Analyse Tesla 2020 : pourquoi les fondamentaux comptent toujours

✓ Analyse historique 2020 - 2025

Cet article analyse Tesla lorsque l'entreprise était déficitaire et massivement surévaluée. Aujourd'hui (novembre 2025), avec des profits qui s'effondrent et des valorisations toujours délirantes, cette analyse basée sur les fondamentaux garde toute sa pertinence.

Évolution financière Tesla 2020-2025 analyse fondamentaux

En février 2020, Tesla cristallisait tous les débats d'investissement. Le cours venait d'exploser de 280% en six mois, propulsant l'entreprise à une valorisation supérieure à Toyota, Volkswagen et Renault réunis. Pourtant, l'entreprise d'Elon Musk n'avait jamais dégagé le moindre bénéfice net.

Ma conclusion à l'époque était sans appel : acheter Tesla relevait de la pure spéculation. Cinq ans plus tard, que nous enseignent les faits ?

Précision importante : Le cours de Tesla a continuer à grimper depuis mon analyse. Mais cette performance est toujours en décalage avec les fondamentaux. Elle confirme le caractère hautement spéculatif de l'action. Aujourd'hui, avec le recul de cinq années, examinons ce qui s'est passé et ce que cela nous enseigne.

L'analyse originale de février 2020

Mon approche était celle d'un investisseur quantitatif orienté valeur : analyser les ratios financiers, la rentabilité, l'endettement et les flux de trésorerie. Les chiffres de Tesla à l'époque parlaient d'eux-mêmes.

Une valorisation déconnectée de toute réalité

Tesla affichait des ratios qui défiaient l'entendement :

  • P/E ratio : Impossible à calculer. Que des pertes nettes, année après année.
  • Price-to-Book : 23..5 fois la valeur comptable. Pour une entreprise industrielle, c'était stratosphérique.
  • Price-to-Sales : 6.3 fois les ventes. Au-delà de 3, c'était généralement un signal de vente.
  • Price-to-FCF : 160 fois le free cash flow. Le flux était positif pour la première fois, mais le multiple restait délirant.
  • EBIT et EBITDA : Négatifs tous les deux. L'entreprise perdait de l'argent même avant impôts, intérêts et amortissements.

À titre de comparaison, ces ratios étaient comparables à ceux des startups dotcom en 1999-2000, juste avant l'éclatement de la bulle.

Un bilan préoccupant

Au-delà des ratios de valorisation, le bilan était inquiétant :

Liquidité faible : Current ratio de 1.1 (limite acceptable), quick ratio de 0.8 (préoccupant pour une entreprise industrielle).

Marges catastrophiques : Marge brute de seulement 16.6% (en baisse), frais généraux à 80% du CA, marge nette négative. Seule une marge de free cash flow de 3.94% apportait un espoir.

Endettement lourd : Dette long terme à 34% (en hausse), dette totale représentant 2.6 fois les fonds propres. Impossible à rembourser avec les flux actuels.

Dilution des actionnaires : Tesla augmentait le nombre d'actions en circulation chaque année (-7.6% par an), tout en émettant de la dette (1% par an). L'actionnaire subissait un rendement négatif cumulé de -8.5% annuel.

Score de Piotroski : 4/9. Lamentable pour une entreprise qui prétendait révolutionner l'industrie.

Ma conclusion de 2020

"Il est possible que Tesla arrive un jour à percer, mais pour l'instant il y a beaucoup trop d'incertitudes. En acheter, c'est de la pure spéculation. À ce prix ça peut faire très mal."

Cette conclusion était basée sur une analyse rigoureuse des fondamentaux. Pas d'émotions, pas de prédictions fantaisistes sur "l'avenir de la mobilité". Juste des chiffres.

Ce qui s'est passé ensuite (2020-2025)

L'embellie 2020-2023 : Tesla devient profitable

Je dois l'admettre : Tesla a réussi à devenir profitable à partir de 2020. L'entreprise a atteint une échelle de production suffisante pour générer des marges positives. Le chiffre d'affaires est passé de 24,6 milliards (USD) en 2019 à 97,7 milliards en 2024.

Les bénéfices nets ont culminé à 15 milliards de dollars en 2023. Les marges opérationnelles ont atteint des niveaux respectables. La dette a été considérablement réduite (actuellement le ratio dette/fonds propres n'est que de 0.19). Sur le papier, Tesla est devenue une vraie entreprise rentable.

Le cours de bourse a explosé durant cette période, atteignant des sommets historiques. Sauf que cette hausse du cours ne change rien à mon analyse initiale. Elle confirme au contraire que Tesla était une action hautement spéculative où les mouvements de cours sont déconnectés des fondamentaux. Les valorisations restent délirantes même au pic de rentabilité.

Le retour de bâton 2024-2025

Voilà où les fondamentaux reprennent leurs droits. Après avoir atteint un pic de rentabilité en 2023, la situation s'est brutalement détériorée en 2024 :

  • Profits divisés par deux en un an : De 15 milliards en 2023 à 7,2 milliards en 2024. Une chute de 52%.
  • Marges en compression : La marge opérationnelle tombe à 7,9% en 2024 et même à 5% sur les douze derniers mois. Elle était de près de 17% en 2022.
  • Croissance en panne : +1% seulement de CA en 2024 et même une baisse de 1.56% sur les douze derniers mois. 2025 est partie pour être la première année de recul des ventes.
  • EPS en chute libre : -59% sur les 12 derniers mois. Les bénéfices par action s'effondrent.

Les valorisations restent délirantes

Le plus frappant ? Malgré cette détérioration brutale, les ratios de valorisation restent stratosphériques :

  • P/E ratio : 279 (vs 20.8 pour l'industrie). Oui, vous avez bien lu : 279 fois les bénéfices.
  • Price-to-Sales : 15.40 (vs 1.27 pour l'industrie). Encore plus élevé qu'en 2020 (6.3).
  • Price-to-Cash Flow : 130 (vs 9.52 pour l'industrie). Aucun apprentissage du marché.

Nous sommes exactement dans la configuration que je dénonçais en 2020 : une valorisation déconnectée des fondamentaux, mais cette fois avec des profits qui s'effondrent et une croissance en panne.

Les nouveaux problèmes structurels

1. La concurrence chinoise

BYD et d'autres constructeurs chinois produisent désormais des véhicules électriques de qualité à des prix bien inférieurs. Tesla perd des parts de marché partout, notamment en Chine, son deuxième marché.

2. L'image de marque dégradée

L'implication politique controversée d'Elon Musk auprès de l'administration Trump a provoqué des boycotts dans plusieurs pays. La marque Tesla, autrefois synonyme d'innovation progressive, est devenue polarisante, pour ne pas dire "has been".

3. La gamme vieillissante

Model 3 et Model Y dominent toujours les ventes, mais ces modèles datent de plusieurs années. Le Cybertruck, censé révolutionner le segment des pickups, peine à monter en cadence.

4. La dilution continue

Depuis 2018, Tesla a augmenté le nombre d'actions de près de 40%. La dilution des actionnaires continue, comme je le pointais déjà en 2020.

Leçons pour l'investisseur FIRE

Leçon 1 : Les fondamentaux finissent toujours par compter

Le cours de Tesla a explosé, donnant raison aux optimistes à court terme. Mais cette hausse est en décalage avec les fondamentaux solides — elle reflète l'enthousiasme spéculatif du marché et la FOMO de beaucoup d'investisseurs.

Les cycles de marché peuvent être longs, mais les fondamentaux finissent toujours par s'imposer. Comme je l'écrivais dans mon analyse comparative récente Tesla vs Volkswagen, Tesla ressemble de plus en plus à Cisco dans les années 90 : une entreprise qui était le fer de lance de la "nouvelle économie", se négociait à 170 fois les bénéfices en 1997, puis a mis 25 ans à ne jamais retrouver son sommet.

Leçon 2 : La spéculation peut être très profitable... pour ceux qui sortent au bon moment

Soyons honnêtes : quelqu'un qui aurait acheté Tesla en février 2020 (ou avant) a réalisé un gain spectaculaire. C'est indéniable.

Mais c'est exactement la définition de la spéculation réussie : être capable de timer le marché parfaitement, d'acheter dans l'enthousiasme et de vendre dans l'euphorie. Combien d'investisseurs y parviennent réellement ? La majorité achète trop tard (quand tout le monde en parle) et revend trop tard (quand les pertes sont déjà importantes).

Pour un investisseur FIRE qui cherche la stabilité et la prévisibilité, cette approche n'est pas viable. On ne construit pas une stratégie de revenus passifs sur l'espoir de timer parfaitement le marché.

Leçon 3 : L'analyse quantitative protège des émotions

Mon analyse de 2020 était froide, basée sur des ratios financiers objectifs. Pas d'enthousiasme démesuré, pas de peur de "rater quelque chose". Juste des chiffres.

Cette discipline quantitative m'a protégé d'un investissement qui aurait été extrêmement volatil et risqué. Même si j'ai "raté" la hausse qui a suivi, j'ai aussi évité les corrections brutales de -73% (2021-2023) et les nouvelles baisses de 2024 et 2025.

Pour un investisseur FIRE qui cherche la stabilité et des revenus passifs, éviter cette volatilité était la bonne décision, alignée avec mes objectifs.

Leçon 4 : Pas de création de valeur pour l'actionnaire FIRE

Tesla ne versait aucun dividende en 2020. Tesla ne verse toujours aucun dividende en 2025. Même pendant la période profitable 2020-2023, l'actionnaire Tesla n'a reçu aucun cash. Toute la "valeur" reste théorique, dépendante de la capacité à revendre l'action à un prix élevé à quelqu'un d'autre.

Le problème n'est pas en soi l'absence de dividende. Berkshire n'en verse aucun non plus. Le problème c'est que, d'une manière ou d'une autre, aucun transfert de valeur n'est effectué vers l'actionnariat. Au contraire, l'entreprise dilapide son capital actions : depuis son IPO en 2010, le nombre d'actions en circulation a augmenté de 150%.

Leçon 5 : Distinguer spéculation et investissement

Acheter Tesla en 2020 (ou en 2025) relève de la spéculation, pas de l'investissement. On parie sur :

  • La conduite autonome (promise depuis 10 ans, jamais livrée)
  • Les robotaxis (promis pour "l'année prochaine" depuis 2019)
  • Le robot humanoïde Optimus (encore au stade de prototype)
  • Un retournement miraculeux face à BYD

Peut-être que certains de ces paris se réaliseront. Peut-être pas. Ce qui est certain, c'est que les ratios actuels (P/E 279, P/S 15.40) n'offrent aucune marge de sécurité en cas d'échec.

Mise à jour 2025 : Tesla aujourd'hui

J'ai publié en juillet 2025 une analyse comparative approfondie entre Tesla et Volkswagen qui reprend ces points en détail et compare les deux constructeurs sur tous les critères financiers.

Ma conclusion y est encore plus tranchée : Tesla est un "géant aux pieds d'argile", un pari hautement spéculatif sur l'avenir, comparable à Cisco dans les années 90. Les valorisations actuelles (P/E 279) ne se justifient par aucun fondamental.

FAQ - Tesla et l'approche fondamentale

Que penser de Tesla en 2025 pour un investisseur FIRE ?
Consulter mon analyse récente complète Tesla vs Volkswagen. En résumé : les valorisations sont toujours aussi délirantes (P/E 279), les profits s'effondrent (-52% en 2024), la croissance est en panne, la concurrence chinoise frappe fort, et l'image de marque est dégradée. Un "géant aux pieds d'argile" totalement inadapté à une stratégie FIRE.

Y a-t-il un prix auquel Tesla deviendrait intéressant ?
Avec un P/E de 30-40 (au lieu de 279) et un retour à une croissance durable des profits, peut-être. Il faudrait aussi plus de visibilité sur la capacité à résister à BYD et aux autres concurrents chinois qui produisent moins cher et innovent rapidement.

Faut-il acheter Tesla aujourd'hui ?
Non. Pour un investisseur FIRE : absolument pas. Pour un spéculateur avec forte tolérance au risque : c'est son choix, mais en connaissance de cause. Les fondamentaux actuels (profits en chute, concurrence féroce, valorisations délirantes) ne justifient aucunement le prix actuel.

💡 Conclusion : Les fondamentaux finissent par compter

Cette analyse de Tesla illustre parfaitement pourquoi l'approche quantitative value reste pertinente, même (surtout ?) dans un monde de "disruption" et d'"innovation".

Les faits de 2024-2025 :

  • ✓ Profits divisés par deux en un an (2023→2024)
  • ✓ Croissance en panne (-1.5% sur les 12 derniers mois)
  • ✓ Valorisations toujours délirantes (P/E 279, pire qu'en 2020)
  • ✓ Concurrence chinoise féroce (BYD et autres)
  • ✓ Image de marque dégradée (boycotts)
  • ✓ Toujours aucun dividende après 20+ ans d'existence

Ma conclusion de 2020 — "c'est de la pure spéculation" — reste d'actualité en 2025. Aujourd'hui avec des profits qui s'effondrent et des valorisations toujours délirantes, les fondamentaux reprennent leurs droits. Ils finissent toujours par compter, même pour les "actions du futur".

Pour l'investisseur FIRE, cette expérience enseigne l'importance de la discipline, de la patience et d'une analyse rigoureuse détachée du bruit médiatique et de la peur de "rater quelque chose". Parfois, la meilleure décision d'investissement est de ne pas investir, surtout quand les valorisations sont déconnectées de toute réalité.


En savoir plus sur dividendes

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

13 réflexions sur “Analyse Tesla 2020 : pourquoi les fondamentaux comptent toujours”

  1. Le pire, c’est que Bill Gates, bon investisseur et visionnaire également est passé à la voiture électrique… mais pas une Tesla… ABE
    Buffet avait d’ailleurs aussi investi dans la voiture électrique en prenant une participation dans BYD, entreprise chinoise, qui fabtique… des batteries principalement et des voitures aussi et non dans Tesla…

    1. J’avais hésité à en acheter l’année dernière. Cela mériterait sans doute une analyse dès qu’on a les chiffres 2019. Y a toujours les scandale diesel en filigrane mais la valorisation semble intéressante a priori.

    2. S’agissant de l’industrie automobile, au-delà des chiffres que l’on trouve dans les comptes, je pense que le futur sera difficile en ce sens que les constructeurs font et feront des investissements colossaux dans le développement de nouvelles technologies permettant de se conformer aux nouvelles normes, sans pouvoir les reporter intégralement sur les clients. En outre, les jeunes générations semblent être moins tentées par la propriété d’une auto, favorisant d’autres modes d’utilisation; il risque d’y avoir moins d’autos immatriculées par habitant, en raison de diverses formes de partage.
      D’un autre côté, ce phénomène va peut-être éliminer certains acteurs et favoriser des fusions avec les économies d’échelle qui vont avec. Les géants les plus solides pourraient s’y retrouver.
      Quant à Tesla, c’est très particulier; pour ma part, je n’ai pas envie de jouer au casino et je pense qu’aujour’hui il y a plus de chances de perdre que de gagner avec cette société (mais ceux qui ont misé l’été passé ont gagné le gros lot!).

    1. Et malheureusement la plupart des nouveaux clients de swissquote ne vont par lire de tels articles et se ruer sur les actions « à la mode », type Tesla, se disant que si c’est monté de 100% ça ne peut que continuer… mais voilà, à la roulette il y a le « 0 »…
      Je me sens comme dans le livre; ce fameux réveil sous la neige à regarder le voisin déneiger la voiture pour aller bosser alors que je suis paisible, sachant que des revenus vont continuer de tomber, attendant que le « 0 » tombe pour faire le « black friday » 🙂

      Merci encore pour le livre, son contenu, ses références et sa clarté, j’ai apprécié sa lecture et le souhait de partager un travail de titan!

      1. Merci AGU. Cela me touche beaucoup. Vraiment.
        Content de lire ceci. Effectivement c’est un travail de Titan… Un petit commentaire sur Amazon serait bienvenu. Histoire de marquer la différence par rapport aux autres arnaques qu on trouve sur le web.

  2. Alors… j’ai posté le com dans le menu une fois le livre ouvert sous la rubrique « avant de partir ». Je viens de regarder pour publier dans la boutique et… ce n’est pas possible pour moi car il faut avoir dépensé au minimum 50€ pour pouvoir poster des commentaires. Il est fort Bezos!! Navré. Du coup je ne sais pas qui peut lire mon commentaire dans la rubrique « avant de partir »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *