Analyse Cembra Money Bank : leader suisse du crédit à la consommation

Article original rédigé par dividinde en février 2018, mis à jour par mes soins en décembre 2025

Cembra Money Bank AG, dont le siège se situe à Zurich-Altstetten, figure parmi les principaux prestataires de solutions de financement et de services de paiement en Suisse. Spécialisée dans le crédit à la consommation depuis plus d'un siècle, l'entreprise s'est progressivement imposée comme un acteur incontournable du marché helvétique avec plus de 2 millions de clients et 812 employés.

Analyse Cembra Money Bank : graphique illustrant les performances financières de la banque suisse spécialisée dans le crédit à la consommation, avec indicateurs clés de rentabilité et dividende 2025

Anciennement connue sous le nom de GE Money Bank jusqu'à son introduction en bourse fin 2013, Cembra s'est émancipée de General Electric pour devenir une entité indépendante cotée au SIX Swiss Exchange. Aujourd'hui, la banque déploie une gamme complète de produits financiers incluant crédits personnels, financement automobile, cartes de crédit, assurances associées et produits d'épargne.

Modèle économique et positionnement stratégique

Cembra opère exclusivement sur le marché suisse à travers un réseau de distribution diversifié comprenant environ 25 agences, 200 agents indépendants, 4000 concessionnaires automobiles partenaires et des canaux digitaux en pleine expansion. Cette capillarité lui permet de toucher efficacement les particuliers, les indépendants et les petites entreprises.

Le portefeuille de créances clients s'établit à 6.63 milliards de francs au 31 décembre 2024, réparti entre trois segments principaux. Les crédits personnels constituent historiquement le cœur de métier, même si ce segment a connu une contraction contrôlée de 4% en 2024, reflétant une politique de sélection rigoureuse des risques. Le financement automobile, renforcé par l'acquisition d'EFL Autoleasing en 2017, représente désormais un pilier majeur de croissance. Les cartes de crédit et le financement de factures via CembraPay complètent l'offre avec une dynamique particulièrement favorable.

Transformation stratégique "Reimagine Cembra"

Depuis 2022, Cembra exécute sa stratégie "Reimagine Cembra" qui vise quatre objectifs majeurs : simplifier les processus opérationnels, accélérer la digitalisation, renforcer la proximité client et améliorer la rentabilité. Cette transformation se traduit par des investissements technologiques substantiels, notamment le remplacement du système bancaire central par une plateforme moderne permettant l'automatisation et le traitement en temps réel.

Les résultats de cette transformation sont déjà tangibles. Le ratio coûts/revenus est passé de 50.9% en 2023 à 48.1% en 2024, avec un objectif ambitieux de 39% d'ici fin 2026. La nouvelle application mobile Cembra intègre progressivement l'ensemble des produits : visualisation des contrats de leasing, gestion des assurances HomeProtect et PaymentProtect, paiement de factures QR via Scan2Pay. Les concessionnaires automobiles bénéficient désormais de décisions de crédit instantanées grâce à la nouvelle plateforme de leasing.

En décembre 2025, la banque a nommé Bernardo de Barros Franco comme nouveau Directeur Clientèle et Croissance. Fort de plus de 25 ans d'expérience dans la fintech et la banque digitale, notamment chez Mercado Libre et SumUp, il est chargé d'accélérer l'innovation et la croissance numérique.

Performance financière récente

L'exercice 2024 s'est soldé par des résultats solides démontrant l'efficacité de la stratégie mise en œuvre. Le chiffre d'affaires a atteint 655.71 millions de francs (exercice clos le 31 décembre 2024), en progression de 11.02% par rapport à 2023, tandis que les revenus sur 12 mois glissants (TTM) s'établissent à 649.12 millions (+3.32%).

Le bénéfice net s'est élevé à 170.40 millions de francs pour l'exercice fiscal (+7.82%) et 179.28 millions en données TTM (+11.13%). Cette croissance reflète principalement l'amélioration de la marge d'intérêt nette, qui a atteint 5.6% contre 5.3% l'année précédente, ainsi que la maîtrise exemplaire des coûts opérationnels.

Les charges d'exploitation totales ont progressé de seulement 1% à 264.5 millions de francs, malgré la poursuite des investissements de transformation. Les frais de personnel ont même diminué de 2% grâce à la rationalisation organisationnelle, tandis que les dépenses opérationnelles ont augmenté de 3% pour soutenir les initiatives stratégiques.

Rentabilité et profitabilité exceptionnelles

Cembra se distingue par des marges parmi les meilleures du secteur bancaire européen. La marge opérationnelle (EBIT) atteint 34.32% (TTM), largement supérieure à la moyenne du secteur des banques internationales établie à 24.90%. Plus impressionnante encore, la marge nette s'élève à 27.62% contre 17.89% pour l'industrie, témoignant d'une efficacité opérationnelle remarquable.

Le rendement des fonds propres (ROE) s'établit à 14.60% sur 12 mois glissants, au-dessus de la moyenne sectorielle de 11.86%. La direction vise un ROE d'au moins 15% à partir de 2025, objectif qui semble réaliste compte tenu de la dynamique actuelle. Au premier semestre 2025, le ROE s'est établi à 13.8%, soutenu par une croissance du bénéfice net de 11.4% à 87.2 millions de francs.

Solidité financière et gestion du risque

La structure du bilan révèle une capitalisation robuste avec un ratio de fonds propres durs (CET1) de 17.9% au 31 décembre 2024, confortablement au-dessus des exigences réglementaires et de l'objectif interne de 17%. L'entrée en vigueur des standards finaux de Bâle III au 1er janvier 2025 aura un impact négatif limité de 0.5 point de pourcentage sur ce ratio.

Le ratio dette/fonds propres s'établit à 2.21, légèrement supérieur à la moyenne du secteur (1.87), ce qui reste tout à fait acceptable pour une institution financière spécialisée dans le crédit à la consommation. La couverture des intérêts de 4.46x garantit une marge de sécurité confortable, même si elle se situe légèrement en-dessous de la moyenne sectorielle de 4.81x.

La qualité du portefeuille de crédit demeure excellente avec un taux de pertes contrôlé à 1.1% en 2024, et même seulement 0.9% au premier semestre 2025. Cette performance reflète la rigueur de la politique de sélection des risques et l'efficacité des processus de recouvrement, particulièrement remarquable dans un contexte économique incertain.

Politique de dividende attractive

Cembra maintient une politique de distribution généreuse tout en préservant sa solidité financière. Le dividende annuel s'élève à 4.25 francs par action pour l'exercice 2024 (versé en 2025), en hausse de 0.25 franc (+6%) par rapport à l'exercice précédent. Au cours actuel de 96.80 francs, cela correspond à un rendement de 4.39%.

Le taux de distribution (payout ratio) atteint 69.55% des bénéfices sur base TTM, reflétant l'engagement de la direction à rémunérer les actionnaires tout en conservant une capacité d'investissement suffisante pour la transformation stratégique. Cette politique contraste avec les années suivant l'acquisition d'EFL, durant lesquelles le dividende était resté stable pour reconstituer les fonds propres.

Le shareholder yield total (dividende + rachats d'actions) s'élève à 4.60%, légèrement au-dessus du rendement du dividende seul. Le nombre d'actions en circulation a diminué de 0.22% sur 10 ans, témoignant d'une discipline d'allocation du capital équilibrée.

Environnement réglementaire et contraintes

Le principal défi réglementaire reste le plafonnement du taux d'intérêt maximal sur les crédits à la consommation, instauré en 2016 par le Conseil fédéral qui l'a ramené de 15% à 10%. Cette mesure a contraint Cembra à réorienter sa stratégie, en compensant la pression sur les marges du crédit personnel par le développement des revenus de commissions liés aux cartes de crédit et l'expansion du financement automobile.

La stratégie s'avère payante : malgré ce cadre contraignant, la banque a non seulement maintenu mais amélioré sa rentabilité grâce à une meilleure sélection des risques, une tarification plus fine et une diversification accrue de ses sources de revenus. Les partenariats récents avec Zalando et Globus au premier semestre 2025 illustrent cette capacité d'adaptation.

Valorisation et perspectives

Avec une capitalisation boursière de 2.84 milliards de francs, Cembra affiche un ratio cours/bénéfice (P/E) de 15.83 sur base TTM, nettement supérieur à la moyenne du secteur bancaire international établie à 10.73. Cette prime de valorisation reflète la qualité exceptionnelle du modèle économique, les marges élevées et la visibilité des flux de trésorerie.

Le ratio cours/valeur comptable (P/B) s'établit à 2.28, soit presque le double de la moyenne sectorielle de 1.19. Là encore, cette prime apparaît justifiée par un ROE structurellement supérieur et des perspectives de croissance maîtrisée. Le ratio cours/valeur comptable tangible de 2.72 confirme cette tendance.

Le titre a progressé de 17.19% sur 52 semaines, portant le cours de 83 francs début 2024 à 96.80 francs actuellement. Cette performance s'explique par la confirmation de l'exécution réussie de la transformation stratégique et la publication de résultats dépassant les attentes. La volatilité annuelle modérée de 18.79% et un bêta faible de 0.41 témoignent du caractère défensif de la valeur.

Scores de qualité financière

Le Piotroski F-Score de 6 sur 9 points indique une situation financière solide sans être exceptionnelle. Ce score reflète la bonne performance opérationnelle et la solidité du bilan, bien que certains critères techniques puissent pénaliser mécaniquement une banque de crédit à la consommation.

L'Altman Z-Score de 0.53 doit être interprété avec prudence pour une institution financière, car ce modèle a été développé pour les entreprises industrielles et peut donner des résultats trompeurs pour les banques dont la structure bilancielle est naturellement différente.

Risques à considérer

Malgré ses atouts indéniables, Cembra fait face à plusieurs risques structurels. La sensibilité au cycle économique constitue la première vulnérabilité : en cas de ralentissement marqué, la demande de crédit pourrait s'affaiblir tandis que les défauts de paiement augmenteraient. Le léger recul du volume de créances en 2024 (-1%) illustre cette sensibilité, même si la banque a su maintenir ses marges.

La concurrence s'intensifie avec l'émergence de fintechs proposant des solutions de crédit et de paiement innovantes à moindre coût. Cembra répond par sa transformation digitale, mais devra continuer à investir massivement pour préserver son avance technologique et son expérience client.

Le cadre réglementaire pourrait évoluer défavorablement, avec un renforcement potentiel des exigences en capital (Bâle III finalisé) ou de nouvelles restrictions sur les taux et pratiques commerciales. La marge de manœuvre réglementaire sur le pricing reste limitée par le plafond de 10%.

Enfin, la valorisation actuelle intègre déjà des attentes élevées. Avec un P/E de 15.83 et un P/B de 2.28, tout dérapage dans l'exécution de la stratégie ou tout résultat décevant pourrait entraîner une correction significative du cours.

Conclusion

Cembra Money Bank combine des qualités rares dans le secteur bancaire européen : des marges exceptionnelles, une rentabilité structurellement élevée, une capitalisation solide et une visibilité satisfaisante sur ses flux de trésorerie. La stratégie "Reimagine Cembra" commence à porter ses fruits avec une amélioration notable du ratio coûts/revenus et une accélération de la transformation digitale.

Le dividende de 4.39% constitue un coussin de rendement appréciable, d'autant plus que la croissance du bénéfice permet d'envisager des augmentations régulières dans les années à venir. Les résultats du premier semestre 2025 (+11.4% de bénéfice net) confirment la dynamique positive.

La valorisation apparaît toutefois exigeante avec un P/E de 15.83, soit une prime de 48% par rapport à la moyenne du secteur bancaire. Cette prime se justifie par la qualité du modèle et les perspectives, mais laisse peu de marge d'erreur. Pour les investisseurs recherchant une exposition au marché suisse avec un profil qualité/rendement équilibré, Cembra représente une option intéressante à condition d'accepter une valorisation reflétant déjà l'excellence opérationnelle de l'entreprise.

Sources et données

Données financières et ratios : FactSet (données au 31 décembre 2024 et TTM au 30 juin 2025)

Rapports officiels et communiqués :

Articles de presse et analyses :


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7 réflexions sur “Analyse Cembra Money Bank : leader suisse du crédit à la consommation”

  1. Dividinde tu vas les chercher où ?!? Je ne savais même pas que Cembra était coté !
    Intéressant, et pas trop cher, surtout depuis la correction en cours !
    Merci pour cette analyse.

  2. C’est l’avantage de la bourse suisse: Si je ne me trompe pas, il y a quelque chose comme 300 sociétés cotées. C’est un tout petit univers, alors si comme moi on se spécialise sur les actions suisses on les connaît toutes au moins de nom et c’est assez facile de garder une vue d’ensemble.

    Sur ces 300 je dirais qu’il y en a une centaine qui ne méritent même pas qu’on s’y intéresse et que l’on peut éliminer directement (à la Schlatter, Adval Tech, Adecco, Airesis,…). Il y en a – selon le cycle boursier – 50 à 100 de vraiment intéressantes (à la Vaudoise, Nestlé ou IVF Hartmann). Et il reste une centaine de sociétés entre ces deux extrêmes qui sont plus mitigées et nécessitent une analyse plus poussée parce qu’elles ont plein de qualités mais aussi plein de défauts (du type Implenia, Sunrise ou Bobst).

    Cembra fait partie du top 50!

  3. Merci pour cette nouvelle analyse.

    Je m’interroge sur un point. Cembra vit du crédit à la consommation sous des formes diverses, notamment dans le domaine de l’automobile (crédit et leasing). Les preneurs de ce genre de crédits sont souvent sensibles aux périodes de crises économiques. Dès lors, en cas de mauvaise situation économique générale, avec des clients qui ne sont plus capables de faire face à leurs obligations, quel serait l’impact sur Cembra?

  4. Merci Laurent Martin pour cette remarque très pertinente.

    Il est clair qu’une bonne gestion des risques est indispensable dans le domaine du crédit à la consommation, probablement encore plus que pour les banques traditionnelles avec les preneurs d’hypothèques.

    Heureusement, l’activité crédits et leasing ne représente qu’une partie des revenus de Cembra. Les cartes de crédits, les assurances et les produits d’épargne prennent une part de plus en plus importante et permettent de mieux répartir les risques.

    D’autre part, les Suisses sont connus pour leur excellente morale de paiement et Cembra limite les risques autant que possible au travers de critères stricts de sélection des clients ainsi qu’en créant des provisions en vue des prêts non remboursés (j’ai plus le chiffre en tête, mais si je me souviens bien c’est quelque chose comme 1% des crédits).

    Enfin, les fonds propres solides devraient permettre d’absorber d’éventuelles pertes supplémentaires (notamment en cas de crise économique comme dans ton scénario).

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