
La vraie richesse n'est pas une question de millions en banque. À travers une conversation inattendue avec mon fils, j'ai redécouvert une vérité essentielle sur l'indépendance financière : elle commence bien avant la phase de retrait. Voici comment identifier le moment où vous entrez DANS l'IF, même si vous ne le réalisez pas encore.
"Dis papa, on est riches ?"
WTF. Celle-ci je ne l'avais pas vue venir.
- Euh, comment te dire... C'est quoi pour toi être riche ?
- Ben, ça veut dire que je peux acheter tout ce que j'ai envie.
- Et c'est quoi tout ce que tu as envie ?
Je vous passe la liste. Grosso-modo ça tourne autour de la console de jeu qui commence par un S et qui finit par un H, le tout arrosé de quelques maillots de foot.
- Et c'est tout ?
- Ben (visiblement surpris par la question)... oui.
Et là Sénèque vient à ma rescousse.
La richesse selon Sénèque
- Alors tu es riche !
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que "Le pauvre n'est pas celui qui a peu, mais celui qui en veut toujours plus."
- ... (grands yeux écarquillés)
- Cela veut dire que si tout ce que tu as envie c'est quelques jeux video et maillots de foot, alors tu peux les avoir facilement en économisant un petit peu.
- Oui mais je n'ai pas encore l'argent, donc je ne suis pas riche.
- Et si tu avais l'argent ?
- Ben j'achèterais les jeux video.
- Et après tu serais riche ?
- Euh... ben non.
- Pourtant tu m'as dit que riche ça voulait dire d'acheter tout ce que tu avais envie.
- Oui mais après je n'aurai plus d'argent !
- Pour faire quoi ?
- Ben pour acheter d'autre jeux !!!
Et il tourne les talons, visiblement frustré que son papa ne comprenne rien.
Je m'en suis bien tiré pour cette fois, même s'il repart avec plus de questions que de réponses. Et ça me fait réfléchir à mon tour. Ces quelques questions innocentes ont suffi à me rappeler que la Rat Race fait partie de nous depuis notre tendre enfance. Elle nécessite un travail conscient et quotidien de notre part pour s'en affranchir. Elle se tient en embuscade, partout, à tout moment, prête à réagir à la moindre baisse de vigilance de notre part.
Mais surtout ces questions sur la richesse me rappellent autre chose : ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de choix. L'indépendance financière c'est d'avoir le choix de faire ce qu'on veut, quand on veut. Si on possède plusieurs millions mais qu'on est contraint à en amasser encore et encore pour subvenir à des besoins jamais assouvis, on n'est pas libre. A contrario, on est financièrement indépendant à partir du moment où on peut se payer le luxe de sortir du système.
L'indépendance financière n'est pas une porte à franchir
Ceci m'amène à une autre distinction. On parle souvent de chemin vers l'indépendance financière. Comme si, à un moment donné, il y avait une porte à franchir pour passer de l'autre côté. J'ai d'ailleurs longtemps eu cette image en tête durant ma phase FIRE d'accumulation. Pourtant, cette représentation est tout sauf vraie. On n'en prend conscience que plus tard, lorsqu'on est effectivement en phase de retrait, depuis quelques temps.
Le chemin VERS vs le chemin DANS l'IF
Le passage de la phase d'accumulation à celle de retrait paraît être le Saint Graal pour les adeptes du FIRE. Pourtant ce n'est qu'une étape symbolique de toute la démarche. Plutôt que de se limiter à distinguer les phases d'accumulation et de retrait, on devrait aussi faire la différence entre le chemin VERS l'indépendance financière et celui DANS l'indépendance financière. Le premier commence à partir du moment où on a décidé de sortir de la Rat Race, en épargnant et en investissant. Le deuxième commence dès qu'on peut commencer à récolter les fruits de la première phase.
À ce stade, on est déjà financièrement indépendant, même si on n'en a pas forcément encore conscience. On l'est parce qu'on peut déjà faire des choix par rapport à son avenir, que d'autres ne pourraient pas faire (baisser son horaire de travail, prendre un long congé sabbatique ou quitter son emploi sans en avoir un autre et sans s'inscrire au chômage). Cette liberté financière progressive vous donne ce qu'on appelle le « FU money » : la capacité de dire non à ce qui ne vous convient plus.
Ce chemin DANS l'indépendance financière peut arriver bien plus vite que la phase de retrait proprement dite. Bien qu'on ne ponctionne pas encore son capital, on limite de plus en plus son taux d'épargne (les revenus issus des activités dépendantes déclinant). Et cela peut durer passablement de temps, jusqu'à ce que ce taux soit voisin de zéro. Là encore, on peut vivre plusieurs mois à plusieurs années avec un taux d'épargne quasi nul, DANS l'indépendance financière.
Coast FIRE et Barista FIRE : vous vivez déjà DANS l'IF
Ce que je décris ici, les Anglo-Saxons l'ont baptisé de deux termes distincts. Le Coast FIRE désigne le moment où votre capital accumulé est suffisant pour atteindre l'indépendance financière grâce à la seule croissance des marchés, sans épargner davantage. Le Barista FIRE décrit la situation où vous réduisez votre taux d'activité pour privilégier votre qualité de vie, vos revenus couvrant vos dépenses courantes sans entamer votre capital.
Ces deux concepts ne s'excluent pas mutuellement. Au contraire, la plupart des adeptes du FIRE vivent une combinaison des deux : ils réduisent progressivement leur taux d'activité (Barista) tout en laissant croître leur capital accumulé (Coast). C'est exactement ce que je définis comme le chemin DANS l'indépendance financière : cette phase de transition où vous êtes déjà libre de vos choix, même si vous n'avez pas encore basculé en phase de retrait pur.
J'ai personnellement vécu cette transition en basculant en Barista FIRE à 39 ans, puis en Coast FIRE quelques années plus tard, avant d'entrer en phase de retrait à 48 ans. Cette expérience m'a appris une chose essentielle : on n'attend pas d'être "arrivé" pour commencer à vivre libre.
La phase psychologique avant le retrait
Cette dernière étape, avant la phase de retrait, est nécessaire, non pas d'un point de vue financier mais psychologique. On est déjà financièrement indépendant, mais la tête n'est pas encore prête à faire le dernier grand saut. Le "travail" est une valeur fondamentale de nos sociétés occidentales. S'en affranchir ne se fait pas aussi facilement : d'un point de vue social, familial et personnel, il faut avoir pensé à tout et prendre son courage à deux mains avant de passer en phase de retrait.
"Dis papa, on est riches ?"
Riches, non. Mais financièrement indépendants, oui. Et ça vaut toutes les richesses du monde.
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