Article original de dividinde, rédigé en janvier 2019 et remis à jour par mes soins en décembre 2025
De la plomberie de Rapperswil au leader européen
L'histoire de Geberit débute en 1874 lorsque Caspar Gebert ouvre une modeste plomberie à Rapperswil. En 1905, il développe le premier réservoir de toilette en bois, une innovation qui sera brevetée et marquera le début d'une longue tradition d'excellence technique.

L'invention qui propulsera véritablement l'entreprise à l'international arrive en 1952 : la chasse d'eau en plastique, une révolution pour l'époque. L'entreprise adopte le nom de Geberit en 1953 et ne cessera dès lors de multiplier les innovations : premier réservoir caché en 1964, cloison de séparation d'urinoirs en 1972, puis une succession de brevets qui établiront sa domination technologique.
Aujourd'hui, Geberit occupe la première place sur le marché européen des équipements sanitaires. Cotée en bourse depuis 1999 et membre du SMI depuis 2012, la société emploie 11.110 collaborateurs répartis dans plus de 50 pays. Son siège reste fidèlement installé à Rapperswil-Jona, dans le canton de Saint-Gall.
L'acquisition stratégique de Sanitec
Fin 2014, Geberit réalise la plus grosse acquisition de son histoire en rachetant le finlandais Sanitec pour 1.4 milliard de francs. Ce fabricant d'équipements en céramique haut de gamme permet à Geberit de compléter son offre et d'atteindre une nouvelle dimension. Le chiffre d'affaires bondit de 1.9 milliard en 2014 à 2.9 milliards en 2015, une croissance externe parfaitement maîtrisée.
Cette opération explique également l'augmentation du ratio d'endettement, passé de fonds propres de 74.8% en 2013 à des niveaux plus modestes aujourd'hui. La dette reste néanmoins parfaitement sous contrôle avec une couverture des intérêts de 27.13x.
Performance financière : l'excellence suisse incarnée
Geberit affiche des métriques financières dignes des meilleures entreprises suisses, au niveau d'EMS Chemie ou LEM. La rentabilité est tout simplement exceptionnelle pour le secteur industriel.
Rentabilité
| Indicateur | Geberit | Moyenne industrie |
|---|---|---|
| Marge brute | 47.12% | 29.33% |
| Marge nette | 18.81% | 3.53% |
| ROE | 49.39% | 4.61% |
Un ROE de 49.39% signifie que Geberit génère presque 50 centimes de bénéfice pour chaque franc de fonds propres. C'est près de 11 fois la moyenne de l'industrie des matériaux de construction. Cette performance s'explique par un positionnement premium, une efficacité opérationnelle remarquable et un pouvoir de pricing solide.
Chiffres clés 2024
| Métrique | Valeur |
|---|---|
| Cours actuel | 625.60 CHF |
| Capitalisation boursière | 20.6 milliards CHF |
| Chiffre d'affaires (TTM) | 3.112 milliards CHF |
| Bénéfice net (TTM) | 585.4 millions CHF |
| Dividende annuel | 12.80 CHF |
| Rendement du dividende | 2.05% |
Solidité financière et discipline de capital
Geberit obtient un Altman Z-Score de 7.28, bien au-dessus du seuil de sécurité de 3.0, ce qui indique un risque de faillite quasi nul. Le Piotroski F-Score de 6 sur 9 est correct sans être exceptionnel, reflétant un ralentissement de la croissance récente.
La société démontre une bonne discipline de capital avec un payout ratio de 72% et des rachats d'actions réguliers (shareholder yield total de 2.33%). Le nombre d'actions en circulation a diminué de 1.29% sur 10 ans, concentrant ainsi la valeur pour les actionnaires restants.
Le dividende a été augmenté de 3.29% par an sur les 5 dernières années, une croissance modeste mais constante qui contraste positivement avec la moyenne négative de l'industrie.
Le revers de la médaille : une valorisation stratosphérique
La qualité exceptionnelle de Geberit se paie très cher. Beaucoup trop cher selon les critères d'investissement value.
Ratios de valorisation
| Ratio | Geberit | Moyenne industrie |
|---|---|---|
| P/E (TTM) | 35.20 | 20.39 |
| P/B | 17.33 | 1.69 |
| P/S | 6.65 | 1.23 |
| P/FCF | 31.33 | 20.02 |
Avec un P/E de 35, Geberit se traite à 72% au-dessus de la moyenne de son secteur. Le P/B de 17 est carrément 10 fois supérieur à la moyenne industrielle. Ces multiples reflètent la qualité exceptionnelle de l'entreprise, mais ne laissent aucune marge de sécurité.
Pour justifier ces valorisations, Geberit devrait afficher une croissance soutenue. Or, la réalité est plus nuancée : +1.72% de croissance du chiffre d'affaires et -2.22% de baisse du bénéfice net sur les 12 derniers mois. La maturité du marché européen pèse sur les perspectives.
Le talon d'Achille : la dépendance européenne
Plus de 90% du chiffre d'affaires de Geberit provient d'Europe. Cette concentration géographique représente le principal risque stratégique de l'entreprise. Un ralentissement de la construction en Europe, des difficultés économiques de la zone euro ou des changements réglementaires dans le secteur du bâtiment affecteraient directement les résultats.
La diversification géographique reste limitée malgré les ambitions internationales du groupe.
Verdict : qualité reconnue, mais attendre une correction
Geberit représente l'archétype de l'entreprise suisse de qualité : leadership technologique, rentabilité exceptionnelle, management discipliné, bilan solide. C'est exactement le type d'entreprise que tout investisseur souhaite détenir dans son portefeuille.
Mais à 625 CHF et 35 fois les bénéfices, le timing d'achat est mauvais. La valorisation intègre déjà toutes les qualités de l'entreprise et ne laisse aucune marge de sécurité. Pour un investisseur value, l'équation risque-rendement n'est pas favorable au cours actuel.
Ma recommandation : placer Geberit sur votre liste de surveillance et attendre patiemment une correction de 20-30% pour initier une position. À 450-500 CHF, l'action redeviendrait intéressante. Si vous détenez déjà l'action, conservez-la mais envisagez d'alléger partiellement pour cristalliser vos gains.
La qualité finit toujours par payer sur le long terme, mais l'entrée au bon prix reste déterminante pour la performance future.
FAQ : Geberit en questions
Geberit est-elle une bonne action à dividendes ?
Avec un rendement de 2.05% et un payout ratio de 72%, Geberit n'est pas une action à haut rendement. Le dividende est stable et croît modérément (3.29% par an sur 5 ans), mais d'autres opportunités offrent de meilleurs rendements dans l'univers suisse ou européen.
Pourquoi Geberit est-elle si chère ?
Le marché valorise trois éléments : (1) la rentabilité exceptionnelle (ROE 49%, marge 19%), (2) la position de leader européen avec barrières à l'entrée élevées, (3) la réputation de qualité et d'innovation. Cette prime de qualité est justifiée mais actuellement excessive.
Geberit peut-elle encore croître ?
La croissance organique est limitée par la maturité du marché européen de la construction. Les leviers de croissance futurs incluent : l'innovation produit, la montée en gamme, les acquisitions ciblées et l'expansion hors d'Europe. Une croissance de 3-5% annuelle est réaliste à moyen terme.
Quels sont les principaux risques ?
Les risques principaux sont : (1) la dépendance au marché européen (>90% du CA), (2) un ralentissement de la construction neuve, (3) une récession en Europe, (4) la concurrence des fabricants asiatiques à bas coût, (5) la valorisation élevée qui limite le potentiel de hausse.
Geberit est-elle exposée aux cycles économiques ?
Oui, modérément. Le secteur sanitaire est moins cyclique que d'autres segments de la construction car il bénéficie aussi du marché de la rénovation. Le beta de 0.59 indique une sensibilité réduite aux mouvements du marché global.
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Eh ben… c’est pas de la chiotte que tu nous présentes là… enfin si 🙂
Je ne savais pas qu’ils avaient inventé toutes ces belles choses !
Merci pour ta présentation très intéressante.
Ce qui me saute immédiatement aux yeux chez Geberit, c’est qu’elle possède toutes les caractéristiques d’une franchise : une marge brute excellente, des frais généraux minimes, une marge nette très bonne, un goodwill en hausse, un endettement prudent et des dépenses en capital raisonnables.
Pas étonnant qu’elle soit aussi rentable !
C’est vraiment une pépite.
Mais tout joyau à son prix et Geberit n’échappe pas à cette règle, bien au contraire. Tu savais d’ailleurs que j’allais dire cela 🙂
Ce qui me dérange le plus c’est que le ratio prix/ventes est de 4.68. On sait qu’en dessus de trois, c’est plutôt un signal de vente. Par rapport à la valeur comptable, on est à 7.41, ce qui est quand même là aussi cher payé, même pour une entreprise aussi belle.
L’autre point qui me dérange chez Geberit, c’est que, comme beaucoup de valeurs actuellement, c’est un couteau qui tombe.
De mon point de vue, j’attendrais que cette baisse se poursuive encore quelques temps, histoire de revenir à des prix plus corrects.
Mais c’est vrai que c’est assurément une toute belle entreprise.
En effet Jérôme, je savais que la valorisation allait te déplaire. 😉 Mais pour des entreprises d’une telle qualité, je ne m’intéresse pas tellement au prix d’aujourd’hui, car il est pratiquement impossible d’acheter de telles perles à prix cassé.
Ce qui m’intéresse, c’est de devenir copropriétaire de sociétés d’une telle qualité et de le rester à vie. Je pense que Geberit existera toujours dans 20 ou 40 ans et sera x fois plus grosse et profitable, et que l’action et le dividende seront également x fois plus élevés qu’aujourd’hui.
Pour citer un investisseur plutôt doué: « Time is the friend of the wonderful business, the enemy of the mediocre ».
C’est certain qu’au vu de sa qualité Geberit n’est pas le genre de titres à finir aux égoûts. Si j’ose la très mauvaise métaphore…
Aha, tu te mets aussi aux jeux de mots pourris! Voilà une petite blague de chiotte pour te punir! 🙂
Pourquoi en France, dit-on : « Aller aux toilettes », alors qu’en Belgique, on dit : « Aller à la toilette »?
Parce qu’en France, il faut en faire plusieurs avant d’en trouver une propre…
C’est du lourd 😉
UBS a de nouveau eu le nez fin en dégradant la recommandation de Geberit…
J’en profite pour vous remercier pour votre travail pertinent et surtout merci de le partager avec nous @Jérôme & @Dividinde
Et merci pour votre fidélité !
Cela me fait penser qu’il serait peut-être opportun de s’intéresser à une autre perle, soit IVF Hartmann. Dans l’optique d’un investissement à long terme, il me semble qu’il y a aujourd’hui une bonne fenêtre pour entrer.
100% d’accord avec toi Laurent Martin, j’ai justement profité la semaine passée des prix cassés (154 fr) pour renforcer ma position dans IVF Hartmann.
Mon analyse est toujours valable, seul le prix proposé par Mr. Market a changé:
https://www.dividendes.ch/2018/01/analyse-de-ivf-hartmann-vbsnswx/