Flughafen Zürich : analyse complète de l’aéroport coté en bourse

Article original de dividinde rédigé en avril 2018 et remis à jour par mes soins en décembre 2025

Flughafen Zürich AG exploite l'aéroport de Zurich-Kloten, la principale plateforme aéroportuaire de Suisse. Privatisée en 2000 après plus de cinquante ans d'exploitation publique, l'entreprise s'est imposée comme un cas d'école de partenariat public-privé réussi. Avec une capitalisation boursière de 7.4 milliards de francs et des résultats records en 2024, analysons cette entreprise sous l'angle de l'investisseur à long terme.

Simulation de vue aérienne de l'aéroport de Zurich avec le complexe The Circle, illustrant l'infrastructure moderne de Flughafen Zürich AG et sa performance financière record en 2024

Une remontée spectaculaire après la crise COVID

La pandémie de COVID-19 a représenté la plus grave crise de l'histoire de Flughafen Zürich. En 2020, le trafic passagers s'est effondré de 75% par rapport à 2019, entraînant une perte de 70 millions de francs. L'année 2021 n'a guère été meilleure avec seulement 10 millions de passagers, soit un tiers du niveau pré-pandémique.

Le retour à la profitabilité s'est amorcé en 2022 avec un bénéfice de 207 millions de francs. Depuis, la trajectoire est clairement ascendante. L'année 2024 marque un tournant historique avec 31.2 millions de passagers, atteignant 99% du niveau de 2019. Plus impressionnant encore, le bénéfice net de 327 millions de francs établit un nouveau record absolu dans l'histoire de l'entreprise.

Cette performance témoigne de la résilience du modèle économique aéroportuaire. Contrairement aux compagnies aériennes qui enchaînent les crises et les faillites, un exploitant d'infrastructure détient ce que Warren Buffett appellerait un "moat économique" : une position de quasi-monopole sur un territoire géographique défini.

Le modèle économique : une franchise inattaquable

Le concept est simple mais puissant. Tant que les êtres humains devront se déplacer physiquement pour voyager, ils paieront des taxes d'aéroport. Ni Internet ni le télétravail ne peuvent remplacer cette nécessité. Les revenus se décomposent en deux catégories complémentaires.

Les activités aviation (60% du chiffre d'affaires) incluent les taxes d'atterrissage, les frais de stationnement des avions et le fret aérien. Ces revenus suivent mécaniquement l'évolution du trafic. Les activités non-aviation (40%) englobent les boutiques duty-free, les commerces, l'hôtellerie, la restauration, les parkings et l'immobilier.

Les marges sont remarquables. La marge brute atteint 58.7% sur les douze derniers mois, bien supérieure à la moyenne du secteur (35.8%). La marge nette de 25.2% dépasse largement les 6.5% de l'industrie. Ces chiffres reflètent le pouvoir de pricing d'une infrastructure essentielle.

Le retour sur capitaux propres (ROE) de 11.6% sur douze mois glissants reste correct sans être exceptionnel. Ce chiffre modéré s'explique par la nature intensive en capital de l'activité et les importants investissements en cours.

The Circle : le pari immobilier gagnant

Inauguré en novembre 2020 en pleine pandémie, The Circle représente le plus grand projet immobilier suisse de la décennie. Cette réalisation de 160'000 m² conçue par l'architecte japonais Riken Yamamoto a nécessité un investissement de 800 millions à 1.1 milliard de francs, financé à 51% par Flughafen Zürich et 49% par Swiss Life.

Le complexe mixte combine bureaux, commerces, deux hôtels Hyatt totalisant 500 chambres, un centre de congrès de 2'800 m², et un centre médical exploité par l'Hôpital universitaire de Zurich. Plus de 50 entreprises y emploient désormais plus de 5'000 personnes. Fin 2024, 90% des surfaces avaient trouvé preneur.

L'impact sur les revenus immobiliers s'est révélé significatif. Dès 2022, année de reprise post-COVID, les revenus immobiliers incluant The Circle ont atteint des niveaux records et continuent de progresser. Le projet a transformé l'aéroport en destination à part entière, pas uniquement un point de transit.

L'expansion internationale stratégique

Flughafen Zürich a progressivement diversifié ses activités au-delà de la Suisse. La stratégie se concentre sur deux régions : l'Amérique latine et l'Inde. En 2024, les revenus internationaux ont bondi de 11% à 131 millions de francs.

Au Brésil, l'entreprise exploite les aéroports de Florianópolis (élu meilleur aéroport brésilien au premier semestre 2025) et a pris le contrôle de l'aéroport de Natal en février 2024. Au Chili, elle gère l'aéroport d'Iquique. Ces concessions génèrent des flux de trésorerie croissants et exposent le groupe à des marchés à forte croissance démographique.

Le projet phare reste Noida International Airport près de Delhi en Inde. Ce nouvel aéroport greenfield destiné à servir la région de la capitale indienne représente le plus gros projet international du groupe. Après des années de construction, les vols de calibration ont été réalisés avec succès en décembre 2024 et l'ouverture est prévue courant 2025. Ce projet positionne Flughafen Zürich sur l'un des marchés aériens à plus forte croissance au monde.

Situation financière et valorisation

Les chiffres financiers sur douze mois glissants révèlent une entreprise saine. Le chiffre d'affaires s'établit à 1.336 milliards de francs, en croissance de 3.5%. Le bénéfice net de 336 millions progresse de 5.8%. L'EBITDA de 733 millions affiche une marge confortable de 55.3%.

Le bilan reste solide avec un ratio dette sur capitaux propres de 0.56, inférieur à la moyenne sectorielle de 0.62. La couverture des intérêts atteint 19.4 fois, témoignant d'une large marge de manœuvre financière. Le score Altman Z de 3.21 classe l'entreprise dans la zone de sécurité, loin de tout risque de faillite.

Côté valorisation au cours actuel de 241.60 francs, le PER de 22.1 apparaît légèrement supérieur à la moyenne sectorielle de 19.1. Le ratio cours sur cash-flow libre de 69.5 semble élevé, s'expliquant par le niveau d'investissements exceptionnellement élevé en 2024 (571 millions de francs dont 293 millions à Zurich). Ces investissements incluent l'acquisition du bâtiment Radisson Blu pour 155 millions et le remplacement du Dock A.

Politique de dividendes : un tournant en 2025

L'histoire récente des dividendes illustre la traversée du désert COVID puis la reprise vigoureuse. Aucun dividende n'a été versé pour les exercices 2019, 2020 et 2021 afin de préserver la liquidité. Le dividende est revenu à 5.30 francs en 2022 et 2023, avant d'augmenter à 5.70 francs pour 2024 (4.30 ordinaire + 1.40 supplémentaire issu des réserves de capital).

Le rendement actuel de 2.4% reste modeste. Le payout ratio de 52% sur douze mois glissants laisse une marge pour des augmentations futures. Cependant, la croissance du dividende sur 5 ans affiche -5.1% en raison de l'interruption COVID.

Une nouvelle politique de dividende entre en vigueur dès 2025, les réserves de capital étant épuisées. Le taux de distribution sera de 50% du bénéfice net ajusté, auquel s'ajoutent 25% supplémentaires si le ratio dette nette sur EBITDA reste sous 2.5. Avec un ratio de 1.6 fin 2024, la distribution totale pourrait atteindre 75% du bénéfice.

Actionnariat et gouvernance

La structure actionnariale unique combine sphère publique et marché. Le canton de Zurich détient 33.3% du capital et la ville de Zurich 5.1%. Cette participation majoritaire assure une stabilité actionnariale à long terme et un alignement avec les intérêts régionaux. Les 61.6% restants sont librement négociés en bourse.

Cette configuration offre un équilibre intéressant. L'ancrage public limite les risques de prises de contrôle hostiles ou de décisions à courte vue. Simultanément, la cotation boursière impose une discipline financière et une transparence appréciées des investisseurs privés.

Perspectives et catalyseurs

Plusieurs éléments devraient soutenir la croissance future. Le trafic passagers continue de progresser avec une prévision de 32 millions en 2025, établissant un nouveau record historique. Le premier semestre 2025 a déjà enregistré 15 millions de passagers, le meilleur premier semestre de l'histoire de l'aéroport.

Le projet Noida représente un catalyseur majeur. L'ouverture en 2025 d'un aéroport destiné à servir 70 millions de passagers annuels à terme générera des revenus croissants pendant des décennies. L'Inde devrait devenir le troisième plus grand marché aérien mondial d'ici 2030.

L'extension des pistes 28 et 32 à Zurich, approuvée par vote populaire, permettra des opérations plus fiables par tous temps. Les travaux débuteront à partir de 2030 avec un investissement estimé à 250 millions de francs, financé par les taxes aéroportuaires.

Risques à considérer

Comme tout investissement, Flughafen Zürich comporte des risques. Le secteur aérien reste sensible aux chocs externes : crises économiques, pandémies, terrorisme ou tensions géopolitiques. La crise COVID l'a cruellement démontré.

Les projets internationaux exposent à des risques pays, notamment politiques et de change. Un échec en Inde ou au Brésil pourrait impacter les résultats. Les investissements lourds en cours (Noida, modernisation de Zurich) pèsent temporairement sur le cash-flow libre.

La question environnementale représente un enjeu croissant. Bien que l'aéroport vise la neutralité carbone d'ici 2040, l'acceptabilité sociale du transport aérien pourrait évoluer négativement. Les restrictions de vols nocturnes et les contraintes sonores limitent le potentiel de croissance.

La valorisation actuelle intègre largement les bonnes nouvelles. À 22 fois les bénéfices, l'action ne constitue pas une affaire évidente. Un ralentissement économique ou un nouveau choc sanitaire pourrait rapidement décevoir les attentes.

Mon approche d'investissement

J'applique depuis plusieurs années une stratégie quantitative value centrée sur les entreprises de qualité sous-évaluées. Flughafen Zürich présente indéniablement des qualités : franchise économique, marges élevées, bilan solide et croissance internationale.

Cependant, à 241 francs, la valorisation ne crie pas à l'opportunité. Le PER de 22 et surtout le ratio cours sur FCF de 69 reflètent des attentes optimistes déjà incorporées dans le cours. Les investissements massifs actuels pèsent sur la génération de cash-flow libre disponible pour les actionnaires.

Je privilégie les entrées opportunistes lors de corrections injustifiées. L'article original de 2018 mentionnait un achat à 198 francs suite à une dégradation de recommandation UBS. Ces signaux contrariens permettent d'initier des positions à des valorisations plus attractives.

Aujourd'hui, je considère Flughafen Zürich comme une entreprise de grande qualité à surveiller. Une correction de 15 à 20% ramènerait la valorisation vers des niveaux plus raisonnables compte tenu du profil risque-rendement. En attendant, les actionnaires actuels devraient bénéficier d'une croissance régulière soutenue par le trafic organique et les développements internationaux.

Questions fréquentes

Quel est le dividende actuel de Flughafen Zürich ?

Le dividende total s'élève à 5.70 CHF par action, composé de 4.30 CHF de dividende ordinaire et 1.40 CHF de dividende supplémentaire issu des réserves de capital. Le rendement au cours actuel est de 2.4%.

Comment Flughafen Zürich a-t-il surmonté la crise COVID ?

L'entreprise a traversé trois années difficiles (2020-2022) avec des pertes en 2020-2021 et l'absence de dividende. Grâce à des mesures de préservation de liquidité, des emprunts additionnels de 900 millions de francs, et le chômage partiel, elle a évité les licenciements massifs. La reprise s'est matérialisée dès 2022 avec un retour à la profitabilité.

Qu'est-ce que The Circle et quel est son impact ?

The Circle est un complexe immobilier et commercial de 160'000 m² ouvert en novembre 2020, le plus grand projet de construction suisse de la décennie. Avec 90% de taux d'occupation, il génère des revenus immobiliers records et a transformé l'aéroport en destination économique majeure employant plus de 5'000 personnes.

Quels sont les projets internationaux de Flughafen Zürich ?

L'entreprise exploite des aéroports au Brésil (Florianópolis, Natal) et au Chili (Iquique). Le projet majeur est Noida International Airport près de Delhi en Inde, dont l'ouverture est prévue en 2025. Ces activités internationales représentent désormais 131 millions de francs de revenus annuels.

Faut-il investir dans Flughafen Zürich en 2025 ?

L'entreprise présente des fondamentaux solides avec des résultats records et une expansion internationale prometteuse. Cependant, la valorisation actuelle (PER de 22) intègre largement ces perspectives positives. Une approche patiente attendant une correction de 15-20% offrirait un meilleur point d'entrée pour les investisseurs à long terme.


Sources et données

Les données financières proviennent de FactSet (données TTM - Trailing Twelve Months au 3 décembre 2025).

Rapports annuels et communiqués officiels :

Informations complémentaires :



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8 réflexions sur “Flughafen Zürich : analyse complète de l’aéroport coté en bourse”

  1. Merci dividinde pour cette très belle analyse.

    Effectivement on a tous les ingrédients d’une franchise : rente de situation, marges énormes, frais généraux assez faibles…
    La marge de free cash flow est encore plus impressionnante que celle du bénéfice : 35.4%. Ça donne presque des frissons.
    C’est une véritable usine à liquidités.D’ailleurs les réserves de cash sont elles aussi énormes, avec un current ratio à 3.09 (et presque pareil pour le quick ratio). Pour faire la fine bouche je dirais que c’est même trop, car ça devient du gaspillage…
    Le payout ratio comme tu le dis est de 70%, mais par rapport aux bénéfices. Par rapport au free cash flow il n’est que de 55%!!!

    Il n’y a que le prix qui me retient pour l’instant, encore un peu trop cher pour moi, comme la plupart des aéroports d’ailleurs. Il y a eu clairement eu de la spéculation sur ce secteur (en même temps il y a une bulle sur tous les secteurs ou presque en ce moment…).

    Et puis, comme dit le dicton, on n’achète pas un couteau qui tombe. J’ai retenu la leçon depuis Swissair, puisque tu en parles 🙂

    Enfin, tout à fait d’accord avec ton petit coup de gueule sur les recommandations des banques. De toute façon il n’y a plus que les pigeons qui les suivent encore!

  2. C’est vrai que les chiffres sont encore plus vertigineux avec le free cash flow qu’avec le bénéfice net. C’est une vraie vache à lait et j’adore aussi le côté très « immobilier » de l’aéroport. D’ailleurs c’est pas pour rien que Swiss Life s’est engagée à 49% dans le projet d’agrandissement The Circle.

    Par rapport aux recommandations d’analystes je vais encore plus loin que de dire qu’il ne faut pas les suivre: bien souvent c’est carrément payant d’en prendre le parfait contre-pied!

  3. Non, je suis toujours à bord… Mais je m’en suis pris plein le cockpit avec cette décision sur les taxes de L’Office fédéral de l’aviation civile!

  4. Le couteau continue sa chute ma parole.
    Je n’étais pas sur cette position, mais je dois dire qu’en ce moment je liquide mes positions les unes après les autres.
    Je n’ai plus qu’une quarantaine de lignes, ce qui est un exploit pour moi !!!
    Et près de 40% de cash !

  5. Bonjour, occase de se renforcer ?
    Le Covid sera passager tandis que The Circle va se remplir progressivement.

    1. Je dirais plutôt oui, mais la visibilité est très mauvaise actuellement. Cela dépendra surtout de l’ampleur et de la durée de la pandémie. Les avions seront-ils à nouveau remplis dans un mois? Ou faudra-t-il attendre 6 mois? Une année?

      Si tu as les nerfs solides tu peux ouvrir une position maintenant. Si tu préfères dormir paisiblement la nuit, attends de voir comment la situation évolue.

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