Investir selon des critères qualitatifs plutôt que quantitatifs ?

Je lis souvent sur le Net des commentaires par rapport aux aspects qualitatifs du développement d'une entreprise. On y parle de perspectives à moyen ou long terme, de compétences des dirigeants, de rumeurs d'ouverture/fermeture d'un nouveau site, de lancement d'un nouveau produit, de découvertes du secteur R&D, de possible plan social, d'action en justice, etc. Le Web est une immense salle de commérage qui fait résonner (à défaut de raisonner) un nombre incalculable et difficilement interprétable d'informations plus ou moins crédibles et pertinentes.

A titre d'exemple, voici quelques phrases types dénichées sur le réseau :

  • "les managers manquent d'expĂ©rience / le management est vieillissant"
  • "je me demande pourquoi le management vend/achète Ă  ce prix"
  • "c'est une entreprise prometteuse, avec de nombreux dĂ©veloppements en cours"
  • "il est difficile d'expliquer les raisons d'un carnet de commande aussi peu fourni"
  • "les perspectives sont mauvaises parce que le marchĂ© est très concurrentiel"
  • "c'est un scĂ©nario hypothĂ©tique mais assez probable"
  • "il y a de sĂ©rieuses rumeurs sur la vente de la succursale X"
  • "l'entreprise va au devant de grandes difficultĂ©s du fait que son secteur d'activitĂ© est en bout de course"

Comme on peut le constater, on demeure à un niveau souvent très subjectif et hypothétique. Le conditionnel est de mise, ainsi que le "je pense / j'imagine / il me semble" et il est très difficile de se faire une opinion à partir d'informations la plupart du temps contradictoires.

Au-delà de tout ça, ce qui est commun à tous ces commentaires et qui pose surtout problème, c'est qu'on est très loin des faits. Au lieu de parler d'éléments tangibles et réels, à savoir ce qui détermine réellement la valeur d'une entreprise, on tourne autour du pot, sans jamais attaquer le problème de front. On bidouille, on blablate, on perd son temps et on oublie que ce qui compte c'est d'acheter au meilleur compte par rapport à ce qui est connu et factuel.

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Imaginer ce qui va se passer dans x mois ou années, n'a rien de scientifique, même en utilisant le plus beau jargon d'un comptable tout droit sorti des hautes écoles. C'est juste de la spéculation. Il est très difficile, pour ne pas dire impossible d'obtenir des résultats comme cela. Warren Buffet intègre certes beaucoup de variables qualitatives dans ces approches, notamment par rapport au management des entreprises. La différence c'est que ce génie de la finance, grâce aux moyens énormes qu'il possède, en plus de son QI, peut avoir une influence significative sur les gestionnaires de l'entreprise justement. Il ne perd par ailleurs jamais de vue non plus les aspects quantitatifs. Son approche est difficilement reproductible par le commun des investisseurs.

L'autre problème avec tous ces commérages, c'est qu'on perd la vision d'ensemble. On se focalise sur tel ou tel problème, telle ou telle nouveauté mais on oublie de regarder l'entreprise comme un tout, avec son histoire plus ou moins longue. Discuter à n'en plus finir sur les raisons de la baisse (ou de la hausse) des bénéfices du dernier exercice ne va pas changer la donne. Les bénéfices sont de nature inconstante, il y aura toujours des hausses suivies de baisses, ce n'est pas cela qui devrait inquiéter (ou exciter) les investisseurs.

La preuve par les faits, il n'y a que ça. Si vous achetez à bon prix une entreprise de qualité, vous n'en avez rien à cirer si son carnet de commande n'est pas aussi bien fourni pendant quelques temps. C'est juste normal. De même une firme qui possède un historique certain, surtout si elle officie dans un secteur défensif et pas trop complexe, peut vivre et survivre avec quasiment n'importe quel manager, peu importe qu'il soit jeune, vieux, dictateur, mégalo ou à moitié cinglé. Tout ceci, on s'en tape, tant que les faits, c'est-à-dire les résultats, suivent.


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12 rĂ©flexions sur “Investir selon des critères qualitatifs plutĂ´t que quantitatifs ?”

  1. D’oĂą la proposition de Buffet pour l’investisseur lambda ayant peu de temps Ă  consacrer Ă  l’analyse et la recherche de titres et s’y connaissant peu en finance: acheter un fond indiciel sans se poser plus de questions, et y investir rĂ©gulièrement pour lisser le prix moyen. Avec le temps, ces entreprises, tout comme l’indice, tendent Ă  croĂ®tre et notre portefeuille aussi.

    1. Oui c’est un bon compromis pour l’investisseur lambda ou dĂ©butant. Pour l’investisseur avancĂ© c’est aussi un bon moyen de diversifier un segment de portefeuille. Mais les ETFs ne sont pas la panacĂ©e. A partir d’une certaine taille de portefeuille il devient nĂ©cessaire d’investir dans de vraies actions afin de ne pas ĂŞtre trop exposĂ© aux ETFs. La plupart des ETFs ont un biais vers les grosses capitalisations (cap-weighted) et pratiquent la prĂŞt de titre (securities lending) pour diminuer artificiellement leurs frais de gestion. Sans compter qu’ils maintiennent sous perfusion des entreprises aux bilans et rĂ©sultats discutables.

      1. Non, pas plus d’infos, c’est un titre que j’ai placé dans ma watchlist sur la base de ses fondamentaux.

      2. DĂ©solĂ© mais je pense que ça va ĂŞtre difficile ces prochains temps. Je reviens tout juste de Majorque, je retourne demain au boulot et je dĂ©mĂ©nage bientĂ´t donc le peu de temps libre qui va rester sera consacrĂ© aux cartons… Je vais essayer de poster sporadiquement un petit commentaire mais je ne veux pas promettre plus et ensuite ne pas m’y tenir.

  2. Je me prends la tĂŞte avec l’entreprise de croisières Carnival… Les fondamentaux ne sont certes pas extraordinaires mais plus que corrects et j’ai du mal Ă  comprendre pourquoi le cours pointe au sud depuis deux ans. Le dividende est Ă©galement excellent et ne semble pas en danger. As-tu une explication, maĂ®tre?

    1. Il y a problème de FCF Ă  cause de dĂ©penses en capital assez importantes (127% du bĂ©nĂ©fice en moyenne), en plus d’un endettement assez important (taux d’endettement Ă  long terme par rapport aux actifs 18% – en hausse), mĂŞme si le ratio debt/equity est raisonnable (0.42). Si on regarde la valorisation par rapport aux bĂ©nĂ©fices, on se dit que c’est une occase, avec un PER courant de 9.5. Par contre si on regarde par rapport au FCF on grimpe dĂ©jĂ  Ă  16.70. Pire, si on utilise la valeur d’entreprise plutĂ´t que la capitalisation pour comparer au FCF (ratio EV/FCF), on monte Ă  21.89. Par rapport au dividende, mĂŞme problème : il semble nettement en sĂ©curitĂ© par rapport aux bĂ©nĂ©fices (payout de 42%), mais plus dĂ©licat par rapport au FCF (payout de 73%).
      ConsĂ©quence de ce problème de FCF et d’endettement, les rĂ©serves de liquiditĂ©s sont Ă  la ramasse, avec un current ratio de 0.24 et un quick ratio de 0.19. DifficultĂ©s de paiement en vue.
      Notons encore que le recours Ă  l’endettement a reprĂ©sentĂ© ces cinq dernières annĂ©es un retour nĂ©gatif moyen par annĂ©ee pour l’actionnaire de -1.44%.
      Enfin (et je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas dit en premier), c’est un couteau qui tombe !
      Mis-Ă -part cela il y a quelques belles choses, comme la marge brute, la marge nette, les frais gĂ©nĂ©raux corrects et un score de Piotroski de 8! Ceci montre que les fondamentaux sont en cours d’amĂ©lioration…
      Voilà frérot !

      1. Merci frérot pour ces précisions très pertinentes qui me font apparaître cette entreprise sous une toute autre lumière.

        Tu es un phare dans les méandres et les ténèbres de la bourse! 🙂

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