Dividendes croissants : comment 2.5% devient 10% en 15 ans

📅 Contexte historique : Cet article fait partie d'une série publiée en 2012 sous forme de débat avec Thomas de L'Investisseur (très) Particulier. Le format original et la structure argumentative ont été préservés pour maintenir l'intégrité de cet échange pionnier dans la blogosphère francophone, mais les données et exemples ont été actualisés pour décembre 2025. La série complète :
Épisode 1 (vous êtes ici) : Arguments en faveur des dividendes croissants
Épisode 2 : Contre-arguments du trading (sur investisseur-particulier.fr)
Épisode 3 : Psychologie et performance totale
Conclusion : Synthèse et piliers communs

Dernière mise à jour : décembre 2025

On s'est déjà souvent interrogé sur les diverses méthodes pour investir dans les dividendes et sur leur côté singulier dans la bourse. Aujourd'hui, nous vous proposons avec l'Investisseur (très) Particulier une série d'articles qui prend la forme d'une joute entre blogueurs, lui défendant l'investissement "trading", basé sur les plus-values réalisées sur le cours de l'action, et moi défendant l'approche basée sur les dividendes, en particulier ceux qui croissent. Nous terminerons par une synthèse commune nous permettant, si possible, de concilier les deux approches.

Graphique illustrant l'évolution d'un rendement sur dividende croissant de 2.5% à 9.5% sur 15 ans, avec statistiques clés sur la volatilité et la performance des actions à dividendes croissants comparées au marché

Je reprends ici deux arguments contre les dividendes de mon ami blogueur Investisseur (très) Particulier dans son post "Ma vision de l'investissement en bourse" :

- Rendements médiocres : avoir, sur le long terme, des dividendes de l'ordre de 5% est déjà très bien… si on enlève l'inflation, on se retrouve avec une augmentation de la boule de neige très lente et à moins de disposer d'une somme déjà conséquente de l'ordre de la centaine de milliers d'euros dès le départ, on n'y gagne pas grand chose une fois l'inflation et les taxes déduites.

- Volatilité en période de crise : pour un investissement « de bon père de famille », combien de personnes « prudentes » supportent l'idée de perdre 50% de la valeur de portefeuille (comme lors de la crise financière de 2008-2009) bourrées d'actions soit disant sûres et défensives ?

Ces arguments sont justes et l'Investisseur (très) Particulier a raison de les rappeler car celui qui se lance dans l'approche dividendes sans en avoir conscience peut avoir des mauvaises surprises. Cependant, il y a deux critères à prendre en compte, un pour chacun de ces arguments, pour éviter ces désagréments.

La croissance du dividende

Comme on investit sur le long terme, on peut renoncer à un dividende généreux mais statique au profit d'un dividende moyen mais croissant. La croissance est un puissant booster de dividendes. Le tableau suivant nous donne un exemple de l'évolution d'un rendement initial modeste de 2.50%, avec une progression annuelle moyenne de 10%. La colonne de droite donne la même indication lorsque les dividendes reçus sont réinvestis.

AnnéeRendement/coût d'achatAvec réinvestissement
12.50%2.52%
22.75%2.84%
33.03%3.19%
43.33%3.59%
53.66%4.03%
64.03%4.53%
74.43%5.09%
84.87%5.71%
95.36%6.40%
105.89%7.18%
116.48%8.05%
127.13%9.02%
137.85%10.11%
148.63%11.32%
159.49%12.67%

En voyant ce tableau, vous comprenez pourquoi on investit sur le long terme. Même avec un rendement de départ modeste, le dividende prend rapidement l'ascenseur et couvre plus qu'aisément l'inflation. Et là on ne parle que du rendement ! Vous pouvez bien sûr imaginer que le cours de l'action suit une trajectoire tout aussi intéressante.

La volatilité

L'écart-type est une des mesures de la volatilité d'un placement financier. On exprime l'écart-type relatif en pourcentage, comme la performance. Dans 95% des cas, la performance annuelle la plus faible est égale à la performance moyenne moins deux fois l'écart-type. Vice-versa, dans 95% des cas, la performance annuelle la plus forte est égale à la performance moyenne plus deux fois l'écart-type.

Prenons, par exemple, un portefeuille de titres faisant partie des Dividend Aristocrats ou directement un ETF comme NOBL qui investit dans ces sociétés. Sur le long terme, ce genre de placement affiche une performance annuelle moyenne de 8% avec un écart-type de 12%. La performance annuelle maximum que vous pouvez escompter est de 8 + (2 x 12) = 32% ; la performance annuelle minimum de 8 - (2 x 12) = -16%. En d'autres termes, dans 95% des cas la performance annuelle se situe entre -16% et +32%. Dans 67% des cas, soit deux années sur trois en moyenne, elle est même comprise entre -4% et 20%.

En théorie, il est possible d'essuyer une perte importante en achetant aux plus hauts historiques, comme il est possible de réaliser de substantielles plus-values en achetant au plus bas historiques. La probabilité de tomber sur ces extrêmes est cependant faible. En évitant des titres dont le rendement est trop faible (ou le P/E ratio trop élevé), vous éviterez d'acheter au pire moment.

Pour illustration, lors de la crise COVID-19 en mars 2020, les titres à dividendes ont chuté de 25% contre 35% pour les actions de croissance. Les actions de dividendes de qualité comme celles du fonds SCHD ont récupéré leurs niveaux d'avant-crise en seulement 5 mois environ. Plus récemment, durant la correction de 2022 liée à la hausse des taux, les actions à dividendes ont également mieux résisté que les valeurs de croissance technologiques qui ont vu leurs valorisations fortement comprimées.

Le bêta est une autre façon de mesurer la volatilité. Il indique à quel point un titre suit un indice particulier. Un titre avec un bêta de 1 a tendance à suivre étroitement l'indice S&P 500. Avec un bêta de 1.3 par exemple il monte ou baisse de 30% de plus que l'indice. Avec un bêta de 0.9 il saute de 10% de moins. Les données récentes montrent que les indices de dividendes aristocrats affichent un bêta moyen de 0.77, tandis que les stratégies combinant faible volatilité et dividendes élevés présentent des bêtas encore plus bas, autour de 0.39. Cela confirme que les actions à dividendes de qualité offrent une protection significative durant les périodes de turbulences.

Conclusion

Le professeur de finance de l'université de Wharton, Jeremy Siegel, a étudié l'importance des dividendes dans son livre "The Future for Investors". En période de marchés baissiers, les dividendes jouent le rôle d'un amortisseur de perte en générant des revenus. En réinvestissant ceux-ci, l'actionnaire individuel va détenir un nombre supérieur de titres ce qui va avoir un effet levier en période de hausse des marchés.

Les recherches les plus récentes confirment ces conclusions. De 1930 à 2024, environ 40% du rendement total du S&P 500 provient du paiement et du réinvestissement des dividendes, le reste étant généré par l'appréciation du capital. Sur certaines périodes comme les années 1940 et 1970, cette contribution a même dépassé 50% du rendement total. Ignorer les dividendes, c'est donc laisser sur la table une part énorme du rendement total que nous offre le marché des actions.

Exemple concret avec Johnson & Johnson : achat de 13 titres pour 2'000 USD en 1980. Grâce aux divisions du nominal et au réinvestissement des dividendes, l'investisseur détient 2000 actions en 2007 pour une valorisation totale de 140'000 USD. Et ce type de performance continue aujourd'hui : les entreprises qui augmentent régulièrement leurs dividendes (dividend growers) ont généré des rendements supérieurs avec moins de risque que les entreprises qui ont maintenu, réduit ou éliminé leurs dividendes.

La méthode des dividendes croissants permet d'obtenir avec un peu de patience des rendements particulièrement intéressants. En les réinvestissant, non seulement on améliore encore ce rendement, mais on peut même bénéficier d'une baisse du marché. N'oublions pas que l'investisseur en dividendes se focalise en premier lieu sur la rente qu'il peut obtenir d'un titre. Dans cette optique, une baisse temporaire du marché, comme c'était le cas lors de la crise COVID-19 de 2020 ou de la correction de 2022, représente une opportunité d'obtenir plus de dividendes à moindre coût.

Questions fréquentes

Les dividendes croissants compensent-ils vraiment l'inflation ?

Oui, largement. Avec une croissance annuelle moyenne de 10%, un dividende initial de 2.5% atteint 9.49% en 15 ans. L'inflation moyenne en Europe et aux États-Unis sur les 20 dernières années étant d'environ 2-3% par an, le pouvoir d'achat réel du dividende augmente significativement.

Quelle est la différence entre dividendes élevés et dividendes croissants ?

Les actions à dividendes élevés offrent un rendement immédiat important (souvent 5-8%) mais stagnant, tandis que les actions à dividendes croissants démarrent avec un rendement modeste (2-3%) qui augmente chaque année. Sur le long terme, les dividendes croissants surperforment généralement grâce à l'effet de composition.

Les actions à dividendes sont-elles vraiment moins volatiles ?

Oui, les données le confirment. Les indices de dividend aristocrats affichent un bêta moyen de 0.77 contre 1.0 pour le S&P 500. Durant la crise COVID-19 de 2020, les actions à dividendes ont chuté de 25% contre 35% pour les actions de croissance.

Puis-je perdre mes dividendes en cas de crise ?

C'est possible mais rare pour les entreprises de qualité. En 2020, seuls 7.2% des constituants de l'indice S&P High Yield Dividend Aristocrats ont coupé leurs dividendes, contre 36.1% pour l'indice S&P 500 High Dividend standard. D'où l'importance de sélectionner des entreprises avec un historique long d'augmentations régulières.

Sources et données

Données financières et statistiques :

Littérature académique :

  • Jeremy Siegel : "The Future for Investors: Why the Tried and the True Triumph Over the Bold and the New" (Crown Business, 2005)

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9 réflexions sur “Dividendes croissants : comment 2.5% devient 10% en 15 ans”

  1. Bonjour,

    Le fait d’opposer deux types d’investissement rend l’article particulièrement intéressant.
    Ca permet de voir les points forts/faibles que chaque « méthode ».
    J’attends la suite avec intérêt 🙂

    Cordialement,

  2. Bonne démonstration de cet effet « amortisseur » et l’article est convaincant dans son ensemble.
    Dans le paragraphe sur la volatilité on peut comprendre pourquoi il est conseillé d’acheter de façon régulière.
    Même si je pense que la compétence à l’achat est déterminante, comme dans l’immobilier.

    1. Hé hé hé, tu as placé quelques pics 😉
      J’ai déjà les idées qui fusent dans ma tête.
      Vraiment sympa cette confrontation de points de vue.
      L’épisode 3 arrive dans quelques jours !

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