Comment booster (encore plus) ses dividendes

Vendre ses actions n'est généralement pas la voie à suivre lorsqu'on suit une stratégie de dividendes croissants. Celle ci est en effet un formidable catalyseur de revenus. En plus d'être stables, les distributions découlant des rendements croissants peuvent être très importantes sur le long terme, quoi qu'il se passe sur le marché.

Prenons l'exemple de Chevron (CVX). En 2003, le titre s'échangeait à 43,50 $ et versait un dividende annuel de 1,43 $. Ce montant correspond à un rendement de 3,29%. Disons que vous ayez acheté 100 parts à l'époque pour un investissement total de 4'350 $. CVX a augmenté son dividende chaque année depuis l'acquisition du titre en 2003, et elle verse aujourd'hui un dividende de 4.76 $ par action. Si vous n'avez pas acheté d'actions supplémentaires depuis, le coût total est toujours le même, soit 4'350 $, ou 43,50 $ / action. Par conséquent, le rendement par rapport ​​au coût d'achat est aujourd'hui de $ 4.76 / $ 43,50 = 10.94% ! Autrement dit, CVX offre aujourd'hui 3.8% de dividendes, mais les titres achetés en 2003 offrent eux du 10.94% !

On se rend vite compte dès lors qu'on a tout intérêt à conserver le plus longtemps ses titres payeurs de dividendes croissants. Ceci est valable bien entendu à la condition que le dividende continue à progresser. Les lecteurs de mon e-book, ainsi que mes fidèles lecteurs se souviennent qu'il y a seulement trois raisons qui peuvent nous pousser à vendre un titre payeur de dividendes croissants.

Vendre ses actions lorsque les dividendes ne progressent plus

La première, c'est que le dividende est statique depuis deux années d'affilée, ou a été éliminé / réduit. C'est un élément très facile à contrôler et redoutablement efficace. Selon Ned Davis (2010), les dividendes qui croissent affichent une meilleure performance que les dividendes statiques qui eux-mêmes sont meilleurs que ceux qui diminuent ou cessent leurs distributions. C'est assez logique puisque le dividende représente historiquement près de la moitié de la performance boursière. De plus, c'est un excellent révélateur de la santé d'une entreprise.

vendre ses actions

Miser sur des bons fondamentaux

Ceci nous amène à la seconde raison : les fondamentaux se sont détériorés. Là aussi, on comprend assez facilement pourquoi. Les dividendes étant une fraction du bénéfice et du free cash flow, si ces derniers stagnent ou baissent, les distributions vont allègrement suivre la même voie. Encore une fois, c'est relativement facile à contrôler, puisque la plupart des sites financiers indiquent le ratio de distribution des dividendes par rapport aux bénéfices. Si tel n'était pas le cas on peut même l'estimer en multipliant le rendement par le PER. Evidemment plus ce ratio est petit, plus le dividende est sûr. Un payout ratio d'environ 2/3 (66%) est souvent considéré comme un bon compromis.

Vendre ses actions lorsqu'elles deviennent trop chères

Si on pense assez souvent à ces deux premiers points (progression du dividende et ratio de distribution), on oublie souvent la dernière raison qui peut nous pousser à vendre un titre : le titre s'est nettement surenchéri. En effet, quand on acquière des dividendes croissants, on pense, parfois à tort, que c'est pour la vie. L'effet boule de neige des distributions qui augmentent chaque année peut facilement nous faire passer à côté du fait que certaines de nos positions se transigent à des prix irrationnels. C'est dommage car il est possible dans cette situation d'augmenter encore son rendement sur coût d'achat (qui est souvent déjà exceptionnel avec les dividendes croissants), en faisant de l'arbitrage avec d'autres titres moins onéreux.

Illustrons par un exemple

Prenons l'exemple de l'entreprise fictive "Proctologue & Gants bleus" (toute ressemblance avec une entreprise existante est fortuite), une société qui jouit d'une demande soutenue depuis plusieurs années et qui bénéficie d'excellentes perspectives grâce au vieillissement de la population et à la malbouffe. Elle est suivie par de très nombreux institutionnels et analystes et son cours a fortement progressé depuis 2010. Les bénéfices sont en hausse constante, comme le dividende, mais ne grimpent pas aussi rapidement que le cours. Le PER a donc fortement augmenté et se trouve en situation de surchauffe.

Le tableau ci-dessous nous donne l'évolution du cours et des fondamentaux de P&GB depuis 2010. L'action était bon marché à l'époque, avec PER de 15 et un rendement de près de 4%. L'investisseur a réalisé un excellent placement puisque le titre a doublé en cinq ans et triplé huit ans. Son rendement par rapport au coût d'achat (YOC) a doublé par ailleurs en neuf ans. Le buy&hold était clairement la bonne approche dans ce cas et il est difficile d'envisager la suite autrement.

P&GB 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
cours 100 115 132 152 175 201 231 266 306 352
EPS 6.65 7.18 7.76 8.38 9.05 9.77 10.55 11.40 12.31 13.29
PER 15 16 17 18 19 21 22 23 25 26
Dividende 3.99 4.31 4.65 5.03 5.43 5.86 6.33 6.84 7.39 7.98
Rendement 3.99% 3.75% 3.52% 3.30% 3.10% 2.91% 2.74% 2.57% 2.41% 2.27%
YOC 3.99% 4.31% 4.65% 5.03% 5.43% 5.86% 6.33% 6.84% 7.39% 7.98%
YOC 2 7.98% 8.62% 9.31% 10.05%

Vendre ses actions pour en racheter plus

Néanmoins, si on regarde l'évolution des valorisations des dernières années, il y a de quoi se poser des questions. Le cours se monte désormais à 26 fois les bénéfices et le rendement courant à 2.27%. Il y a pire certes, mais il y a aussi mieux. Admettons que l'investisseur décide de se séparer de Proctologue & Gants bleus à fin 2015. Il a quelques bonnes raisons : le PER dépasse les 20 et sa position a doublé depuis l'achat. De plus, il lorgne depuis quelques temps sur un autre titre, qui est un peu l'équivalent de P&GB avec les valorisations de l'époque (rendement de près de 4%).

Grâce à la plus-value réalisée sur son premier achat, il est en mesure d'acheter une position deux fois plus importante qu'en 2010, avec un rendement identique, soit un rendement par rapport au tout premier coût d'achat de quasi 8% (YOC2). Cela fait 1.65 points de pourcentage en plus que le buy&hold et l'écart se creuse avec les années qui se succèdent (plus de deux points après quatre ans). Pour l'exemple je suis parti du postulat que les dividendes progressaient de manière similaire de part et d'autre.

Il est possible d'avoir plus de revenus, même avec du cash

Tout cela est bien joli me direz-vous, mais lorsque le marché est en surchauffe, il devient très difficile de trouver des titres bon marché. C'est vrai. Dès 2017, j'ai commencé à me séparer de plusieurs de mes titres parce qu'ils étaient devenus vraiment trop chers à mon goût, avec des PER qui n'avoisinaient pas les 20 comme dans l'exemple ci-dessus, mais carrément les 30 pour certains. Dans le même temps je partais à la chasse aux bonnes affaires, mais à chaque opportunité que je trouvais, je vendais au moins deux de mes titres devenus trop onéreux. A un moment donné j'avais tellement soldé de positions que j'en étais réduit à presque 50% de cash. Le cauchemar pour un investisseur orienté revenus. En apparence du moins...

En tirant le bilan de ma performance 2018 j'eus néanmoins une surprise à la quelle je ne m'attendais vraiment pas : les revenus issus de mes dividendes avaient explosé par rapport aux années précédentes. Jamais je n'avais touché autant de distributions en une année alors même qu'en même temps jamais ma part de cash n'avait été aussi importante. J'en restais bouche bée. Moi, apôtre des dividendes croissants, j'avais réussi à booster mes distributions en vendant des aristocrates, le tout avec une grosse part de liquidités.

Conclusion

Cette expérience a le mérite de nous rappeler que même si la stratégie des dividendes croissants est avant tout de type buy&hold, et qu'elle doit le rester, il y a tout de même certaines situations qui devraient inciter un investisseur à vendre ses actions.

Je rappelle pour terminer ci-dessous les trois règles d'or :

  • Les fondamentaux de la société se sont détériorés au point de menacer les dividendes futurs
  • Le dividende est statique depuis deux années d'affilée, ou a été éliminé / réduit
  • Le titre s'est nettement surenchéri (et il est possible d'arbitrer avec d'autres payeurs de dividendes croissants)
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7 réflexions sur “Comment booster (encore plus) ses dividendes”

  1. Question très intéressante en effet de déterminer la meilleure chose à faire avec un titre qui a fortement grimpé et dont le yield actuel devient pâlichon. Je suis plutôt un investisseur buy and hold, mais comme toi je fais des exceptions.

    Dans le cas de figure où la hausse du titre est plus que proportionnelle à l’amélioration des fondamentaux (autrement dit elle est principalement due à une expansion du PER), se séparer de l’action est parfois la meilleure des stratégies. En remplaçant ce titre par un autre moins cher et offrant un dividende plus généreux, on dope son revenu passif sans avoir à recourir à de nouveaux fonds. Le pied pour atteindre plus rapidement son objectif d’indépendance financière 🙂

    1. blank

      Qu’en est-il du marché suisse à ton avis ? Il semble littéralement dopé à court/moyen terme par les taux négatifs. Les PER explosent parce que les investisseurs n’ont guère d’autre choix dans notre pays que de placer leur argent en actions. Le SMI a ainsi touché pour la première fois les 10’000 points. Par contre j’ai beaucoup d’interrogations sur les incidences à plus long terme de ce phénomène : problèmes sur le rendement des caisses de retraite (encore elles 🙂 !) et donc le niveau de vie des retraités, risques pour les endettés/propriétaires lorsque les taux remonteront et de manière générale fin de l’argent facile pour les entreprises. La consommation et la production vont en pâtir et j’ai le sentiment que le balancier va virer fortement dans l’autre sens, avec une forte correction à la baisse des indices suisses des actions. Qu’en dis-tu ?

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        Rejoindre la discussion… Bonjour Jérôme,
        Merci pour ce rappel et pour votre liste des Super Aristocrates internationaux.
        Avez vous une liste, ou savez vous ou l’on peut en trouver une, des entreprises européennes qui pourraient être concernées ? Peut être pas des 40+, mais peut être au moins de 10 ou 15+ qui nous donnerait des pistes intéressantes ?

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        Hello Patrick,

        Quelque chose comme ça (10 ans et plus)?

        Symbol Exchange Company
        SSE LON SSE PLC
        IMB LON Imperial Brands PLC
        BATS LON BRITISH AMERICAN TOBACCO PLC ADS Common Stock
        WPP LON WPP PLC
        SEBA FRA Skandinaviska Enskilda Banken AB Class A
        ENG BME Enagas SA
        MCRO LON Micro Focus International plc
        REE BME Red Electrica Corporacion SA
        SESG EPA SES SA
        BA LON BAE Systems plc
        SAN EPA Sanofi SA
        GBLB EBR Groep Brussel Lambert NV
        PRU LON Prudential plc
        ROG SWX Roche Holding Ltd. Genussscheine
        NOVN SWX Novartis AG
        UNA AMS Unilever NV Dutch Certificates
        PPB LON Paddy Power Betfair PLC
        JMAT LON Johnson Matthey PLC
        NESN SWX Nestle SA
        SGE LON The Sage Group plc
        COLO-B CPH Coloplast A/S
        NOVO-B CPH Novo Nordisk A/S
        DGE LON Diageo plc
        CPG LON Compass Group plc
        WTB LON Whitbread plc
        ABF LON Associated British Foods plc
        BNZL LON Bunzl plc
        AHT LON Ashtead Group plc
        WKL AMS Wolters Kluwer
        FME FRA Fresenius Medical Care AG & Co. KGaA
        OR EPA L’Oreal SA
        FRE FRA Fresenius SE & Co KGaA
        ITRK LON Intertek Group plc
        NZYM-B CPH Novozymes A/S
        LISP SWX Chocoladefabriken Lindt & Spruengli AG Participation
        EL EPA EssilorLuxottica SA
        RMS EPA Hermes International SCA
        KYGA LON Kerry Group PLC

      3. blank

        Oui, le marché suisse est devenu horriblement cher. Je dois avouer que je suis heureux d’être forcé de vendre des actions actuellement afin de couvrir les frais liés à l’achat de mon appart. Le hasard fait plutôt bien les choses pour moi: les actions sont hors de prix et les taux hypothécaires anémiques.

        Il n’y a en effet actuellement pas d’alternative valable aux actions, mais ce phénomène n’est pas spécifique à la Suisse. Qui veut acheter des obligations à des conditions aussi mauvaises? Qui veut payer des taux négatifs sur son cash?

        Par contre, ce n’est pas parce que le marché des actions est à ce point survalorisé qu’un crash est imminent. Je pense comme toi que les rendements à moyen terme seront inférieurs à leur moyenne historique, mais impossible de savoir le moment ou l’ampleur d’une telle correction.

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        C’est vrai que le timing est bon, utiliser les plus-values boursières comme fonds propres dans l’immobilier. Double effet kiss cool.

        Effectivement nul ne sait quand la correction aura lieu. Mais elle aura lieu. Cela me rappelle les warnings de W. Buffett dès la deuxième partie des années ’90, alors que tout le monde s’emballait sur les dotcom. Il avait raison, mais le marché a mis des années pour le reconnaître. Par contre, quand ça a vraiment lieu, plus cela a duré, plus la correction est violente. Encore une fois, tout est question de prix.

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