L'acquisition de Credit Suisse en mars 2023 restera comme l'un des événements les plus marquants de l'histoire financière suisse. Le Temps l'a qualifié, à juste titre, de hold-up du siècle. En absorbant son rival centenaire pour seulement 3 milliards de francs, UBS est devenue un mastodonte de la gestion de fortune, le plus important au monde. Une transformation radicale qui mérite une analyse approfondie pour les investisseurs orientés valeur et dividendes.

Une histoire mouvementée mais une renaissance spectaculaire
UBS traîne une réputation sulfureuse depuis la fin du siècle dernier. L'Union de Banques Suisses et la Société de Banque Suisse ont fusionné en 1998, mais c'est surtout la crise de 2008 qui a marqué les esprits. L'arrogance de ses dirigeants de l'époque, les scandales d'évasion fiscale et les fonds juifs en déshérence ont durablement terni l'image de la banque. La Confédération et la BNS ont dû intervenir pour la sauver, contribuant à la fin du secret bancaire helvétique.
Pourtant, l'acquisition de Credit Suisse représente un tournant majeur. Le 12 juin 2023, UBS a officiellement finalisé l'acquisition, créant une entité consolidée gérant plus de 5'500 milliards de francs d'actifs investis. Cette opération, orchestrée en urgence par les autorités suisses, a permis à UBS d'enregistrer un profit comptable exceptionnel de 25 milliards de francs en 2023, grâce au goodwill négatif.
Valorisation actuelle : encore attractive ?
La situation financière d'UBS en 2025 diffère radicalement de celle d'il y a quelques années. Pour l'exercice 2024, la banque affiche un bénéfice net de 4 milliards de francs et un bénéfice avant impôts de 6 milliards. Voici les principaux ratios de valorisation actuels :
- Capitalisation boursière : 96 milliards de francs
- PER (Price Earnings Ratio) : 16
- Price-to-Free Cash Flow : 31
- Price-to-Sales : 1.5
- Price-to-Book : 1.4
Du côté de la valorisation vis-à-vis du bénéfice, du CA ou de la valeur comptable, pas grand-chose à redire : le titre demeure à un prix correct malgré la progression du cours de l'action durant ces cinq dernières années.
Il y a un point de vigilance néanmoins avec la valorisation par rapport au FCF. Celle-ci a tendance à énormément fluctuer en fonction de flux de liquidités, qui est très inconstant. En 2022 par exemple, le P/FCF se montait à plus de 50, avant de tomber à moins de 2 l'année suivante (il s'agissait alors certes d'une année exceptionnelle à cause du rachat de CS). Aujourd'hui ce ratio est à nouveau assez élevé du fait de la baisse du FCF.
Dividende : rendement plus modeste
Le rendement du dividende actuel est assez modeste (2.35%), par rapport à la situation d'avant COVID. Il n'était pas rare en effet de trouver à l'époque des Yield supérieurs à 4%. Depuis 2021, on ne dépasse jamais les 3%. Evidemment, l'appréciation du cours de l'action n'y est pas étrangère.
Le dividende est bien couvert par les bénéfices (payout ratio = 39%). C'est d'ailleurs une bonne habitude chez UBS depuis 2018. Ceci offre une marge de sécurité confortable au géant bancaire pour continuer à rémunérer ses actionnaires dans le futur.
Toutefois, comme évoqué pour la valorisation, par rapport au Free Cash Flow la donne est moins favorable. Le dividende représente en effet 74% du FCF. Cela n'a ponctuellement rien d'inquiétant, vu le caractère fluctuant de ce ratio. Il ne faudrait juste pas que la situation perdure trop longtemps.
Rachat d'actions : un très bon point pour l'actionnaire
UBS a pris la bonne habitude de régulièrement racheter ses actions depuis 2018 et elle a continué à le faire en 2025. En sept ans, le nombre d'actions en circulation a ainsi été réduit de 16%. La part du gâteau de chaque actionnaire a ainsi été sensiblement agrandie.
Structure financière : la dette, toujours la dette
Le bras de fer initié par KKS contre UBS concernant les fonds propres de la banque est légitime : le contribuable doit être protégé des excès commis par les dirigeants de la désormais unique grosse banque helvétique. Notons toutefois que son ratio debt/equity n'a rien d'exceptionnel pour une banque, avec 4.38. Il est dans la moyenne de la banque de ces dix dernières années.
Le ratio concernant la dette à long terme a en revanche fortement progressé depuis le rachat de CS, passant de 3.08 (2022) à 4.88 (2023). Il baisse depuis et se situe actuellement à 3.85. C'est encore dans la tranche haute de ces dix dernières années.
Ce nouvel endettement à long terme depuis 2023 a une incidence directe sur la couverture des intérêts. Celle-ci était systématiquement supérieure à 1.5 jusqu'à 2022 y compris. Depuis 2023, elle est toujours en-dessous de 1, ce qui est un gros point de vigilance.
Risques et défis de l'intégration
L'intégration de Credit Suisse n'est pas sans risques. Les coûts de restructuration restent élevés, avec encore des milliards à dépenser. Par ailleurs, la concentration du marché bancaire suisse soulève des questions réglementaires et politiques. UBS représente désormais un risque systémique encore plus important pour la Suisse, ce qui a déclenché la querelle des fonds propres avec le gouvernement.
Perspectives et conclusion
L'acquisition de Credit Suisse a transformé UBS en leader mondial incontesté de la gestion de fortune. Cependant, l'endettement à long terme, la couverture des intérêts et les variations de FCF ne donnent pas toutes les garanties qualitatives, malgré une valorisation a priori intéressante.
La vraie question est de savoir si UBS parviendra à atteindre ses objectifs ambitieux de rentabilité tout en digérant l'intégration de Credit Suisse et en parvenant à trouver un terrain d'entente viable à long terme avec la Confédération. Si c'est le cas, ces soucis qualitatifs ne seront qu'un lointain souvenir. Sinon, il y aura d'autres problèmes, plus importants encore.
L'histoire d'UBS démontre qu'une entreprise peut renaître de situations difficiles. Reste à voir si cette renaissance se traduira par une création de valeur durable pour les actionnaires ou si les défis de l'intégration viendront assombrir le tableau.
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Merci Jérôme pour cette excellente analyse qui met bien en évidence toutes les contradictions liées à UBS: une valorisation raisonnable en apparence mais aussi plein de défauts plus ou moins latents. Je me suis brûlé les ailes avec cette action il y a une dizaine d’années et je n’ai jamais digéré son sauvetage avec l’argent public, de même que l’arrogance de ses dirigeants.
Depuis je préfère largement investir dans les banques cantonales dont le profil est beaucoup plus conservateur, même si la croissance laisse à désirer et qu’elles sont presque toutes chères. Tu me diras que c’est pas forcément mieux et que plusieurs banques cantonales ont aussi été sauvées de la faillite par leur canton…
Ah ah! C’est clair!
Je suis actionnaire de la BCVS depuis de belle lurette et c’est un des meilleurs placements que j’ai réalisés!
Très bel investissement en effet et qui montre toutes ses qualités défensives en cette période d’agitation boursière. Par contre je n’arrive pas à en acheter actuellement car je trouve l’action fortement surévaluée.
Effectivement je n’en achèterais pas non plus. Un peu trop chère.
Impressionnant hier et aujourd’hui le nombre de titres qui chutent entre 5 et 10% sans nouvelles particulières!
C’était le moment. Des taux qui montent aux US ça suffit avec les niveaux de malade sur les actions…
Espérons que cette fois on ait une vraie correction. J’ai plein de cash qui ne réclame que ça!
… et moi je suis en vacances en France et je découvre avec désespoir qu’à l’étranger je ne peux visiblement pas accéder à mon compte Postfinance!
Ah les salauds
Déjà qu’ils nous annoncent des nouveaux frais en 2019!
Prendre des vacances en France en plein automne, quelle idée! 😛
Ça va te prendre un VPN, mais d’un autre côté les vacances c’est fait pour décrocher…
Ouais moi aussi j’ai hâte à une vraie correction, mais je suis pas pressé d’être acheteur. Je suis bien content d’avoir un bon pourcentage de placements sécurisés en ce moment…
Ah ça c’est clair qu’il va pas falloir s’exciter à la première petite chute. Le marché part de tellement haut que la descente peut être soit très longue comme en 2000 soit très brutale comme en 2008. Je préfère quand c’est brutal… Oh ouiiiii!
C’est beau la France en automne, il fait pas trop chaud et les forêts ont la même couleur que la bourse! Et là où je suis il y a plus d’Allemands et de Suisses allemands que de Français…
Je suis curieux aussi de voir comment le marché va évoluer et si on est parti pour une grosse correction. C’est bien possible, puisque pour la première fois depuis 10 ans les obligations commencent à concurrencer sérieusement les actions.
Quoi qu’il en soit, aussitôt rentré en Suisse je vais commencer à ouvrir des positions, personne ne peut savoir si on est parti pour une chute de 50% ou une correction de plus faible ampleur.
C’est octobre rouge à NY ! ☺
Pourquoi tu dis que les obligations concurrencent les actions? Je trouve les taux misérables.
Les obligations US à 10 ans ont dépassé les 3.25%, un niveau plus atteint depuis 2011. Il est donc actuellement possible aux States de gagner plus de 3% « sans risques », ce qui rend les actions (beaucoup plus risquées en comparaison – selon le consensus, on s’entend) de moins en moins attractives (notamment par rapport aux dividendes). Du coup les investisseurs fuient de plus en plus le marché des actions. Et quand les actions US piquent du nez, le marché mondial des actions fait pareil.
Ah oui aux USA je suis d’accord. Et c’est d’ailleurs ce qui explique la dégringolade des actions.
Par contre chez nous les obligations restent une très mauvaise solution.
J’ai comme l’impression que certaines personnes vont se rappeler d’octobre pour les mois à venir! Et pas pour les bonnes raisons!
C’est tellement drôle de voir Trump s’emporter sur la situation actuelle. Et ce n’est jamais de sa faute, toujours celle des autres! Quel con.
Il est tellement prévisible. Quand les actions montent c’est grâce à lui (il oublie juste qu’il y au presque 10 ans de politique accommodante de la fed avant qui explique ce phénomène).
Et quand elles baissent c’est justement à cause de la fed qui ne fait que son travail pour prévenir une surchauffe de l’économie (déjà surdoppée par la politique budgétaire du guignol).
Il gère le pays comme ses immeubles. Et comme sa (ses) femme(s).
J’ai vu que plusieurs banques estiment que la baisse de cette semaine n’est que passagère et maintiennent leur perspectives haussières sur les actions…
Ils sont trop forts. Moi aussi je suis haussier sur les actions.
Reste juste à savoir sur quel horizon.
Moi aussi je reste haussier sur les actions. Mais ça dépend lesquelles… 😉
Et moi je reste haussier sur les actions. De la Migros ☺.
Que penses-tu des chiffres annuels? Les sorties d’argent me laissent songeur, par contre le programme de rachat d’actions et la hausse du dividende (rendement actuel 5.4%!) sont très alléchants…
Oui mais cela n’a pas empêché le titre de dévisser. Le couteau continue à chuter. Oui le dividende est interessant mais le jeu en vaut il la chandelle?
J’en ai, je vais le garder mais pas en racheter.