Article original rédigé par dividinde en septembre 2018, mis à jour par mes soins en décembre 2025
Barry Callebaut, premier fabricant mondial de produits à base de cacao et de chocolat, traverse actuellement l'une des périodes les plus difficiles de son histoire. Entre la contamination à la salmonelle de 2022 et l'explosion des prix du cacao en 2024-2025, le chocolatier zurichois doit faire face à des défis structurels qui pèsent lourdement sur sa profitabilité et sa valorisation.

Le leader mondial sous pression
Né en 1996 de la fusion de la société belge Callebaut (fondée en 1850) et de la société française Cacao Barry (fondée en 1842), Barry Callebaut s'est imposé comme le géant incontournable du chocolat industriel. L'entreprise ne vend pas directement aux consommateurs, mais fournit l'industrie agroalimentaire mondiale et les professionnels : chocolatiers, pâtissiers, boulangers et restaurateurs.
Avec une présence dans plus de 30 pays et environ 13.100 employés, Barry Callebaut livre notamment des géants tels que Nestlé, Danone, Unilever, Ferrero, Mondelez et Hershey. L'entreprise affirme se trouver dans 20% des produits à base de cacao et de chocolat consommés dans le monde et produire environ 40% du chocolat industriel sur le marché libre.
La holding Jacobs détient 50.1% du capital-actions, assurant une structure actionnariale stable. L'action Barry Callebaut (BARN) est cotée à la Bourse suisse (SIX) avec une capitalisation boursière de 6.47 milliards de francs (décembre 2025).
Organisation opérationnelle
Les opérations de Barry Callebaut s'articulent autour de trois segments principaux :
Global Cocoa : Transformation et négoce de cacao, ce segment a subi une forte contraction avec des volumes en baisse de 12.8% lors de l'exercice 2024-2025.
Global Chocolate : Production de chocolat industriel pour les grands fabricants alimentaires, avec un recul des volumes de 5.3% sur le dernier exercice.
Gourmet & Spécialités : Produits premium destinés aux artisans et professionnels sous les marques Callebaut, Cacao Barry, Carma et Mona Lisa.
La tempête parfaite : salmonelle et crise du cacao
2022 : Le choc de la contamination
En juin 2022, Barry Callebaut a détecté des traces de salmonelle dans son usine belge de Wieze, présentée comme la plus grande usine de chocolat au monde. L'entreprise a immédiatement stoppé la production et contacté les 73 clients concernés. Heureusement, aucun produit contaminé n'a atteint les consommateurs finaux.
Cette fermeture de six semaines a coûté 76.9 millions de francs au niveau opérationnel et a pesé sur les volumes et les relations clients jusqu'en 2023. La reprise progressive n'a débuté qu'en août 2022, avec seulement 3 lignes de production sur 24 initialement redémarrées.
2024-2025 : L'explosion des prix du cacao
La véritable crise a éclaté en 2024 avec une flambée historique des prix du cacao. Entre septembre 2023 et mai 2025, le prix de la fève a bondi de 126%. Cette hausse vertigineuse a forcé Barry Callebaut à augmenter ses propres tarifs de 103% à 112% selon les trimestres.
Les conséquences ont été immédiates : clients retardant leurs commandes, consommateurs réduisant leur consommation de chocolat, et une chute des volumes écoulés de 6.8% sur l'exercice 2024-2025 (clos le 31 août 2025) à 2.13 millions de tonnes.
Analyse financière détaillée
Chiffre d'affaires et rentabilité
Le chiffre d'affaires (TTM) s'établit à 14.79 milliards de francs, en forte hausse de 42.4% (exercice clos le 31 août 2025). Cette progression spectaculaire est toutefois trompeuse : elle résulte quasi exclusivement de la répercussion de l'inflation du cacao sur les prix de vente, tandis que les volumes ont reculé.
La rentabilité s'est dramatiquement détériorée :
Marge brute (TTM) : 11.30%, bien inférieure à la moyenne de l'industrie (26.47%). Cette compression reflète la difficulté à répercuter intégralement la hausse des coûts.
Marge opérationnelle (TTM) : 4.34%, également sous la moyenne sectorielle de 5.38%.
Marge nette (TTM) : seulement 1.26%, contre 2.26% pour l'industrie. Le bénéfice net (TTM) de 185.87 millions de francs (exercice clos le 31 août 2025) est en recul de 2.06%. C'est un niveau de profitabilité préoccupant pour une entreprise de cette taille.
Le rendement des fonds propres (ROE, TTM) s'établit à 6.81%, légèrement au-dessus de la moyenne sectorielle de 5.15%, mais en retrait par rapport aux années précédentes.
Structure financière : un endettement inquiétant
Le ratio dette sur fonds propres atteint 2.37, un niveau très élevé comparé à la moyenne de l'industrie de 0.52. Cette dette importante s'explique par les investissements nécessaires et les difficultés opérationnelles récentes.
La couverture des intérêts (TTM) n'est que de 1.57x, bien en-deçà de la moyenne sectorielle de 3.02x. Cela signifie que Barry Callebaut génère à peine suffisamment de bénéfice opérationnel pour couvrir ses charges d'intérêts, laissant peu de marge de manœuvre.
La direction a fixé un objectif de réduction du ratio dette nette sur EBITDA sous 3.5x, en supposant que les prix du cacao se stabilisent autour de 5.000 livres sterling par tonne.
Le dividende sous haute tension
Le dividende annuel s'établit à 29.00 francs par action, versé en janvier. Au cours actuel de 1.180 francs, cela représente un rendement de 2.46%, supérieur au rendement historique mais largement dû à la baisse du cours.
Le point le plus préoccupant concerne le payout ratio (TTM) qui atteint 85.57%, contre une moyenne sectorielle de 59.63%.
La croissance du dividende sur 5 ans n'est que de 2.21% annualisé, bien inférieure aux 5.11% de l'industrie. Cette distribution élevée malgré des résultats en baisse soulève des questions sur la soutenabilité du dividende à moyen terme.
Valorisation : toujours trop chère ?
Au cours de 1.180 francs (décembre 2025), Barry Callebaut affiche un ratio cours/bénéfice (P/E, TTM) de 34.81, soit exactement le double de la moyenne sectorielle de 17.31. Cette valorisation élevée contraste avec les difficultés opérationnelles actuelles.
Le ratio cours/valeur comptable (P/B) s'établit à 2.47 (vs 1.64 pour l'industrie), et le P/Tangible Book atteint 3.68 (vs 2.28). Seul le ratio cours/chiffre d'affaires (P/S, TTM) de 0.44 semble attractif, mais reflète surtout les marges comprimées de l'entreprise.
Scores de santé financière préoccupants
Le score Piotroski F-Score de 3 sur 9 points est particulièrement faible. Ce score évalue la solidité financière d'une entreprise sur 9 critères. Un score inférieur à 4 est généralement considéré comme un signal d'alarme.
L'Altman Z-Score de 2.55 place Barry Callebaut dans une "zone grise" entre solidité et risque de difficultés financières. Un score supérieur à 3 indiquerait une situation saine.
Programme de restructuration et perspectives
Face à ces défis, Barry Callebaut a lancé le programme "BC Next Level" visant à économiser 250 millions de francs d'ici 2026. Ce plan pourrait entraîner la suppression de jusqu'à 2.500 postes, soit près de 20% des effectifs mondiaux.
Le nouveau directeur général Peter Feld affirme que l'entreprise a "laissé les plus grandes difficultés derrière elle", mais l'incertitude persiste, notamment avec les questions de droits de douane américains qui compliquent la visibilité.
Performance boursière et volatilité
L'action Barry Callebaut a connu une année 2025 tumultueuse. Sur 52 semaines, la performance est négative de 9.58%. En revanche, les 26 dernières semaines affichent un rebond de 33.33%, reflétant un regain d'optimisme après la publication des résultats annuels en octobre 2025.
Avec une volatilité annuelle de 43.85% et un bêta de -0.23 (sur 1 an), l'action présente un profil risque particulier : très volatile mais peu corrélée au marché.
Mon avis : prudence maximale requise
Barry Callebaut reste une entreprise de qualité avec une position dominante sur son marché. Ses relations avec les plus grands groupes agroalimentaires mondiaux constituent un avantage concurrentiel durable.
Toutefois, plusieurs facteurs m'incitent à la prudence maximale :
Marges historiquement basses : Une marge nette de 1.26% laisse très peu de marge de manœuvre en cas de nouveau choc.
Endettement élevé : Le ratio dette/fonds propres de 2.37 et la faible couverture des intérêts limitent la flexibilité financière.
Dividende insoutenable : Un payout ratio de 85.6% ne laisse aucune marge de sécurité. Une réduction du dividende semble probable si les résultats ne s'améliorent pas rapidement.
Valorisation excessive : Un P/E de 34.81 dans ce contexte paraît difficilement justifiable. Le marché semble trop optimiste sur la rapidité de la reprise.
Scores techniques faibles : Le Piotroski F-Score de 3/9 et l'Altman Z-Score de 2.55 confirment la fragilité actuelle.
Pour un investissement à long terme dans Barry Callebaut, j'attendrais :
- Une amélioration durable de la marge nette au-dessus de 2%
- Une réduction significative de l'endettement (Dette/Equity sous 1.5x)
- Un payout ratio revenu sous 60%
- Des scores Altman et de Piotroski supérieurs (3, respectivement 6)
- Une valorisation plus raisonnable, avec un P/E sous 25x
Cela pourrait correspondre à un cours autour de 900-1.000 francs, soit 15-20% de baisse supplémentaire par rapport aux niveaux actuels de 1.180 francs.
Barry Callebaut n'est actuellement pas adaptée à une stratégie FIRE axée sur des revenus stables et croissants. Le dividende, malgré son rendement apparent de 2.46%, manque cruellement de sécurité.
Questions fréquentes (FAQ)
Barry Callebaut verse-t-elle un dividende sûr ?
Non, le dividende actuel n'est pas sûr. Avec un payout ratio de 85.6% et des bénéfices sous pression, une réduction du dividende semble probable si la situation ne s'améliore pas. Pour un investisseur axé sur les revenus, ce risque est trop élevé.
Quand Barry Callebaut verse-t-elle son dividende ?
Barry Callebaut verse un dividende annuel en janvier. Le dernier versement de 29 francs par action a eu lieu le 9 janvier 2025, avec une date ex-dividende au 7 janvier 2025. La prochaine date ex est au 12 janvier 2026.
La crise du cacao est-elle terminée ?
Non. Bien que les prix du cacao aient légèrement reculé par rapport à leurs sommets de 2024, ils restent à des niveaux historiquement élevés autour de 5.000 livres sterling par tonne. L'impact sur la demande et les volumes continuera de se faire sentir en 2026.
Barry Callebaut est-elle une action ESG ?
Barry Callebaut affiche de bons scores ESG, avec un classement Sustainalytics parmi les plus bas de sa catégorie. L'entreprise s'est engagée à rendre le chocolat durable la norme d'ici 2025 et travaille activement à l'amélioration des conditions de vie des producteurs de cacao.
À quel prix acheter Barry Callebaut ?
Dans le contexte actuel, un point d'entrée prudent se situerait autour de 900-1.000 francs, soit après une amélioration tangible de la profitabilité et une réduction de l'endettement. À 1.180 francs, le ratio risque/rendement reste défavorable.
Conclusion
Barry Callebaut traverse une période de transition difficile après le double choc de la salmonelle en 2022 et de la crise du cacao en 2024-2025. Si l'entreprise conserve ses atouts structurels (position de leader, clients premium, intégration verticale), sa situation financière actuelle nécessite une prudence extrême.
Pour les investisseurs FIRE recherchant des revenus stables et une croissance prévisible, Barry Callebaut ne répond pas aux critères de qualité requis. L'endettement élevé, les marges comprimées et le dividende sous pression constituent des signaux d'alerte qu'il serait imprudent d'ignorer.
Une réévaluation sera nécessaire lorsque l'entreprise aura démontré sa capacité à restaurer durablement sa profitabilité dans un environnement normalisé des prix du cacao.
Sources et données
Données financières : FactSet (décembre 2025)
Rapports officiels Barry Callebaut :
- Rapport annuel 2024-2025 : https://www.barry-callebaut.com/en/about-us/investors
- Communiqué salmonelle Wieze 2022 : https://www.barry-callebaut.com/en/about-us/media/news-stories
- Résultats 3 mois FY 2024-2025 : Barry Callebaut Group
Presse économique :
- Le Temps - "Les prix du cacao continuent de peser sur les résultats" (2025)
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Merci dividinde pour cette belle analyse.
C’est assurément une entreprise d’une très grande qualité. Le F-Score (Piotroski) de 8 et le Z-Score (Altman) de 4.2, nous le confirment.
Le dividende est effectivement faible, mais comme tu le dis, le ratio de distribution par rapport au bénéfices est très prudent, et c’est aussi le cas par rapport au FCF (44%).
Mais comme tu le conclus, le cours actuellement est vraiment trop élevé. On peut le tourner comme on le veut, que ce soit par rapport aux bénéfices, au FCF, aux ventes, aux dividendes ou à la valeur comptable, Barry Callebaut est trop chère.
Elle partage malheureusement ce défaut avec presque toutes les actions actuellement.
Au fait, comment expliquer que cette fusion d’un belge et un français a fini à Zürich ?!?
Je ne sais pas pourquoi Barry Callebaut a choisi la Suisse, mais je peux imaginer que c’est pour l’une de ces raisons:
– Choisir un pays autre que la France ou la Belgique afin de ne pas favoriser un pays à l’autre suite à la fusion.
– La réputation de la Suisse comme « pays du chocolat » (une histoire très riche et longue avec des noms tels que Nestlé, Cailler, Suchard, Lindt, Sprüngli, Favarger, Kohler, Munz, Tobler,…)
– Les impôts… 😉
Oui, surtout les impôts!
☺
Au fait, connais-tu un site qui présente un classement des actions suisses selon leur F-Score ou Z-Score?
Non désolé.
Faudrait s’amuser à le faire… Mais y du boulot…