Volatilité et psychologie : trouver sa zone de confort en bourse

📅 Contexte historique : Cet article fait partie d'une série publiée en 2012 sous forme de débat avec Thomas de L'Investisseur (très) Particulier. Le format original et la structure argumentative ont été préservés, mais les données et exemples ont été actualisés pour décembre 2025. La série complète :
Épisode 1 : Arguments en faveur des dividendes croissants
Épisode 2 : Contre-arguments du trading (sur investisseur-particulier.fr)
Épisode 3 (vous êtes ici) : Psychologie et performance totale
Conclusion : Synthèse et piliers communs

Dernière mise à jour : décembre 2025

Dans son dernier article, l'Investisseur (très) Particulier nous donne des exemples probants d'investissement basé sur les variations de cours des actions. En achetant suffisamment bas et en revendant suffisamment haut, on peut ainsi dégager une rentabilité particulièrement intéressante. La confrontation de points de vue entre les approches basées sur le cours et celles basées sur les dividendes semblent a priori dessiner un fossé difficilement surmontable. Et pourtant...

Illustration représentant le dilemme entre psychologie de l'investisseur et stratégies de marché avec zone de volatilité optimale entre 7% et 14%, montrant l'impact des émotions sur les décisions d'investissement et la contribution de 40% des dividendes au rendement total

La volatilité

Je sais, j'en ai déjà beaucoup parlé dans l'épisode 1 et Thomas a bien pris le relais dans l'épisode 2. Mais je pense que la volatilité est au cœur de notre débat. Pour l'investisseur orienté trading cette volatilité est une alliée. C'est grâce à elle qu'il va pouvoir acheter bas et revendre haut. On entend d'ailleurs souvent que que la rentabilité potentielle d'un titre est corrélée avec sa volatilité. C'est un peu comme un trampoline, pour aller haut, il faut faire des sauts de plus en plus grands, mais chaque descente est également plus importante. Dans les faits c'est plus complexe.

En théorie, pour devenir riches, nous devrions investir dans des titres très volatils, dormir dessus quelques années, puis toucher le magot. Le problème c'est que nous ne sommes pas des êtres purement rationnels, que nous sommes bombardés d'informations toute la journée, que nous ne pouvons nous empêcher d'aller voir la valeur de nos positions, de paniquer et finalement de les vendre, en regrettant ce geste plus tard. Que celui qui n'a jamais fait cela lève la main.

Un titre qui fluctue fortement à la hausse comme à la baisse n'est pas plus risqué en soi, mais il l'est en fonction des sentiments de peur et de cupidité de l'investisseur, en l'amenant à prendre de mauvaises décisions. En ne connaissant pas nos limites, nous sommes donc nos plus mauvais conseillers en matière d'investissement. Il m'a fallu au moins cinq ans pour réaliser que j'achetais des titres trop volatils pour ma propension au risque. Les titres que j'avais acquis étaient bons, mais je ne supportais juste pas de voir leur cours varier de la sorte, donc je les revendais, et comme souvent, ils remontaient juste après.

L'autre possibilité c'est de faire du trading comme Thomas, en exploitant les pics provoqués par cette volatilité. Mais là aussi, il faut avoir les nerfs très solides pour ne pas succomber à la panique engendrée par certains mouvements très brutaux. Comme le disait Thomas dans sa vision de l'investissement en bourse, quel bon père de famille supporte l'idée de perdre 50% sur ses placements ? La solution bien entendu serait de fixer des ordres stop pour protéger ses positions. Votre argent est certes en partie préservé mais là aussi si vous fixez l'ordre à la hauteur de ce que vous acceptez de perdre, sur un titre trop volatil pour vous, il va franchir le seuil de déclenchement et le cours risque bien de remonter juste après ! À qui n'est-ce jamais arrivé ?

Notons encore que la volatilité n'est pas toujours corrélée à la performance. C'est le cas notamment des entreprises en difficulté. L'exemple le plus frappant de la période 2020-2022 est Peloton : l'action a bondi de 430% entre mars et décembre 2020 pour ensuite s'effondrer de 98% sur les trois années suivantes, malgré (ou à cause de) une volatilité extrême. L'entreprise a accumulé une perte nette de 2.83 milliards de dollars en 2022 selon Business of Apps. D'autres "darlings" de la pandémie ont connu le même sort : Robinhood (-86% depuis son plus haut), AMC Entertainment (-75%), et de nombreuses entreprises technologiques non profitables qui composaient l'ARK Innovation ETF de Cathie Wood ont vu leurs actions chuter de 50% ou plus. Selon une analyse de Bloomberg en octobre 2022, les entreprises non profitables comme Unity Software, Okta et Asana ont particulièrement sous-performé durant cette période.

Tout cela pour dire que tout le monde ne supporte pas de voir le cours de son portefeuille varier trop fortement. Personnellement je sais que ma zone de volatilité de prédilection se situe entre 7 et 14%. En dessous, je me lasse, au-dessus mes émotions commencent à surgir. Au-delà de 21% je commets de mauvais choix. Je suis "né" comme investisseur durant l'éclatement de la bulle Internet qui a mis 3 ans à dégonfler. Cet épisode traumatisant a façonné ma manière d'appréhender les risques. Mes portefeuilles sont conçus expressément pour absorber les chocs et limiter la volatilité.

Ce n'est pas que je n'apprécie pas l'investissement trading. Je l'ai testé durant longtemps, à maintes reprises, sous diverses approches et différents outils. C'est juste qu'il ne me convient pas. Je n'arrive pas à obtenir la performance à laquelle j'aspire non pas à cause des titres eux-mêmes, mais à cause de mes émotions. J'ai besoin d'avoir la tête froide pour analyser et prendre les bonnes décisions.

La performance

Les titres payeurs de dividendes ont la réputation d'être des placements à la "papy", un peu mollassons. Une des raisons qui explique cela, c'est que ces titres sont justement peu volatils. Mais rappelez-vous qui gagne au final dans la fable du lièvre et de la tortue... Nous avons vu ci-dessus que l'investisseur lui-même, à force de trop vouloir jouer le lièvre, pouvait se rendre un bien mauvais service. Mais nous ne sommes pas vraiment arrêtés sur les qualités propres à la tortue.

Dans son dernier article, l'Investisseur (très) Particulier compare plusieurs "lièvres" à une tortue (CL). Vu sous la forme graphique, représentant le cours de ces actions (et uniquement le cours), les payeurs de dividendes font pâle figure. Mais les investisseurs devraient se focaliser sur la rentabilité totale, intégrant à la fois les variations de prix ET les distributions de dividendes. En comptant sur les graphiques omniprésents sur le web pour comparer le rendement de leurs placements, beaucoup d'investisseurs se trompent et la plupart ne le savent même pas. Ces graphiques ne tiennent en effet pas compte de l'impact des dividendes réinvestis.

Comparaison visuelle montrant l'impact des dividendes réinvestis sur la performance totale d'un investissement

Les dividendes ont historiquement formé une grande partie du rendement total des actions. Les recherches les plus récentes le confirment : de 1930 à 2024, environ 40% du rendement total du S&P 500 provient des dividendes réinvestis, selon les analyses de Hartford Funds et Nuveen. Sur certaines décennies comme les années 1940 et 1970, cette contribution a même dépassé 50%. En ignorant les dividendes, les investisseurs laissent sur la table une part énorme du rendement total que nous offre le marché des actions.

Je reprends l'exemple d'AAPL fourni par l'Investisseur (très) Particulier :

"Ceci dit, 5000% de gain en 10 ans, cela reste un exploit qu'aucune société à dividendes ne pourra jamais rêver égaler"

AAPL fait partie de ces rares titres de croissance qui parviennent à maintenir leur trend sur de très nombreuses années. Sur 20 ans, AAPL affiche un total return exceptionnel de 12,250%, soit un rendement annualisé de 27.2%. C'est effectivement difficile à battre. Cependant, le point essentiel n'est pas de trouver la perle rare qui battra AAPL, mais de comprendre l'importance du total return.

Prenons l'exemple de NVO (Novo Nordisk). Sur 20 ans, le titre affiche un total return de 2,315%, contre environ 990% sur 10 ans. Bien que largement inférieur à AAPL, cela représente tout de même un rendement annualisé de 17.3% sur 20 ans. Lorsque l'on tient compte dans les comparaisons entre titres non pas seulement de la variation du cours, mais également des dividendes, l'image devient bien différente.

Je cite à nouveau Thomas :

Attention, je ne dis pas qu'il faille faire du trading à tout va, (je parle ici de quelques positions par an…), mais qu'il faut savoir prendre ses profits quand ils se présentent (...). L'investisseur-dividendes lui se consolera avec quelques pourcents de gains, en se disant, « c'est dommage, j'avais du +20% en début d'année »…

Lorsque l'on tient compte de la rentabilité totale comme on vient de le faire ci-dessus, il devient moins intéressant de prendre ses profits lors des pics. Il y a le risque de se tromper, le stress inhérent au suivi de ces cours des actions et les frais de transactions bancaires. La prise de profit se fait naturellement, lors du paiement du dividende. Nous avons d'ailleurs vu à l'épisode 1 que le rendement sur coût d'achat devenait exceptionnel avec les années.

Néanmoins, et là je rejoins Thomas, il y a des moments où il faut savoir vendre.

Les dividendes ne sont pas un dû

L'Investisseur (très) Particulier nous rappelle une évidence que malheureusement beaucoup d'investisseurs avaient ignorée durant les années qui ont précédé la crise des subprimes :

Bien sûr, il y a des sociétés américaines qui versent des dividendes de manière continue depuis des décennies… Mais cela peut-il continuer indéfiniment ? Il ne faut pas confondre actions et obligations…

Contrairement à ce qu'il se passe pour les obligations, un conseil d'administration peut en effet choisir s'il paie ou non un dividende en espèces à ses actionnaires. J'ai toujours mis en garde mes lecteurs contre ce risque.

Il existe des incitations évidentes à maintenir ou augmenter régulièrement les paiements de dividendes : ils permettent d'attirer des investisseurs et sont un signe de solidité financière. Mais en temps de graves incertitudes, en particulier dans une panique alimentée par le crédit, diminuer ou couper le dividende pour préserver ses liquidités devient une option plus attrayante pour les entreprises.

Lorsque le bénéfice baisse sensiblement, l'entreprise peut être contrainte de diminuer le montant qu'elle accorde à ses actionnaires. C'est particulièrement le cas lorsque le ratio de distribution est déjà élevé. Alors qu'a priori la société semblait un bon investissement, vous faites au final une bien mauvaise affaire, d'autant que le cours de l'action aura sans aucun doute chuté dans le même temps. Dans ce cas vous auriez encore mieux fait d'acheter des obligations.

La crise COVID-19 de 2020 nous a rappelé cette réalité. De nombreuses entreprises économiquement sensibles ont suspendu leurs dividendes durant la pandémie. Cependant, les données montrent une différence frappante : seuls 7.2% des constituants de l'indice S&P High Yield Dividend Aristocrats ont coupé leurs dividendes en 2020, contre 36.1% pour l'indice S&P 500 High Dividend standard. Le cours du titre, qui contient la valeur des bénéfices et des dividendes, s'effondre aussitôt que ces derniers disparaissent.

Mais avec quelques principes de précaution on parvient très facilement à éviter ces mauvaises surprises :

  • Éviter d'acheter des titres dont le ratio de distribution est trop élevé et donc vendre ceux chez qui il le deviendrait.
  • Se concentrer sur les entreprises qui font croître de manière régulière et depuis longtemps leur dividende, prouvant la solidité de leur Business Model.
  • Les valeurs dont les distributions stagnent doivent être vendues au profit de dividendes croissants, car elles sont moins performantes que ces derniers et courent le risque de diminuer ou supprimer leurs distributions, avec les conséquences que l'on connaît.
  • Éviter les titres trop sensibles à la conjoncture qui passent trop vite d'une phase de croissance des distributions à une suppression pure et simple.

Conclusion

Nous avons vu qu'il existe deux biais très souvent ignorés en matière d'investissement :

  • Le comportement irrationnel de l'investisseur, lié à ses sentiments de peur et de cupidité
  • La représentation graphique de la performance uniquement basée sur le cours

D'une fois que l'on sait cela, et d'une fois que l'on connaît ses propres limites, rien n'empêche l'investisseur orienté dividendes d'acheter des titres correspondant à sa propension au risque durant les périodes où tout le monde panique. Ce faisant, il achète une rente à très bon prix et s'assure une rentabilité totale exceptionnelle.

L'investissement dans les dividendes ne signifie pas qu'on ne puisse pas tirer avantage d'une baisse des cours, tout comme il ne signifie pas non plus qu'on doive garder les titres à vie. Lorsque le dividende risque d'être coupé ou réduit (c'est-à-dire lorsque le ratio de distribution est trop élevé ou lorsque le dividende stagne), c'est l'occasion de se tourner vers une action versant des dividendes croissants qui a été ignorée ou injustement punie par les marchés.

La frontière avec l'investissement "trading" préconisé par l'Investisseur (très) Particulier semble déjà moins hermétique...

Questions fréquentes

Comment identifier ma propre zone de volatilité ?

Analysez vos réactions passées : à partir de quelle baisse de cours commencez-vous à stresser ? À quel moment avez-vous vendu par émotion ? Votre zone de confort se situe probablement juste en dessous de ce seuil. Pour la plupart des investisseurs, cela se situe entre 7% et 15% de volatilité annuelle pour l'ensemble du portefeuille.

Pourquoi les graphiques classiques sont-ils trompeurs ?

La plupart des graphiques boursiers affichent uniquement le cours de l'action, ignorant complètement les dividendes. Or, ces derniers représentent environ 40% du rendement total du S&P 500 depuis 1930. Comparer deux actions uniquement sur leur cours, c'est comme comparer deux salaires en ignorant les primes.

Tous les dividendes sont-ils sûrs ?

Non. Durant la crise COVID-19, 36.1% des titres à haut dividende de l'indice S&P 500 High Dividend ont coupé leurs distributions, contre seulement 7.2% pour les Dividend Aristocrats (entreprises augmentant leurs dividendes depuis 25+ ans). L'historique d'augmentation régulière est un indicateur de solidité crucial.

Peut-on combiner dividendes et trading ?

Absolument. L'investissement dividendes n'interdit pas de profiter des baisses pour acheter à bon prix, ni de vendre quand le ratio de distribution devient dangereux. La différence réside dans la patience et l'acceptation d'une volatilité plus faible en échange de revenus réguliers croissants.

Sources et données

Contribution des dividendes au rendement total :

Performances des entreprises citées :

Coupes de dividendes COVID-19 :


En savoir plus sur dividendes

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5 réflexions sur “Volatilité et psychologie : trouver sa zone de confort en bourse”

  1. Bonjour,

    Effectivement, avant de rechercher une rentabilité maximale, chaque investisseur devrait connaître sa tolérance à la volatilité.
    Beaucoup de personne perdent de l’argent à cause de vente panique.
    « Oulala j’ai perdu X%, je vais vite sauver ce qu’il en reste »
    Le pire dans tout ça : l’action va remonter après votre vente panique. Sans doute, pour nous donner une leçon 🙂

    Sinon votre débat est toujours aussi intéressant !

    Cordialement,

  2. Eh oui, l’aspect psychologique en bourse est essentiel. Mais encore maintenant après plusieurs années d’investissement, mon cerveau commence à paniquer quand il y a de fortes chutes. Alors j’évite d’aller voir la bourse pendant la semaine et je fais un point sur mes actions pendant le WE à tête reposée. Cela permet d’être plus zen et de ne pas prendre de décisions dans la panique.

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