Dernière mise à jour : novembre 2025
En 2018, je créais un "mini-portefeuille dans le portefeuille" pour gérer mon excès de liquidités. Ce petit satellite représentait alors 10% de mes actifs. Aujourd'hui, cette approche quantitative value constitue entre 30% et 50% de mon portefeuille global et forme le cœur de ma stratégie d'investissement.

Cette évolution n'était ni planifiée ni anticipée. Elle s'est imposée progressivement, au fil des résultats et de l'évolution des marchés. Voici comment et pourquoi ma stratégie d'investissement a radicalement changé.
2018 : naissance d'un portefeuille satellite
Revenons au point de départ. En 2018, ma situation était la suivante : j'avais vendu de nombreuses positions américaines survalorisées pour réallouer vers des titres moins onéreux, notamment au Japon. J'avais également diversifié mes actifs en m'inspirant du Permanent Portfolio de Browne et des recherches de Mebane Faber. Enfin, j'avais introduit une procédure de protection du capital avec un système d'ordres stop.
Résultat : je me retrouvais avec beaucoup de cash. Vendre des positions qui avaient fortement progressé, répartir chaque vente en plusieurs nouveaux investissements par prudence, attendre de trouver des titres correspondant à mes critères stricts, ajouter quelques ventes déclenchées par les stop loss à 20%, les dividendes qui continuaient de rentrer, mon épargne régulière... tout cela créait une accumulation de liquidités.
Le cash, c'est utile pour profiter des krachs. Mais le krach peut se faire attendre des années. Et en attendant, cette réserve pèse lourdement sur la rentabilité globale du portefeuille.
L'inspiration O'Shaughnessy
La solution m'est venue en relisant "What Works on Wall Street" d'O'Shaughnessy. Ce livre démontre qu'on peut constituer des portefeuilles très performants avec un nombre limité de critères quantitatifs, renouvelés mécaniquement une ou deux fois par an, à la manière des Dogs of the Dow.
J'utilisais déjà des critères de sélection rigoureux pour mes actions : rentabilité, valorisation attractive, dividendes croissants. Mais ce processus était long et générait peu de candidats valables. L'approche quantitative d'O'Shaughnessy offrait une alternative complémentaire : des screeners basés sur la valorisation, la qualité et le momentum, avec un renouvellement systématique tous les six mois.
J'ai donc créé ce petit portefeuille satellite qui cohabitait avec mes titres à dividendes croissants. Les caractéristiques étaient simples :
- Plusieurs screeners fournissant des titres selon leur valorisation, qualité et momentum
- Prise de position sur chaque titre identifié
- Conservation pendant six mois, puis réévaluation
- Vente si le titre disparaît des screeners ou chute de plus de 20%
- Remplacement par les nouveaux titres apparaissant dans les screeners
Certains de ces titres ne payaient pas de dividendes, ce qui n'était pas optimal pour mes objectifs d'indépendance financière. Mais ils présentaient tous une sous-valorisation significative et un fort potentiel de plus-value. Mieux que du cash dormant en tout cas.
Sept ans plus tard : le satellite devient la planète principale
Ce qui devait rester un petit portefeuille accessoire représente aujourd'hui entre 30% et 50% de mes actifs. Comment en suis-je arrivé là ?
Une évolution progressive dictée par le marché
Le changement n'a pas été brutal. Il s'est opéré progressivement, en parallèle de l'évolution des marchés. À partir de 2015-2017, les titres de croissance, particulièrement américains, ont commencé une envolée spectaculaire. Les valorisations sont devenues de plus en plus tendues. Les critères stricts que j'appliquais pour mes dividendes croissants généraient de moins en moins de candidats.
Pendant ce temps, mon portefeuille quantitatif continuait à identifier des opportunités. Des titres sous-valorisés existaient encore, notamment en dehors des États-Unis et des mega-caps technologiques. La stratégie value quantitative trouvait son terrain de jeu là où ma stratégie dividendes séchait.
L'approfondissement méthodologique
Parallèlement à cette évolution d'allocation, j'ai considérablement approfondi ma méthodologie quantitative. Les trois piliers restent les mêmes : valorisation, qualité et momentum. Mais je suis allé beaucoup plus loin dans la recherche des facteurs.
Aujourd'hui, je backteste systématiquement toutes les combinaisons possibles de facteurs. Je ne me contente plus d'appliquer des screeners éprouvés. Je cherche à comprendre quelles combinaisons fonctionnent le mieux, dans quels contextes, avec quelles fréquences de rebalancement.
D'ailleurs, la fréquence de rebalancement est ce qui a le plus évolué depuis 2018. Les six mois initiaux se sont révélés sous-optimaux pour certaines stratégies. Aujourd'hui :
- La majorité de mes stratégies se rebalancent mensuellement
- Certaines fonctionnent mieux avec un rebalancement trimestriel
- D'autres, plus rares, sont annuelles
- J'ai même une stratégie hebdomadaire, mais ce n'est pas la norme
Cette diversification des fréquences permet d'éviter les biais de calendrier et de mieux capter différents types d'inefficiences de marché.
Pourquoi cette évolution était inévitable
Avec le recul, plusieurs facteurs expliquent pourquoi ma stratégie quantitative a pris le pas sur les dividendes croissants.
Des contextes de marché radicalement différents
Ma période dividendes (2010-2017) a bénéficié d'un contexte exceptionnel : la reprise après la décennie perdue des années 2000, puis l'envolée des titres de croissance à partir de 2015. Dans cet environnement, acheter des blue chips américaines à dividendes croissants était une stratégie gagnante presque par défaut.
La période suivante (2018-2024) a été différente. Plus volatile, moins directionnelle, avec des rotations sectorielles marquées. Ce contexte favorise les stratégies value quantitatives qui peuvent s'adapter rapidement et capter les inefficiences temporaires.
L'anomalie actuelle du marché
Nous vivons aujourd'hui une situation similaire à l'an 2000. Une poignée de méga-capitalisations technologiques, portées par le narratif de l'intelligence artificielle, affichent des valorisations stratosphériques. Pendant ce temps, les titres value restent à la traîne.
Cette dichotomie crée exactement le terrain de jeu idéal pour l'investissement quantitatif value. Les écarts de valorisation sont massifs. Les opportunités abondent pour qui accepte de sortir des sentiers battus et d'acheter ce que le marché délaisse.
Les résultats parlent d'eux-mêmes
Les chiffres récents valident cette évolution stratégique. En 2024, mon portefeuille a progressé de 20.3% contre 4.86% pour le MSCI Switzerland. Plus révélateur encore : en 2022, année difficile pour les marchés, j'ai limité la baisse à -3.9% quand le MSCI Switzerland perdait -17.8%.
Cette capacité à surperformer en période haussière tout en protégeant le capital en période baissière, c'est exactement ce que recherche l'investissement quantitatif bien exécuté. La combinaison valorisation-qualité-momentum crée un équilibre entre opportunité et protection.
Les limites de la stratégie dividendes révélées
Cette évolution m'a aussi permis de prendre conscience des limites inhérentes à une stratégie focalisée exclusivement sur les dividendes croissants.
Le piège de la concentration
Rechercher des dividendes croissants sur longue période conduit inévitablement vers un nombre restreint de sociétés. Les aristocrates du dividende se comptent en dizaines, pas en centaines. Cette concentration géographique (forte surpondération US) et sectorielle (biais vers la consommation défensive et la santé) crée un risque important.
Le coût d'opportunité de la qualité
Les sociétés capables de verser des dividendes croissants pendant 25 ans ou plus sont par définition des entreprises de très haute qualité. Mais cette qualité se paie. Souvent cher. Parfois trop cher. L'approche quantitative permet d'élargir l'univers d'investissement en acceptant des sociétés de qualité moyenne ou bonne, mais pas exceptionnelle, dès lors qu'elles sont suffisamment décotées.
La rigidité face aux changements de marché
Une stratégie buy-and-hold sur dividendes croissants est par nature lente à s'adapter. On conserve des positions pendant des années, parfois des décennies. Cette stabilité est un avantage en marché haussier séculaire. Elle devient un handicap quand les vents tournent.
L'approche quantitative avec rebalancement régulier permet de s'ajuster en continu. Si un secteur se survalorise, les titres sortent naturellement des screeners. Si une zone géographique devient attractive, elle apparaît automatiquement dans les résultats.
Ce que j'ai appris en chemin
Sept ans d'évolution progressive m'ont enseigné plusieurs leçons importantes.
L'importance du backtesting rigoureux
On ne peut pas se contenter d'intuitions ou de quelques années de résultats pour valider une stratégie. Le backtesting systématique sur plusieurs décennies, incluant différents régimes de marché, est indispensable. C'est ce qui différencie une stratégie robuste d'un coup de chance.
La diversification des approches surpasse la diversification des titres
J'ai longtemps cru que diversifier ses positions était suffisant. Avoir 40 ou 50 titres plutôt que 20. Mais diversifier ses stratégies d'investissement s'est révélé bien plus efficace. Combiner value profond, momentum, qualité, différentes fréquences de rebalancement... cette diversification méthodologique offre une protection bien supérieure.
L'adaptabilité bat la conviction
J'étais convaincu en 2010 que les dividendes croissants constituaient la meilleure stratégie pour atteindre l'indépendance financière. Je n'avais pas tort pour le contexte de l'époque. Mais m'accrocher à cette conviction quand le marché changeait aurait été une erreur. Accepter de remettre en question ses certitudes et d'évoluer est crucial.
Le quantitatif n'exclut pas le jugement
Adopter une approche quantitative ne signifie pas devenir un automate. Les screeners identifient des candidats, mais je continue d'analyser, de comprendre ce que j'achète, d'évaluer les risques spécifiques. Le quantitatif structure la recherche et évite les biais émotionnels. Le jugement humain reste nécessaire en amont et en aval.
Et maintenant ?
Mon portefeuille actuel reflète cette évolution. Les 30% à 50% alloués aux stratégies quantitatives value ne sont plus un "mini-portefeuille" expérimental. C'est devenu le cœur du dispositif.
Les titres à dividendes croissants n'ont pas disparu. Ils constituent toujours une partie de mes actifs, principalement pour leur génération de revenus réguliers et leur stabilité. Mais ils ne dominent plus ma stratégie.
Cette allocation restera-t-elle stable ? Probablement pas. Elle continuera d'évoluer en fonction des opportunités de marché et de mes recherches. Si les valorisations des titres de croissance se normalisent et que les dividendes croissants redeviennent attractifs, la balance pourrait à nouveau pencher de leur côté.
C'est précisément l'avantage d'une approche quantitative rigoureuse : elle suit le marché plutôt que de prétendre le prédire. Elle identifie ce qui fonctionne aujourd'hui, pas ce qui devrait fonctionner selon une théorie figée.
Questions fréquentes
N'est-ce pas risqué d'abandonner les dividendes pour sa rente ?
Je n'ai pas "abandonné" les dividendes. Ils représentent encore une part importante de mon portefeuille. Mais j'ai réalisé que la performance totale (dividendes + plus-values) importait davantage que les dividendes seuls. Un titre qui progresse de 15% par an sans dividende crée plus de richesse qu'un titre qui verse 4% de dividende et stagne. Cette richesse peut être convertie en revenu au moment voulu.
Le quantitatif ne demande-t-il pas beaucoup de temps ?
Paradoxalement, non. Une fois les screeners configurés et testés, l'approche quantitative demande moins de temps que l'analyse fondamentale approfondie de chaque titre. Je consacre davantage de temps au développement et au backtesting des stratégies, mais l'exécution quotidienne est plus légère.
Peut-on combiner dividendes et approche quantitative ?
Absolument. C'est d'ailleurs ce que je fais. Rien n'empêche d'avoir un screener quantitatif qui intègre le critère "dividende croissant" parmi ses facteurs. La différence, c'est qu'on ne se limite pas à ce seul critère et qu'on accepte de vendre si le titre sort des critères quantitatifs.
Cette stratégie fonctionne-t-elle en marché haussier ?
Les résultats de 2024 (+20.3%) suggèrent que oui. Mais plus généralement, les études sur les facteurs value, quality et momentum montrent qu'ils surperforment sur le long terme dans tous les types de marchés. La clé est la discipline : continuer à appliquer la stratégie même quand elle sous-performe temporairement.
Combien de titres faut-il pour une stratégie quantitative ?
Cela dépend de la stratégie. Certaines de mes approches fonctionnent avec 10-15 titres, d'autres nécessitent 30-40 positions pour diluer le risque spécifique. L'important n'est pas le nombre absolu, mais la cohérence entre le nombre de positions et le niveau de concentration de risque que l'on accepte.
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J’aime bien aussi cette idée de prendre plus de risques avec une petite partie de mon portefeuille, ça rend l’exercice plus palpitant qu’avec les actions peu volatiles payeuses de dividendes.
J’ai souvent 5 à 10% de positions plus risquées avec lesquelles j’essaie d’obtenir un gain sur cours à court terme. Dernièrement j’ai par exemple « joué » avec AMS et 2 actions biotech.
C’est comme dans un bon vin… Ce sont les 12% d’alcool qui te font tourner la tête
Quels genres de screeners utilises-tu pour les actions asiatiques ?
J’utilise le screener gratuit de Financial Times (mais les données des sociétés obtenues sont payantes)
et le screener payant de quant-investing
Dans cette catégorie d’actions, je te suggère de jeter un coup d’œil à l’entreprise israélienne Check Point Software… À mon avis, c’est de la grande qualité avec encore un sacré potentiel!
quelle fuséee,grande qualité effectivement
un peu cher pour moi, mais c’est vrai que ça donne envie…
C’est amusant, j’ai justement acheté des puts de CHKP à cause de la croissance des ventes en recul, des parts de marché en baisse, du peu de revenus générés par abonnement (25%) et surtout du risque concernant la compliance pour les petites entreprises basés sur un modèle de cloud.
C’est ce qu’il y a de plus fascinant à la bourse: À partir des mêmes informations, l’un voit une belle opportunité d’achat et l’autre un signal de vente 🙂
C’est paradoxalement grâce à cela qu’on gagne de l’argent en bourse. Il y a des winners et il y a des loosers. Et ce ne sont pas toujours les mêmes. Si tout le monde gagnait tout le temps, les cours deviendraient tellement chers que les rentabilités deviendraient misérables.
Check Point Software a gagné plus de 20% depuis mai, je regrette déjà de ne pas m’en être payé une petite tranche…
J’ai déniché une autre action dans la catégorie « hot tip »: Constellation Brands. Ce groupe américain de boissons alcoolisées a récemment acquis 38% du fabricant canadien de cannabis Canopy Growth, qui surfe sur la vague de la légalisation au Canada à partir d’octobre 2018.
Constellation Brands est un titre hautement spéculatif mais encore doté d’un énorme potentiel!
Ah ah ! nous voilà en plein dans le domaine du vice! J’adore ça!
On dirait un titre de croissance à en juger par les fondamentaux!
Je vous propose un nouveau titre pour le portefeuille « risque »: Pigeon, un fabricant japonais de produits pour bébés. Cours actuel 4820 Yen.
C’est très cher mais d’une qualité assez incroyable!
dividinde s’intéresse aux titres japonais 🙂
voilà pourquoi ils annoncent de la neige !
mais tu as raison en tous points : une qualité exceptionnelle mais vraiment très cher
le Piotroski est à 9, excusez du peu
Altman à 17.6
en plus c’est une franchise
Japonaises, Françaises, Suédoises, Brésiliennes,… Oui, je m’intéresse à toutes! 😉
Tu as bien raison.
Bon faut juste être sûr que les brésiliennes sont bel et bien des brésiliennes. Et je ne parle pas de la nationalité!