, ce qui nécessite des moyens, des cerveaux et des cadres dirigeants compétents et visionnaires. Il est fort probable que dans un futur plus ou moins proche de nombreux acteurs de cette industrie aient disparu, ou fassent autre chose...


Scopri di più da dividendes

Abbonati per ricevere gli ultimi articoli inviati alla tua e-mail.

Lascia un commento

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *