Analyse de BVZ Holding : le train du Gornergrat face aux défis climatiques

Dernière mise à jour : décembre 2025

BVZ Holding AG est une des rares entreprises valaisannes cotées à la bourse suisse, et, à ma connaissance, la seule du Haut-Valais. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais son petit train rouge est mondialement célèbre : le Gornergrat Bahn qui monte à plus de 3'100 mètres d'altitude face au Cervin. Ce train à crémaillère, le plus ancien au monde et le plus haut d'Europe en plein air, transporte chaque année près d'un million de passagers jusqu'à l'hôtel le plus haut d'Europe. Avec une valorisation attractive et des fondamentaux solides, BVZ mérite-t-elle une place dans un portefeuille FIRE ?

Train rouge du Gornergrat Bahn montant vers le Cervin avec infographie des ratios financiers de BVZ Holding - analyse

Une valorisation toujours attractive malgré la hausse

BVZ fait partie du cercle restreint d'entreprises suisses de qualité qui s'échangent encore à un prix raisonnable. Sur la base des données TTM (12 mois glissants), le titre s'échange à :

  • 9.04 fois les bénéfices (contre 11.83 pour le secteur)
  • 0.93 fois la valeur comptable (contre 1.81 pour le secteur)
  • 0.94 fois les actifs tangibles (contre 2.80 pour le secteur)
  • 1.07 fois les ventes (contre 0.79 pour le secteur)
  • 8.67 fois le free cash flow (contre 10.75 pour le secteur)

Ces multiples confirment que BVZ reste sous-valorisée par rapport à ses pairs du secteur du transport de passagers. Le titre s'échange actuellement autour de 1'140 CHF pour une capitalisation de 224.90 millions.

Un dividende prudent mais régulier

Le rendement du dividende ne se monte qu'à 1.58%, ce qui pourrait sembler décevant au premier abord. Mais ce chiffre cache une politique extrêmement prudente : BVZ ne distribue que 14.28% de ses bénéfices sous forme de dividende. Cette marge de sécurité confortable permet non seulement de garantir le versement futur, mais surtout d'envisager sa progression.

D'ailleurs, le dividende a progressé de 2.71% par an en moyenne sur les cinq dernières années, passant de 16 CHF en 2023 à 18 CHF actuellement.

Des marges exceptionnelles malgré les défis

Les résultats TTM révèlent une profitabilité remarquable pour le secteur. La marge brute atteint 42.99%, soit presque le double de la moyenne sectorielle (24.02%). La marge opérationnelle (EBIT) s'établit à 11.52% contre seulement 0.73% pour le secteur, et la marge nette culmine à 11.79% alors que le secteur affiche une moyenne négative de -2.92%.

Ces marges exceptionnelles s'expliquent par la rente de situation unique de BVZ. Avec le Cervin comme attraction, l'entreprise bénéficie d'un quasi-monopole sur un site touristique mondialement connu, à l'abri de toute concurrence. Le ROE de 10.81% (contre 3.46% pour le secteur) confirme la capacité de l'entreprise à créer de la valeur pour ses actionnaires.

2024 : la résilience face aux intempéries

L'exercice 2024 a été marqué par les violentes intempéries de juin qui ont causé d'importants dégâts sur la ligne Matterhorn Gotthard Bahn. Le trafic a été interrompu pendant neuf semaines entre Visp et Zermatt, nécessitant jusqu'à 40 bus de remplacement par jour en haute saison. Ces événements ont entraîné une baisse du bénéfice net de 22.3% à 23.0 millions de CHF par rapport au record de 2023.

Malgré cela, le chiffre d'affaires a progressé de 5% pour atteindre un nouveau record de 216.2 millions de CHF. Le Gornergrat Bahn a confirmé sa solidité avec 808'000 voyageurs et des revenus en hausse de 2.6% à 47.1 millions, malgré une baisse de fréquentation de 3.9%. Cette performance s'explique par l'augmentation des tarifs et un mix client plus favorable.

Les segments privés de l'entreprise (Gornergrat Bahn, immobilier, participations) ont d'ailleurs battu un record de rentabilité avec 24 millions de CHF de résultat, compensant partiellement les pertes du segment service public touché par les intempéries.

Le point noir : un endettement préoccupant

L'unique faiblesse majeure de BVZ reste son endettement. Le ratio dette/equity s'établit à 1.62, nettement au-dessus de la moyenne sectorielle de 1.25. Cette dette élevée s'explique par les investissements massifs nécessaires dans les infrastructures ferroviaires : matériel roulant, voies, installations de sécurité.

Le Z-Score d'Altman, qui mesure le risque de faillite, affiche un niveau inquiétant de 1.11, plaçant l'entreprise dans la zone rouge (score inférieur à 1.81). Toutefois, ce score doit être relativisé pour une entreprise de transport ferroviaire mandatée par les services publics et bénéficiant d'une rente de situation exceptionnelle.

Point positif : la couverture des intérêts reste confortable à 3.80x (contre 1.12 pour le secteur), et le nombre d'actions en circulation est resté stable sur 10 ans (+0.08% seulement), évitant toute dilution significative.

Un F-Score de Piotroski exemplaire

Malgré l'endettement, BVZ affiche un F-Score de Piotroski de 8 sur 9, ce qui est remarquable. Ce score mesure la solidité financière d'une entreprise sur neuf critères (rentabilité, levier, liquidité, efficacité opérationnelle). Un score de 8 indique que l'entreprise coche presque toutes les cases de la santé financière et suggère de bonnes perspectives de performance future.

Cette note élevée se vérifie dans les chiffres : croissance du chiffre d'affaires de 2.43% (TTM), progression du bénéfice de 9.82%, et une volatilité modérée de 22.89% avec un beta proche de zéro (0.04), confirmant la stabilité de l'entreprise face aux turbulences des marchés.

Performance boursière remarquable

Le cours de l'action a progressé de 30.29% sur les 12 derniers mois et de 14% sur 26 semaines, surperformant largement le marché suisse. Cette appréciation témoigne de la confiance des investisseurs dans le modèle économique de BVZ, malgré les défis climatiques de 2024.

Mon expérience avec BVZ : 20 ans, un stop loss, et un retour gagnant

J'ai possédé BVZ pendant près de 20 ans avant de m'en séparer le 14 avril 2020, en pleine pandémie. Durant cette longue période de détention, le titre m'a offert un rendement total de 450%, soit un CAGR de 11% contre 6% pour le MSCI Switzerland. Une performance remarquable qui aurait pu me rendre "amoureux" du titre (et, entre nous, je l'ai été).

Pourtant, j'ai vendu en suivant rigoureusement ma règle de trailing stop loss manuel à 20%. Cette discipline, même douloureuse sur le moment, s'est révélée payante : durant les 5 années suivantes (avril 2020 - juin 2025), BVZN a affiché un CAGR de seulement 2% contre 6.5% pour le MSCI Switzerland. Mon capital, réalloué ailleurs pendant cette période de disette, a mieux travaillé.

J'ai racheté le titre le 30 juin 2025 à un prix plus élevé que mon prix de vente initial. Depuis, BVZN affiche un CAGR de 41% (contre 17% pour le MSCI Switzerland), avec une progression de 16% en quelques mois. Malgré le rachat à un prix supérieur, l'opération reste globalement gagnante grâce à la performance du capital pendant la période intermédiaire.

Les leçons de cette expérience :

  1. Le trailing stop loss protège vraiment : il m'a évité de rester prisonnier d'un titre qui a stagné pendant 5 ans, même si j'y étais attaché émotionnellement.
  2. On peut être "amoureux" d'un titre et s'en séparer : l'attachement émotionnel ne doit jamais primer sur la discipline d'investissement. J'aimais BVZ, je l'ai vendu, et j'y suis revenu plus tard sans états d'âme.
  3. Racheter plus haut peut être une bonne décision : ce n'est pas le prix de vente vs. le prix de rachat qui compte, mais ce que fait votre capital entre-temps. Mon argent a mieux performé ailleurs pendant la période creuse de BVZN.
  4. Les titres de qualité méritent qu'on y revienne : BVZ possède des fondamentaux uniques. Après une période de purgatoire, le titre a retrouvé son attrait. Ne jamais fermer définitivement la porte à un ancien bon élève.

Cette expérience illustre parfaitement pourquoi une approche quantitative et disciplinée surperforme l'investissement émotionnel sur le long terme, même avec des entreprises qu'on apprécie particulièrement.

Positionnement stratégique et perspectives

BVZ opère à travers plusieurs entités. La holding détient 100% de Gornergrat Bahn AG et de BVZ Asset Management AG (immobilier), 75% de Matterhorn Gotthard Verkehrs AG (transport public), 34% de Matterhorn Terminal Täsch AG (parking), et 22% de Zermatt Bergbahnen AG. Cette structure diversifiée offre plusieurs sources de revenus complémentaires.

La direction se montre confiante, avec des projets immobiliers ambitieux : 70 nouveaux appartements à Zermatt et 48 à Andermatt. L'entreprise a également mis en place une stratégie de décarbonisation alignée sur les objectifs suisses Netto-Zéro 2050, visant une réduction de 42% des émissions Scope 1 et 2 d'ici 2030.

Les événements climatiques de 2024 ont néanmoins rappelé la vulnérabilité du modèle face aux intempéries. Le changement climatique représente un risque croissant pour les infrastructures de montagne, même si BVZ investit massivement pour renforcer la résilience de ses installations.

Conclusion : surveiller

BVZ Holding bénéficie d'atouts exceptionnels : une rente de situation inégalable avec le Cervin, des marges remarquables, un F-Score de Piotroski de 8/9, et une valorisation attractive. Le dividende régulier et la stabilité du modèle économique en font une entreprise de qualité.

Toutefois, le ratio dette/equity de 1.62 et surtout le Z-Score d'Altman de 1.11 imposent la prudence. Ces indicateurs, combinés aux risques climatiques croissants démontrés en 2024, justifient une approche prudente. BVZ est un titre à surveiller de près si vous ne le possédez pas encore, et à conserver si vous l'avez déjà en portefeuille.

Cette analyse reste valable pour un horizon d'investissement long terme dans une optique FIRE. La niche dans laquelle opère BVZ, protégée de la concurrence et adossée à un site touristique mondialement connu, offre une visibilité rare. Ma propre expérience de 20 ans avec ce titre, entrecoupée d'une vente disciplinée et d'un rachat récent, démontre qu'on peut aimer une entreprise tout en restant rationnel. Mais la dette reste le talon d'Achille qu'il faudra surveiller attentivement dans les prochains exercices, et une stratégie de stop loss reste indispensable même sur les meilleurs titres.

Sources et données

Rapports financiers officiels :

Données de marché :

  • Données financières TTM (Trailing Twelve Months) : FactSet

Articles de presse :

  • Schweizeraktien.net - "BVZ Holding: Gornergrat Bahn und Glacier Express sind die Wachstumstreiber" (mars 2025)
  • Bahnonline.ch - "Touristik- und Bahngruppe BVZ – neue Höhen in allen Lagen" (mars 2025)
  • Zonebourse - "BVZ, qui a transporté plus de 10 millions de passagers, accroît sa rentabilité" (mars 2024)

Notes méthodologiques :
Les données financières présentées sont issues des 12 derniers mois glissants (TTM) sauf mention contraire. Les comparaisons sectorielles portent sur le secteur "Industrials / Passenger Transportation". Les ratios de valorisation et de profitabilité sont calculés sur la base des derniers chiffres consolidés disponibles.


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11 réflexions sur “Analyse de BVZ Holding : le train du Gornergrat face aux défis climatiques”

  1. Ton analyse tombe à pic pour moi, puisque j’ai profité des turbulences trumpiennes la semaine passée pour ENFIN devenir actionnaire de BVZ! Pour toi c’est un hold actuellement, pour ma part je trouve que c’est toujours un achat fort. La qualité et la valorisation défient toute concurrence.

    Mort de rire de retrouver ma citation dans ton article, si tu commences à me citer comme Buffett c’est le début de la gloire! 😉

    1. Content que tu fasses partie de cette petite bande! Hold oui car je ne suis pas à l’aise de recommander à l’achat une entreprise avec un ratio d’endettement aussi élevé et un score Altman légèrement dans le rouge.
      Mais tu sais que je suis un grand fan de BVZ…

    1. Merci AGU. Cette société est stable, prévisible et tranquille à souhait, et pourtant son titre explose comme une biotech. Un vrai titre à la Graham… et une sacrée leçon de bourse 🙂

  2. Bon, bon, bon… après mon commentaire du 9 janvier qui ne vous a pas porté chance, désolé les amis, je reviens vers vous avec cette belle valeur qui semble se traiter à un prix bien attractif actuellement…Est-ce un bon moment pour une première tranche de BVZ? Elle me semble très sévèrement punie, surtout en comparaison de JFN. La dette n’est certes pas la même; est-ce suffisant pour créer une telle différence? Qu’en dites-vous? Êtes-vous toujours propriétaires de cette société?

    1. Je n’ai plus de BVZ et de Titlis dans mon portefeuille, il ne me reste actuellement plus que Jungfraubahn. Les 3 sociétés souffrent énormément du Coronavirus et de son impact sur le tourisme. Les chiffres sont très mauvais cette année et le seront vraisemblablement aussi en 2021 encore. Les dividendes devraient être réduits voire suspendus l’année prochaine.

      Donc pas de précipitation à acheter. La remontée des cours dépend grandement de l’évolution de la situation Covid. Faut-il acheter dans 6, 12 ou 24 mois? Impossible à savoir actuellement. Point positif: ces sociétés n’ont pas de problèmes de liquidités et devraient survivre à cette crise. De plus, les titres sont intéressants du point de vue value, mais elles doivent renouer avec les bénéfices pour remonter la pente.

      Concernant BVZ: j’imagine le titre remonter bien au-dessus des 1000 fr d’ici quelques années. Mais d’ici là le cours pourrait encore beaucoup chuter… Mieux vaut des nerfs solides si tu veux déjà ouvrir une position maintenant.

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