Les 3 pièges mortels de l’investissement en bourse

Dernière mise à jour : novembre 2025

Quand on découvre une entreprise, c'est un peu comme une première rencontre : on se forge une opinion rapidement. Trop rapidement. Le problème principal ? La réputation. Plus la société est connue, plus notre jugement est biaisé par son image médiatique. Prenez les valeurs technologiques qui caracolent en bourse depuis plusieurs années : tout le monde veut en être, au risque de payer des valorisations délirantes. Mais qu'est-ce qui garantit que ces performances dureront ? Rien. Les bénéfices fluctuent, les leaders d'aujourd'hui deviennent souvent les perdants de demain.

Panneau d'avertissement danger pour symboliser les pièges de l'investissement boursier

Après 25 ans d'investissement, j'ai appris qu'il est difficile de garder la tête froide. Pour y parvenir, il faut s'appuyer sur des éléments factuels qui permettent de remettre en question la pensée dominante. Dans un monde idéal, il faudrait analyser chaque rapport financier ligne par ligne. Mais on peut déjà s'éviter beaucoup de mauvaises surprises en surveillant trois points cruciaux.

Les 3 critères essentiels pour éviter les pièges

Ces trois éléments constituent votre filtre de sécurité avant tout investissement :

  • Le prix d'achat : la marge de sécurité qui protège votre capital
  • Les liquidités et leurs flux : la capacité réelle à générer du cash
  • Le retour aux actionnaires : la soutenabilité des distributions

Critère 1 : Le prix d'achat et la valorisation

La valorisation est la base de tout. On ne va pas refaire ici toute l'explication sur les ratios de valorisation. Peu importe votre méthode d'évaluation, l'essentiel est d'acheter avec une "marge de sécurité", selon les principes chers à B. Graham.

Payer le prix fort pour une action sous prétexte qu'elle a des perspectives futures incroyables, c'est de la pure spéculation. Ce qui compte, ce sont les faits d'aujourd'hui. Payer 450 fois les bénéfices d'une entreprise technologique comme Palantir, alors que des sociétés comme BVZ Holding s'échangent à moins de 9 fois leurs bénéfices, c'est ouvrir un pari sur le futur que seuls des spéculateurs peuvent faire, pas des investisseurs.

En achetant à un prix raisonnable, les chances de gain sont importantes. À l'inverse, le risque de perte est énorme si vous achetez trop cher, quelle que soit la qualité de l'entreprise. Cela paraît évident, mais regardez la progression de certains cours boursiers ces dernières années : le monde financier semble souffrir d'amnésie collective à chaque nouveau cycle.

Critère 2 : Les liquidités et le Free Cash Flow

Une entreprise qui ne génère pas de trésorerie ne peut pas payer ses factures, ses impôts et ses salaires. Elle court à la faillite. C'est aussi simple que cela. Si le passif à court terme dépasse les actifs courants, vous avez un signal d'alarme.

Pourquoi le Free Cash Flow est crucial

L'évolution du flux de trésorerie libre (Free Cash Flow ou FCF) est le point le plus important. Comme les bénéfices, le FCF fluctue d'une année à l'autre. Néanmoins, sur le long terme, il doit être positif et se traduire par une augmentation des réserves de cash.

Une entreprise qui ne dégage pas régulièrement de FCF ne peut pas :

  • Payer durablement un dividende
  • Racheter ses propres actions
  • Investir dans son développement
  • Récompenser ses actionnaires

Les bénéfices comptables sont manipulables. Le FCF beaucoup moins. Plutôt que de vous focaliser uniquement sur les premiers, considérez aussi le second. Si bénéfices et FCF n'évoluent pas dans le même sens, il y a un problème. Une entreprise dont le bénéfice croît alors que le FCF stagne ou diminue masque quelque chose.

Un exemple concret

En avril 2018 par exemple, j'ai décidé de me séparer d'un de mes titres fétiches, Bell Food Group (BELL:VTX), parce que le bénéfice et le FCF divergeaient. Les liquidités de l'exercice précédent me posaient problème, même si le bénéfice avait progressé. Mes questions au service actionnaires n'avaient obtenu aucune réponse satisfaisante. Le cours avait déjà commencé à chuter.

Après ma vente, les résultats de 2018 confirmèrent mes soupçons : baisse du bénéfice de 16,5%. Depuis, et jusqu'à ce jour (11.11.2025), le titre a perdu près de 34% alors que le SPI a progressé de 70%.

Bell Food : baisse du cours 2018-2025 (-34%) et divergence entre FCF et bénéfice / problèmes de liquidités sur exercice 2017

Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Parfois, le décalage entre FCF et bénéfices se manifeste sur plusieurs années. Comme dit le dicton "plus c'est long, plus c'est bon"... sauf quand on est actionnaire.

Critère 3 : Le retour aux actionnaires et la soutenabilité des dividendes

Historiquement, près de la moitié des gains boursiers proviennent des dividendes. Ces derniers constituent la preuve tangible que les bénéfices sont réels. De plus, les entreprises qui ont augmenté leur dividende pendant plusieurs décennies ont démontré la solidité de leur modèle économique, malgré toutes les crises traversées.

Faire un résultat, c'est bien. Le perpétuer sur le long terme et le redistribuer à ses actionnaires, c'est encore mieux. Cela exclut automatiquement la plupart des startups et des promesses non tenues. Cela exclut aussi les entreprises trop cycliques ou qui stagnent. Pour payer des dividendes durables, il faut des reins solides et donc du FCF.

Attention aux dividendes trop généreux

Méfiez-vous des entreprises qui offrent des rendements mirobolants. Très souvent, ce n'est pas le signe qu'elles sont bon marché, mais plutôt qu'elles dilapident leurs bénéfices.

Utilisez cette équation simple : Ratio de distribution (payout ratio) = PER × rendement en dividende

Si le rendement est de 7% avec un PER de 15, le payout ratio atteint 105%. Le bénéfice ne couvre même plus le dividende. Si vous achetez un tel titre, vous avez toutes les chances que le dividende soit réduit ou supprimé l'année suivante. Et que le cours suive la même direction.

Règle de base : restez sous un ratio de distribution de 70%.

Ne regardez pas que les bénéfices

Mais ne regardez pas seulement les bénéfices... rappelez-vous ce que nous avons dit ci-dessus à ce propos. Surveillez aussi le ratio de distribution par rapport au Free Cash Flow, surtout si celui-ci diverge des bénéfices comptables. Pas de liquidités = pas de dividende durable.

L'exemple de General Motors

Lors de la rédaction initiale de cet article en 2019, le ratio de distribution par rapport aux bénéfices de General Motors, était très bon, avec seulement 25%. Comme je le soulignais, la même année, dans mon analyse de cette entreprise, GM peinait (et peine toujours) à générer du FCF positif à cause de dépenses en capital considérables. Comment pouvait-elle dès lors encore payer un dividende ?

Le diable se cache dans les détails. Premier signal d'alarme : le dividende stagnait depuis plusieurs années. Une stagnation des distributions est souvent un bon signal d'alarme. Deuxième point : l'endettement. GM finançait ses distributions en s'endettant, une stratégie insoutenable à long terme.

La sanction n'a pas tardé : en 2020 le dividende a été réduit, puis carrément supprimé en 2021, avant d'être réintroduit très progressivement à partir de 2022. Aujourd'hui encore, en novembre 2025, il ne représente que le tiers de ce qu'il était en 2019. Certes, le COVID est passé par là et n'a pas aidé. Toutefois le constructeur automobile américain ne possédait aucune marge pour y faire face, bien au contraire : il avait déjà activé tous les leviers possibles pour rémunérer artificiellement ses actionnaires. L'histoire risque d'ailleurs de se répéter dans le futur car, malgré un ratio de distribution par rapport aux bénéfices toujours très bas, les dépenses en capital importantes de l'entreprise lui causent des problèmes de liquidités.

☝️Une entreprise peut payer un dividende généreux pendant plusieurs années même sans dégager de liquidités, en puisant dans ses réserves, en s'endettant ou en émettant des actions. À long terme, cette stratégie mène à l'échec.

Les 8 signaux d'alarme à surveiller

Méfiez-vous des entreprises qui :

  1. Paient un dividende trop généreux par rapport au marché (rendement > 6-7%)
  2. Affichent un FCF négatif depuis plusieurs années
  3. Versent des distributions supérieures au FCF sur le long terme
  4. Voient leurs réserves de cash fondre
  5. Possèdent des passifs à court terme supérieurs aux actifs à court terme
  6. Présentent un endettement en progression constante
  7. Émettent régulièrement de nouvelles actions (dilution)
  8. Font stagner, diminuent ou coupent leurs dividendes

FAQ : Vos questions sur les pièges de l'investissement

Quel est le ratio de valorisation maximum acceptable ?

Il n'y a pas de règle absolue, mais je privilégie les entreprises qui se négocient sous un PER de 15-20 avec une marge de sécurité. Plus vous payez cher, plus vous devez être certain de la croissance future, ce qui est difficile à prédire.

Le Free Cash Flow est-il plus fiable que le bénéfice net ?

Oui. Les bénéfices comptables sont sujets à interprétation et manipulation (amortissements, provisions, etc.). Le FCF représente la trésorerie réellement générée et est plus difficile à manipuler. C'est l'argent disponible pour rémunérer les actionnaires.

Un dividende élevé est-il toujours dangereux ?

Non, mais c'est un signal à vérifier. Un rendement élevé peut signifier que l'entreprise est sous-évaluée ou que le marché anticipe une baisse du dividende. Vérifiez toujours le payout ratio (< 70%) et la capacité à générer du FCF.

Comment savoir si une entreprise peut maintenir son dividende ?

Analysez trois éléments : le payout ratio par rapport au bénéfice (< 70%), le payout ratio par rapport au FCF (< 80%), et l'historique de croissance du dividende. Une entreprise qui a augmenté son dividende pendant 10-20 ans montre une solidité structurelle.

Que faire si une entreprise en portefeuille présente ces signaux d'alarme ?

Réévaluez votre position. Si plusieurs signaux sont au rouge (FCF négatif + endettement croissant + dividende qui stagne), envisagez de réduire ou sortir de la position. Ne tombez pas amoureux de vos actions.

Ma démarche aujourd'hui

Ces principes restent la base de toute analyse, même si mon approche a évolué. J'ai progressivement abandonné la stratégie pure "dividendes aristocrates" au profit d'une approche quantitative plus rigoureuse. Le prix d'achat, le FCF et la soutenabilité des distributions restent des critères fondamentaux, mais je les intègre désormais dans un cadre d'analyse systématique basé sur des données objectives.

Cette évolution reflète 25 ans d'expérience : les principes de Graham et Buffett restent valables, mais les outils modernes permettent de les appliquer avec plus de rigueur et à plus grande échelle.

Pour aller plus loin

En gardant ces trois critères en ligne de mire, vous vous éviterez bien des tracas. L'investissement boursier n'est pas une science exacte, mais s'appuyer sur des données factuelles plutôt que sur le bruit médiatique augmente considérablement vos chances de succès.

Si vous souhaitez approfondir votre compréhension des ratios de valorisation et des flux de trésorerie, consultez mes analyses détaillées d'entreprises sur le blog. Chaque analyse applique concrètement ces principes à des cas réels.


En savoir plus sur dividendes

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

1 réflexion sur “Les 3 pièges mortels de l’investissement en bourse”

  1. Au sujet de GM, Berkshire (Le fond de Warren Buffet pour ceux qui connaissent pas) en a pourtant pris récemment pour 2 milliards… ^^

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *