Corrections boursières : pourquoi les marchés sont irrationnels

Dernière mise à jour : décembre 2025

Les marchés boursiers connaissent régulièrement des corrections brutales qui défient toute logique. En février 2018, les indices ont perdu 10% en une semaine. En mars 2020, la chute a atteint 34% en un mois. En 2022, les marchés ont effacé leurs gains de deux ans. À chaque fois, les mêmes questions reviennent : pourquoi une telle violence ? Comment réagir ? Faut-il vendre ?

Comparaison visuelle entre la volatilité erratique des prix boursiers et la stabilité des fondamentaux d'entreprise, illustrant la déconnexion entre émotions du marché et valeur réelle

Ces mouvements extrêmes révèlent une vérité inconfortable : les marchés financiers ne sont pas aussi rationnels qu'on veut bien le croire. Et comprendre cette irrationalité est essentiel pour tout investisseur qui souhaite préserver son capital à long terme.

L'analogie du maraîcher : quand les prix perdent tout sens

Imaginez que vous allez à votre marché local pour acheter des légumes. Votre vendeur habituel vous annonce : « Au fait, je me suis trompé la semaine dernière dans mon prix pour la salade. Désormais je vous la fais à 2.00 francs au lieu de 2.20 francs ». Votre première réaction serait probablement de vous réjouir de payer moins cher. Mais rapidement, vous vous demanderiez si ce marchand sait vraiment ce qu'il fait. Vous penseriez aussi que vous avez payé trop cher pendant des mois. Dans tous les cas, vous seriez loin de l'image d'un vendeur rationnel qui maîtrise ses coûts.

Pourtant, c'est exactement ce qui se passe régulièrement sur les marchés financiers. Comment justifier que d'une semaine à l'autre, les entreprises des pays développés perdent 10% de leur valeur ? Les bilans n'ont pas changé. Les résultats ne se sont pas effondrés du jour au lendemain. Les produits continuent à se vendre. Mais le « prix » affiché par Monsieur le Marché fluctue de manière spectaculaire.

Les explications absurdes des corrections de marché

Les analystes financiers tentent toujours de rationaliser ces mouvements après coup. Lors de la correction de février 2018, l'explication officielle était que les taux longs américains étaient montés, rendant les obligations plus attractives. Les investisseurs auraient donc arbitré entre actions et obligations, provoquant la baisse. Mais les obligations étaient alors déjà hors de prix, offrant des coupons misérables. Elles ont commencé d'ailleurs à s'effondrer deux ans plus tard.

Ce raisonnement donne l'illusion d'être rationnel. Mais il est fondamentalement absurde. On n'achète pas un bien plus cher que de raison simplement parce que l'autre bien disponible est également trop cher. Si la salade et les tomates de votre maraîcher sont hors de prix, vous avez plusieurs options : changer de marchand, acheter des carottes, ou ne rien acheter et utiliser votre stock de pommes de terre à la cave. Vous ne payez pas la salade 5.00 francs sous prétexte que les tomates coûtent 8.00 francs.

L'autre explication courante est encore plus déconcertante : « Le marché a baissé parce que l'économie va bien ». Le raisonnement est le suivant : les salaires augmentent, donc on anticipe une hausse des taux directeurs, donc les actions baissent. En suivant cette logique jusqu'au bout, pour que le marché monte, il faudrait que les entreprises perdent de l'argent, que les salaires stagnent et que la banque centrale injecte massivement des liquidités. À ce moment-là, autant que la Fed imprime des billets verts et les distribue directement aux traders.

Trois exemples historiques de volatilité extrême

Février 2018 : la correction fantôme

En février 2018, le S&P 500 a perdu 10.2% en neuf jours de trading. La raison invoquée ? Une légère hausse des taux obligataires et la crainte d'un retour de l'inflation. Trois mois plus tard, le marché avait récupéré l'intégralité de sa perte. Les fondamentaux des entreprises n'avaient pas changé d'un iota.

Mars 2020 : la panique COVID

Entre le 19 février et le 23 mars 2020, le S&P 500 s'est effondré de 33.9%. La cause ? La pandémie de COVID-19 et les confinements. Mais dès le 18 août, soit cinq mois après le point bas, le marché avait récupéré toutes ses pertes. En décembre 2020, il affichait même un gain de 16% sur l'année, alors que l'économie réelle était encore en pleine tourmente.

2022 : l'année de tous les dangers

En 2022, le S&P 500 a perdu 18.1% sur l'année, pénalisé par la hausse des taux de la Fed pour combattre l'inflation. Le Nasdaq a chuté de 33%. Pourtant, en 2023, les mêmes indices ont rebondi de 24% et 43% respectivement, sans que les taux n'aient vraiment baissé. Qu'est-ce qui avait changé ? Rien de fondamental.

Ce qui ne change jamais : les fondamentaux des entreprises

Les prix des actions peuvent fluctuer de 10%, 20% ou même 30% sur quelques semaines. Mais les entreprises sous-jacentes évoluent beaucoup plus lentement. Les bilans ne se transforment pas du jour au lendemain. Les parts de marché ne s'évaporent pas en une semaine. Les équipes de direction ne deviennent pas incompétentes du lundi au vendredi.

Une entreprise est comme un gros paquebot : elle met du temps à changer de cap. Son chiffre d'affaires évolue sur des trimestres, voire des années. Ses investissements portent leurs fruits sur le long terme. Sa rentabilité se construit progressivement. Ces éléments constituent la vraie valeur d'une entreprise, bien au-delà du prix affiché chaque jour en bourse.

C'est précisément cette déconnexion entre le prix (volatil et irrationnel) et la valeur (stable et mesurable) qui crée des opportunités pour les investisseurs patients. Quand une entreprise solide voit son cours baisser de 20% sans raison fondamentale, c'est potentiellement une opportunité d'achat. À l'inverse, quand le marché s'emballe et pousse les valorisations à des niveaux déraisonnables, c'est un signal de prudence.

Comment réagir en tant qu'investisseur face à la volatilité

Face à ces mouvements erratiques, plusieurs principes s'imposent :

Se concentrer sur les fondamentaux : analysez les bilans, les résultats, les flux de trésorerie, les avantages concurrentiels. Ce sont ces éléments qui déterminent la valeur réelle d'une entreprise, pas les fluctuations quotidiennes du cours.

Ignorer le bruit médiatique : les médias financiers vivent de la volatilité. Chaque mouvement de marché génère des titres anxiogènes et des explications après coup. Les traders s'excitent, les commentateurs s'agitent, mais au final, les seuls gagnants sont les intermédiaires financiers qui encaissent les commissions sur chaque transaction.

Maintenir une vision long terme : il n'y a pas plus de raison d'acheter ou de vendre aujourd'hui qu'il y a une semaine, sauf si les fondamentaux de vos entreprises ont réellement changé. Les corrections de marché sont du bruit, pas du signal.

Profiter des soldes : quand des entreprises de qualité voient leur cours baisser sans raison fondamentale, c'est l'équivalent de votre maraîcher qui brade ses salades. C'est le moment d'acheter, pas de vendre.

Diversifier intelligemment : une allocation d'actifs bien pensée, incluant des actions de qualité, des obligations et éventuellement d'autres classes d'actifs, permet de mieux traverser les tempêtes sans céder à la panique.

Conclusion : la rationalité est une illusion collective

Les marchés financiers ne sont pas rationnels, malgré ce que prétendent les théories économiques classiques. Ils sont le reflet de millions de décisions humaines influencées par la peur, la cupidité, l'effet de groupe et les algorithmes de trading haute fréquence. Les prix oscillent entre euphorie et panique, souvent sans rapport avec la réalité économique sous-jacente.

Pour l'investisseur individuel, cette irrationalité est à la fois un défi et une opportunité. Un défi car il faut apprendre à ignorer le bruit constant et à résister à l'envie de « faire quelque chose » quand les marchés chutent. Une opportunité car ces mouvements créent des écarts entre prix et valeur que les investisseurs patients peuvent exploiter.

L'approche gagnante reste donc la même depuis des décennies : acheter des entreprises de qualité à des prix raisonnables, se concentrer sur les fondamentaux, et laisser le temps faire son œuvre. Comme le disait Warren Buffett : « Le marché boursier est là pour vous servir, pas pour vous guider ».

Questions fréquentes sur les corrections boursières

Pourquoi les marchés peuvent-ils perdre 10% en une semaine ?

Les marchés réagissent aux émotions collectives, aux flux d'achat et de vente, et aux algorithmes de trading. Une correction rapide résulte souvent d'un effet domino : quelques investisseurs vendent, déclenchant des ordres stop-loss automatiques, ce qui pousse d'autres à vendre, créant une spirale baissière déconnectée des fondamentaux.

Faut-il vendre quand le marché commence à baisser ?

Non, sauf si les fondamentaux de vos entreprises se sont réellement dégradés. Vendre lors d'une correction transforme une perte virtuelle en perte réelle. Historiquement, les marchés ont toujours récupéré leurs pertes et atteint de nouveaux sommets sur le long terme.

Comment savoir si une baisse est une correction ou le début d'un krach ?

C'est impossible à déterminer sur le moment. Même les professionnels ne peuvent pas prédire l'amplitude ou la durée d'une baisse. C'est pourquoi une allocation d'actifs prudente et une vision long terme sont essentielles : elles vous permettent de traverser n'importe quel scénario.

Les corrections sont-elles une opportunité d'achat ?

Oui, si vous investissez dans des entreprises de qualité avec une vision long terme. Une baisse de 10 à 20% sur des entreprises solides représente souvent une opportunité d'acheter à meilleur prix. Mais il faut avoir les nerfs solides et des liquidités disponibles.

Pourquoi les explications des analystes semblent-elles toujours cohérentes après coup ?

C'est un biais cognitif appelé « narration rétrospective ». Le cerveau humain cherche à créer des histoires cohérentes pour expliquer les événements passés, même quand ces explications n'ont aucune valeur prédictive. Les analystes sont payés pour commenter, pas pour prédire avec justesse.

Sources et données

Données historiques des corrections : FactSet, Bloomberg

S&P 500 performance historique : S&P Dow Jones Indices

Analyse comportementale des marchés : "Irrational Exuberance" par Robert Shiller (Yale University)

Statistiques marché 2018-2023 : Federal Reserve Economic Data


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12 réflexions sur “Corrections boursières : pourquoi les marchés sont irrationnels”

  1. C’est ça jêrome, il faut juste avoir suffisamment de liquidités pour faire face et mieux faire quelques soldes.
    Demander une avance dans le cadre de l’assurance vie pour faire quelques soldes au cas ou la baisse s’accentuerait

  2. Laurent Martin

    Et on arrive comme toujours à la même conclusion: il faut se concentrer sur les entreprises et non sur le marché!

    J’en profite pour relever que l’on parle ces temps d’un possible retour de l’inflation. Si l’inflation augmente, les banques centrales vont sans doute aussi relever leurs taux. Par ailleurs, l’inflation est l’ennemie du cash; détenir des actions -de bonnes entreprises- permet de se protéger un tant soit peu.

  3. Taux obligataires, inflation, dollar ou encore trading algorithmique: les médias cherchent toujours à expliquer les causes d’une chute de la bourse. Plutôt que de simplement dire que les actions baissent parce qu’auparavant elles ont grimpé trop haut et trop vite! Faut dire que ça fait moins vendeur et qu’on pourrait en venir à se demander à quoi servent les médias…

  4. Un excellent billet de DGI dans la même veine:

    http://www.dividendgrowthinvestor.com/2018/02/your-future-retirement-income-is-on-sale.html?m=1

    « Your future retirement income is on sale

    The stock market has finally started going down. This is great news for those investors, who are in the accumulation phase. When you are able to purchase shares are lower entry prices, you end up purchasing future dividend income on sale. Investors in the accumulation phase should therefore be praying for lower prices during their work careers.

    Retirees should ignore stock price fluctuations and focus on their dividend checks. This is where it pays to focus on dividend dependability for each company you bought in the first place.

    Intelligent dividend investors view stocks as partial ownership shares of real businesses. They do their research in uncovering those businesses, and then try to buy existing owners out at bargain prices. They can then sit back, monitor their business interests, and collect dividends one check at a time. After all, if you owned an apartment building next to a college that is always occupied, you won’t give a damn if their quoted valued fell by 5% – 10%- 20% in one single day. As long as you can rent your building out, you should do just fine by ignoring “quoted values”.

    (…)

    It is important to stick to the plan of earning money, saving money and investing money on a regular basis, and staying the course through thick or thin. As you can imagine, long-term investing is a marathon, not a sprint. This is why it is important to keep investing for years, while building out that cash machine. »

  5. « The worst of the sell-off began last Friday, when data on wages showed that inflation may be picking up and could prompt the Federal Reserve to combat it with higher interest rates. It was amplified this week by so-called target volatility funds that rushed to sell stocks and buy protection against higher volatility. »

    La dernière phrase explique pas mal de choses… C’est exactement grâce à ce genre de fonds que le marché est inefficient. Pourvu que ça dure 🙂 !!!!

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