Fonds d’urgence : combien épargner et comment constituer sa réserve de sécurité

L'investisseur débutant est souvent impatient d'investir ses premières économies en bourse. Il a amassé un petit pécule et il lui tarde de le voir fructifier. Il fait ses petits calculs en se fixant des objectifs de rentabilité ambitieux et élabore divers scénarios optimistes. Ses premières questions tournent autour de la diversification et des frais : comment, avec un petit capital, être suffisamment diversifié sans payer des frais de courtage disproportionnés ? Que les investisseurs qui n'ont jamais eu ces interrogations lèvent la main !

Fonds d'urgence et épargne de précaution - constituer une réserve de liquidités pour se protéger des imprévus financiers

Pourtant, avant d'investir le moindre franc en bourse, la constitution d'un fonds d'urgence solide devrait être votre priorité absolue. Cette épargne de précaution représente le fondement de toute stratégie d'indépendance financière réussie. Sans cette réserve de sécurité, vous risquez de devoir vendre vos investissements au pire moment, annulant des années d'efforts.

Pourquoi constituer un fonds d'urgence avant d'investir ?

Éliminer d'abord les dettes de consommation

Avant même de penser à épargner pour votre fonds de secours, toute personne en quête d'indépendance financière doit d'abord assainir sa situation. Les dettes de consommation doivent être éliminées en priorité. Contrairement aux crédits hypothécaires qui financent un actif, ces dettes reposent uniquement sur des dépenses passées et vous appauvrissent progressivement avec leurs taux d'intérêt élevés.

En Suisse, les taux des crédits à la consommation oscillent entre 7% et 12% en 2025, rendant toute stratégie d'investissement absurde tant que ces dettes subsistent. Rembourser un crédit à 10% représente un "rendement garanti" de 10%, bien supérieur aux rendements moyens de la bourse.

Se protéger des imprévus de la vie

La différence fondamentale entre ceux qui construisent leur patrimoine et ceux qui peinent à joindre les deux bouts réside souvent dans leur capacité à absorber les chocs financiers. Combien de fois avez-vous entendu quelqu'un se plaindre de ne plus pouvoir payer ses factures à cause d'une dépense imprévue ? Le dentiste, une réparation automobile urgente, un appareil électroménager qui lâche...

Vous ne devez plus compter sur la chance. Ces événements se produisent inévitablement. Sans épargne de précaution, chaque imprévu vous force à vous endetter ou à puiser dans vos investissements, compromettant votre stratégie patrimoniale à long terme.

Éviter de vendre vos actions au pire moment

L'erreur classique de l'investisseur débutant pressé : placer toutes ses économies en bourse sans garder de réserves. Lorsqu'un imprévu survient, il doit alors vendre ses titres en urgence, souvent en pleine correction boursière, et payer des frais de courtage pour liquider sa position.

Imaginez la situation : vous avez investi vos 10'000 francs d'économies, le marché baisse de 20%, et votre voiture nécessite 3'000 francs de réparations imprévues. Vous devez liquider plus du tiers de votre portefeuille à perte. C'est précisément ce qu'un fonds d'urgence permet d'éviter.

Combien mettre dans son fonds d'urgence ?

La règle des 3 à 6 mois de dépenses

Le montant de votre épargne de précaution dépend de votre définition de l'urgence et de votre situation personnelle. La recommandation standard varie selon votre profil :

  • 3 mois de dépenses : minimum absolu pour les urgences strictes (célibataire, emploi stable, sans charges importantes)
  • 6 mois de dépenses : recommandation standard pour la plupart des situations (couple, famille, freelance)
  • 12 mois de dépenses : pour les situations précaires (emploi instable, santé fragile, revenus irréguliers)

Notez bien qu'il s'agit de mois de dépenses, pas de revenus. Si vous dépensez 4'000 francs par mois et gagnez 6'000 francs, votre fonds d'urgence de 6 mois représentera 24'000 francs (6 × 4'000), pas 36'000 francs.

Adapter selon votre capacité d'épargne

Votre capacité d'épargne influence directement le montant nécessaire. Plus votre taux d'épargne est élevé, moins vous avez besoin d'un fonds colossal, car vous pouvez reconstituer rapidement vos réserves.

Exemple concret pour la Suisse :

  • Revenu net mensuel : 6'000 CHF
  • Dépenses mensuelles : 4'200 CHF
  • Capacité d'épargne : 1'800 CHF/mois (30%)
  • Fonds d'urgence recommandé : 6 mois × 4'200 = 25'200 CHF
  • Durée de constitution : 25'200 ÷ 1'800 = 14 mois

Avec un taux d'épargne de 30%, vous reconstituez l'équivalent d'un mois de dépenses toutes les 10 semaines environ. Cette capacité à "rebondir" rapidement justifie un fonds plus modeste que quelqu'un épargnant seulement 10% de ses revenus.

Quelles dépenses couvrir avec votre fonds de secours ?

La définition de votre fonds d'urgence doit être claire et respectée. Voici les urgences typiques à couvrir :

  • Frais médicaux et dentaires : franchise LAMal, traitements non remboursés
  • Réparations urgentes : voiture, électroménager, chauffage, plomberie
  • Perte d'emploi : complément du chômage le temps de retrouver un poste
  • Impôts : régularisations, rappels d'impôts
  • Frais juridiques : avocat, litiges (si non couvert par assurance protection juridique)
  • Déplacement professionnel imprévu : entretien d'embauche à l'étranger
  • Urgences familiales : proche nécessitant une aide financière ponctuelle

Établissez votre propre liste en fonction de votre situation. Ce fonds ne doit jamais servir pour des vacances, des achats plaisir ou des dépenses planifiables. Pour ces objectifs, créez des enveloppes budgétaires séparées.

Où placer votre épargne de précaution en Suisse ?

Les critères essentiels : liquidité et sécurité

Votre fonds d'urgence doit respecter deux impératifs absolus :

  1. Liquidité immédiate : accès à votre argent en 24-48h maximum
  2. Capital garanti : aucun risque de perte, même minime

Le rendement est secondaire. Même avec l'inflation, perdre 1-2% de pouvoir d'achat annuellement reste infiniment préférable à devoir vendre vos actions en pleine crise ou contracter un crédit d'urgence à 10%.

Solutions adaptées en Suisse

En Suisse, à cause du besoin de liquidité immédiate cité ci-dessus, la majorité de votre fonds de secours devrait être placé dans un compte courant. Si vous optez néanmoins pour un compte épargne, méfiez-vous du délai de préavis et des limites de montants. Il serait dommage de se retrouver pris au piège, juste pour gagner quelques dixièmes de points de pourcentage en intérêts. Cela pourrait coûter bien plus cher au final. Souciez-vous plutôt du rendement de vos placements, pas de celui de votre fonds de secours.

Comment constituer votre réserve de liquidités ?

Se payer en premier : le principe fondamental

Que ce soit pour votre fonds d'urgence ou vos investissements futurs, le principe reste identique : vous devez vous payer en premier. Dès réception de votre salaire, transférez automatiquement votre épargne mensuelle vers votre compte dédié, avant toute autre dépense.

Cette automatisation est importante. Elle élimine la tentation de "voir ce qu'il reste en fin de mois" (généralement rien) et transforme l'épargne d'une intention vague en discipline financière concrète.

Méthode pratique :

  1. Calculez votre capacité d'épargne réaliste (15-25% du revenu net)
  2. Mettez en place un ordre permanent automatique le jour de votre salaire ou encore mieux : agendez un rendez-vous mensuel périodique lors duquel vous transférez vous-même ces fonds (prise de conscience et apprentissage par l'action).
  3. Considérez ces fonds comme "déjà dépensés" et ajustez votre train de vie au reste

Combien de temps pour constituer le fonds ?

La patience est essentielle. Avec une capacité d'épargne de 20% et un objectif de 6 mois de dépenses, comptez environ 2 ans pour constituer votre fonds complet. Cela peut sembler long, mais cette fondation solide vous permettra ensuite d'investir sereinement pendant des décennies.

Priorités pendant la constitution :

  1. Phase 1 : Constitution du fonds minimal (3 mois) → aucun investissement boursier
  2. Phase 2 : Constitution des 3 mois supplémentaires → possibilité de commencer à investir modestement en parallèle (70% fonds / 30% bourse)
  3. Phase 3 : Fonds complet → investissement régulier du surplus

Si vous devez utiliser votre fonds d'urgence, reconstituer les réserves redevient la priorité absolue avant de reprendre vos investissements.

Les avantages cachés d'un fonds d'urgence solide

Au-delà de la sécurité évidente, un fonds de secours bien garni offre plusieurs avantages stratégiques souvent sous-estimés.

Opportunités d'investissement

Contrairement aux puristes qui réservent ce fonds exclusivement aux urgences vitales, je considère qu'un krach boursier majeur constitue lui aussi une "urgence" à saisir. Disposer de liquidités excédentaires lors d'une correction de 30-40% vous permet d'acheter des actifs de qualité à prix bradés, ce que l'investisseur sans réserves ne peut faire.

Bien entendu, cette utilisation opportuniste nécessite une discipline de fer :

  • conserver au minimum pour 3 mois de dépenses dans le fonds de secours
  • reconstituer le fonds en priorité avant tout nouvel investissement.

Auto-assurance intelligente

Un fonds d'urgence solide vous permet de relever certaines franchises d'assurance, réduisant vos primes annuelles. Les assurances prélèvent environ 15-20% de frais administratifs sur vos primes. En Suisse, en choisissant une franchise LAMal de 2'500 CHF au lieu de 300 CHF, vous économisez environ 1'500 CHF par an.

Sur 10 ans, même en payant 2-3 franchises maximales, vous restez largement gagnant. Votre fonds d'urgence absorbe ces coûts ponctuels tout en vous faisant économiser des milliers de francs.

Sérénité psychologique pour investir

L'avantage le plus précieux reste psychologique. Savoir que vous pouvez encaisser 6 mois de dépenses sans toucher à votre portefeuille vous permet de conserver vos investissements pendant les corrections boursières. C'est cette tranquillité d'esprit qui fait la différence entre l'investisseur qui panique et vend à perte, et celui qui patiente et profite de la remontée.

Votre fonds d'urgence vous donne la force mentale de rester investi quand les marchés plongent de 20%, 30% ou même 50%. Sans ces réserves, chaque baisse devient une menace existentielle plutôt qu'une opportunité.

La patience paye : investir sereinement après avoir sécurisé ses bases

Oui, c'est frustrant. Vous avez économisé péniblement pendant des mois, vous rêvez de voir cet argent travailler en bourse, et voilà qu'il faut patienter encore plus pour constituer vos réserves de sécurité. Cette frustration initiale est normale.

Mais considérez la constitution de votre fonds d'urgence comme un investissement en vous-même. Vous apprenez la discipline d'épargne, vous prenez conscience de votre capacité à accumuler du capital, et vous construisez les fondations qui soutiendront votre stratégie patrimoniale pendant les 20, 30 ou 40 prochaines années.

En bourse comme dans la vie, les bases solides font toute la différence. Votre fonds d'urgence n'est pas un luxe ni une option : c'est la base de votre indépendance financière.


Cet article a été mis à jour en novembre 2025 pour refléter les pratiques actuelles et les conditions du marché.


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2 réflexions sur “Fonds d’urgence : combien épargner et comment constituer sa réserve de sécurité”

  1. Bonjour Jérôme,

    Effectivement, je pense aussi que se constituer une épargne de précaution solide est la première des choses à faire, avant même de penser à investir.
    Pour ma part, je me fixe comme montant l’équivalent de 6 mois de salaires : c’est beaucoup mais ça permet de voir venir sereinement.
    C’est vraiment LE principe de base.

    Bonne journée,
    Phil

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