Dernière mise à jour : novembre 2025
En 2018, je publiais mon analyse de Swisscom et concluais par une vente de ma position. Plus de sept ans après, où en est le géant bleu des télécoms ? Cette mise à jour complète examine la situation actuelle de l'action SCMN à la lumière des dernières données et de l'acquisition majeure de Vodafone Italia.

Swisscom en bref : le champion suisse des télécoms
Swisscom reste de loin le plus grand opérateur de télécommunications en Suisse. Privatisée de l'ancienne régie fédérale des PTT, elle compte aujourd'hui environ 20'000 collaborateurs. La Confédération helvétique demeure l'actionnaire majoritaire avec 51% du capital.
L'entreprise opère principalement en Suisse mais s'est considérablement développée en Italie via Fastweb. Fin 2024, Swisscom a finalisé l'acquisition stratégique de Vodafone Italia pour 7.4 milliards CHF, devenant ainsi le deuxième opérateur italien.
Les chiffres clés : une année de transformation
Performance financière sous pression
L'exercice 2024 a révélé une situation financière mitigée. Le chiffre d'affaires s'est établi à 11.03 milliards CHF, en léger recul de 0.3%. En Suisse, l'activité principale a perdu 1.7% avec 8.0 milliards CHF, reflétant la pression concurrentielle accrue et la migration vers les offres streaming. Seule l'Italie a apporté une bouffée d'oxygène avec Fastweb affichant une croissance de 6.7% à 2.81 milliards EUR.
Toutefois, le CA de 2025 s'annonce florissant, avec l'appui des ventes de Vodafone Italia. En effet, sur les douze derniers mois (Q4 2024, Q1-3 2025), le revenu grimpe à 14 milliards CHF, soit une hausse de 27%.
La rentabilité s'est dégradée nettement durant l'exercice 2024 : l'EBITDA a chuté de 5.8% à 4.35 milliards CHF et le bénéfice net recule de 9.9% à 1.54 milliard CHF. Ces baisses s'expliquent en grande partie par les coûts d'intégration de Vodafone Italia (227 millions CHF en 2024, 700 millions prévus au total).
Tableau des principaux ratios boursiers
| Indicateur | Valeur 2025 | Valeur 2018 | Évolution |
|---|---|---|---|
| PER (ratio cours/bénéfice) | 24x | 16x | Plus cher |
| Rendement du dividende | 3.8% | 4.7% | -0.9 pt |
| Payout ratio | 91% | 73% | +18 pts |
| P/S (ratio cours/ventes) | 2x | 2x | Stable |
| P/B (ratio cours/valeur comptable) | 2.5x | 3.2x | Moins cher |
Le dividende : générosité soutenable ?
Swisscom maintient depuis 2012 son dividende à 22 CHF par action, offrant un rendement de 3.8%. À première vue attractif, ce dividende cache une autre réalité : le payout ratio atteint désormais 91%, contre 73% en 2018 (ce qui était déjà assez élevé). Par ailleurs, l'entreprise promet de relever le dividende à 26 CHF dès 2026, sous réserve d'atteindre ses objectifs financiers. Ce qui nécessitera que l'intégration de Vodafone Italia génère rapidement les synergies attendues.
Cette politique très généreuse pourrait soulever des questions quant aux possibilités de Swisscom pour investir dans le développement, absorber un choc financier ou même tout simplement de continuer à assurer ses distributions aux actionnaires.
Toutefois, si on examine le paiement du dividende en regard du flux de liquidités, l'image est bien meilleure. Il représente en effet actuellement seulement 21% du Cash Flow (31% en 2018) et 43% du FCF (87% en 2018).
C'est une situation d'ailleurs assez particulière chez Swisscom : elle réalise parfois un Free Cash Flow supérieur à son bénéfice net. Cette différence s'explique par des amortissements et dépréciations élevés – des charges comptables qui réduisent le bénéfice affiché sans sortie de trésorerie réelle.
Autrement dit : l'argent qui rentre dans les caisses permet de couvrir le paiement du dividende. Ce sont des dépenses non monétaires qui font paraître le payout ratio élevé.
L'endettement : la facture de l'ambition italienne
L'acquisition de Vodafone Italia a fait exploser l'endettement. La dette totale a grimpé à 16 milliards CHF. Ces chiffres peuvent faire peur, toutefois, en regard aux fonds propres, ceci nous donne un ratio de 1.37 au dernier trimestre (Q3 2025). C'est un peu haut, mais ça reste dans les normes historiques du géant des télécoms helvétique.
Surtout, la couverture des intérêts de la dette demeure assez confortable, avec un ratio de 6.12. Le score d'Altman, avec 1.83, est tout juste ok (limite à 1.81). Swisscom ne figure donc pas dans les entreprises à risque de faillite, mais vu qu'elle appartient majoritairement à la Confédération Suisse, on s'en doutait déjà un peu.
Les points positifs : une position toujours dominante
Leadership technologique en Suisse
Swisscom conserve son avance technologique avec une couverture 5G+ atteignant 85% de la population suisse. Plus de 50% des ménages bénéficient désormais de la fibre optique (FTTH), avec un objectif d'accès gigabit généralisé d'ici 2035.
L'entreprise remporte systématiquement tous les tests indépendants de qualité réseau et service client, confirmant sa position de leader qualité.
Diversification italienne
La fusion programmée de Fastweb et Vodafone Italia créera le deuxième opérateur convergent d'Italie. Vodafone Italia génère un chiffre d'affaires estimé de 4.6 milliards EUR et un EBITDA de 2.0 milliards EUR (2024). Cette acquisition transforme Swisscom en acteur paneuropéen d'envergure.
Les points négatifs : défis structurels persistants
Érosion du marché suisse
Le marché domestique subit une pression concurrentielle croissante. Les revenus suisses reculent de 1.7% en 2024, avec une baisse particulièrement marquée sur Blue TV (-2.7% d'abonnés) et l'internet fixe (-1.8%). Le segment B2B souffre également d'une érosion des prix, notamment dans le segment PME.
Valorisation élevée pour une croissance faible
Avec un PER de 24.18, un Price-to-Book de 2.52 et un Price-to-Sales de 2.15, Swisscom se négocie à des multiples élevés pour une entreprise dont le bénéfice recule.
Risque d'exécution sur Vodafone Italia
L'intégration de Vodafone Italia représente un défi colossal avec 700 millions CHF de coûts prévus. Le succès n'est pas garanti, d'autant que Vodafone Italia connaît elle-même des difficultés avec un recul de ses revenus mobiles B2C.
Perspectives 2025 : croissance artificielle
Pour 2025, Swisscom prévoit un chiffre d'affaires entre 15.0 et 15.2 milliards CHF. Cette hausse spectaculaire provient uniquement de la consolidation de Vodafone Italia – organiquement, l'activité continue de stagner.
Réflexion rétrospective : avais-je raison de vendre en 2018 ?
En janvier 2018, je vendais mes actions Swisscom à environ 510 CHF. Aujourd'hui, le titre cote près de 580 CHF. Qu'en retirer ?
Performance totale (cours + dividendes) : +56% sur un peu plus de sept ans, soit ~5.8% annualisé. Un rendement correct mais décevant comparé au S&P 500 qui a plus que doublé sur la même période (CAGR 11.17% en CHF).
Les faiblesses que je pointais en 2018 se sont confirmées : dividende stagnant et valorisation tendue. Les mêmes constats peuvent être faits aujourd'hui.
Verdict 2025 : pour quel type d'investisseur ?
Profil investisseur adapté
Swisscom peut convenir si vous recherchez :
- Un dividende trimestriel relativement stable (~3.8%) en CHF
- Une exposition minimale à la volatilité boursière (le beta n'est que de 0.22 !)
- Une entreprise "too big to fail" adossée à l'État suisse
- Vous ne cherchez pas de croissance du capital
À éviter si vous visez
En revanche, passez votre chemin si vous recherchez :
- Une croissance significative du capital ou des dividendes
- Une valorisation attractive (rapport qualité/prix)
- Une stratégie FIRE dynamique nécessitant de la croissance
Questions fréquentes sur l'action Swisscom
Le dividende Swisscom est-il sûr ?
Oui, grâce à l'afflux de liquidités. Une progression du dividende dans le futur en revanche est moins sûre. La promesse d'augmentation à 26 CHF en 2026 dépend entièrement du succès de l'intégration Vodafone Italia.
Swisscom peut-elle croître significativement ?
Peu probable en Suisse où le marché est mature et saturé. La croissance future repose sur l'Italie, un pari qui comporte des risques d'exécution importants et un endettement massif à digérer. Les expériences précédentes de grandes entreprises helvétiques à l'étranger (Swissair, Credit Suisse, UBS) ont rarement été concluantes. Espérons pour Swisscom que "cette fois c'est différent".
Comment se compare Swisscom aux autres télécoms européens ?
Swisscom offre une stabilité supérieure grâce à sa position quasi-monopolistique protégée en Suisse. Cependant, elle se négocie à des multiples plus élevés tout en offrant moins de perspectives de croissance que des concurrents plus dynamiques.
L'acquisition Vodafone Italia est-elle une bonne opération ?
Le jury délibère encore. Sur le papier, créer le #2 italien a du sens. Mais le prix payé est élevé (7.4 milliards CHF), l'endettement double, et Vodafone Italia est elle-même en difficulté. Les 700 millions de coûts d'intégration pèseront sur les résultats pendant plusieurs années.
Swisscom convient-elle pour une stratégie FIRE ?
Pas idéalement. Une stratégie FIRE efficace nécessite généralement une combinaison de croissance du capital et de revenus croissants. Avec un dividende stagnant et peu de potentiel d'appréciation du cours, Swisscom fonctionne davantage comme une obligation à risque modéré qu'comme un véritable actif de croissance.
Conclusion : une rente d'État déguisée
Swisscom 2025 ressemble à une obligation gouvernementale avec un léger risque equity. Vous obtenez un dividende de 3.8% relativement stable, adossé à une entreprise que l'État ne laissera pas tomber, mais sans croissance réelle ni potentiel d'appréciation significatif.
Pour un investisseur FIRE cherchant à optimiser son rendement ajusté au risque, d'autres opportunités existent sur les marchés actions internationaux. Des entreprises combinant dividendes croissants, valorisations raisonnables et bilans solides offrent un meilleur rapport qualité/prix.
Personnellement, je maintiens ma décision de 2018 : Swisscom reste en dehors de mon portefeuille. L'action n'offre ni la croissance, ni la valorisation que je recherche.
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J’ai aussi vendu mes actions Swisscom il y a quelques semaines, comme tu l’as dit: trop cher, trop de dettes, pas de croissance du bénéfice et donc du dividende.
Encore une analyse fort intéressante. Je trouve qu’entre dividinde et toi, Jérôme, il y a beaucoup de nouveau contenus excellents.
Concernant Swisscom, je pense que ton analyse m’aidera à m’en séparer. Je l’avais acheté quand l’action avait baissé l’année passée. Le gain sur cours est de 13%. Pas énorme, mais toujours bon de prendre des bénéfices. En effet, mis à part un gros dividende que j’estime assez sûr, il ne semble pas que le futur soit prometteur. Je demande de la croissance, pas forcément à la Alibaba, mais un minimum de croissance. La question se pose de savoir par quel autre titre suisse remplacer Swisscom. Je serais intéressé par Emmi, Jungfraubahn, Lindt, Roche, Bell, BVZ. Les deux premiers sont trop chers à mon goût, le troisième c’est pire. BVZ semble le meilleur en termes de valorisation.
Qu’en pensez-vous?
Merci JL pour tes compliments, ça fait toujours plaisir.
Il est vrai que l’arrivée de dividinde a fait du bien. Il a une approche plus helvétique et plus Buffet que moi. Donc on se complète bien 😉
En ce qui me concerne je pense malheureusement qu’aucun des titres que tu cites peut être recommandé à l’achat en ce moment.
La question qui reste à répondre est : si on en a, faut-il vendre ?
Je l’ai fait pour JFN, et je me déterminerai après les résultats annuels pour Bell, Emmi et BVZ. Je dois dire que j’adore ces trois titres qui sont tous des baggers dans mon portefeuille. Je ferai une analyse ce printemps pour ces trois.
Merci JL et Jérôme. J’apprécie également beaucoup les analyses de Jérôme car il s’intéresse à d’autres titres que moi et confronter les avis différents est toujours enrichissant pour ouvrir son esprit (et parfois aussi enrichissant pour le portemonnaie).
Cela devient presque mission impossible de trouver actuellement des titres suisses qui ne sont pas hors de prix, sans non plus acheter n’importe quoi (à la Rieter ou Aryzta). Dans ta liste il n’y a que Roche que je trouve abordable actuellement, même si sa valorisation dépend beaucoup d’importantes décisions de la FDA ces prochains mois. Je vais justement m’offrir un bloc de pierre… heu, de Roche la semaine prochaine.
Sinon j’ai acheté Schweiter et LLB la semaine passée et je guette patiemment BFW pour trouver un niveau d’entrée légèrement plus bas.
Merci de vos réponses. Pas d’urgence à acheter bien entendu. Roche est classé comme sous-évalué par Morningstar et maintenant dividinde. Je vais voir cela de plus près car c’est l’un de mes titres favoris.
Le cours de Roche vaut plus de 80 fois sa valeur comptable corporelle et 22 fois ses bénéfices.
On peut expliquer certes ceci en partie du fait que
1) une grosse partie de la valeur de l’entreprise vient de son savoir-faire, mais si on tient compte des intangibles on est quand même à 10 fois la valeur comptable…
2) la marge et la rentabilité de l’entreprise sont très bonnes
Donc c’est bien trop cher pour un investisseur orienté Graham et éventuellement accessible pour un investisseur plutôt orienté Buffet…
Au niveau du dividende, attention au rendement généreux de 3%, car il se fait au prix d’un payout de 70% et d’une croissance de seulement 3% par an en moyenne.
Normal que le dividende a de la peine à progresser, le bénéfice par action est flat depuis plusieurs années…
Vous aurez compris, je suis pas fan 🙂
Ah non, je dirais pas sous-évalué, simplement pas surévalué, ce qui est déjà pas si mal dans un bull market pareil. Et le dividende est correct, sûr et au moins légèrement croissant.
Attention avec Roche, la plupart des sites financiers (même celui de SIX!) donnent des chiffres tronqués car ils passent à côté de sa structure de capital particulière! C’est vraiment un sale piège qui m’a fait passé à côté de Roche au début. En effet, le capital est constitué de bons de jouissance (env. 80%) et d’actions au porteur.
Heureusement qu’il y a par exemple Finanz und Wirtschaft qui donne les bons ratios. En réalité, le PER 2017 est de 16 et le PER 2018 estimé à 15. Le ratio cours-valeur comptable est d’environ 9-10 et le payout ratio est de 56.4%.
Bonne précision! Mais toujours un peu trop cher pour moi.
Super merci pour ton analyse que je partage aussi.
J’ai vu aussi que tu réduis progressivement ton exposition US. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous ne pouvons plus accéder à la page US Dividends 5+ ?
Non. J’ai un autre problème avec un autre fournisseur. Je vais essayer de régler ça, mais pas sûr d’y arriver… Décidément les données gratuites en finance cela devient de plus en plus rare…
Bénéfice annoncé en baisse pour Swisscom… On va dire qu’on n’est pas trop étonné!
Nom d’un chien je n’avais plus été voir le cours …