On n’attrape pas un couteau qui tombe, mais on peut le ramasser quand il est au sol

C’est un cas de figure assez fréquent : le cours d'une belle grosse entreprise plonge depuis plusieurs semaines et s’échange désormais avec un « rabais » de 30% par rapport à ses plus hauts. La tentation est alors grande pour un investisseur d’acquérir bon marché une société qui l’intéresse. Comme en plus cette dernière a pour habitude de rémunérer une bonne partie de ses bénéfices à ses actionnaires, le rendement en dividendes qui s’affiche sur les sites boursiers est particulièrement alléchant. Tous les facteurs sont donc réunis pour nous pousser à acheter ce titre.

Malheureusement, la plupart du temps, c’est une mauvaise idée. Si le cours est en train de s’effondrer, c’est qu’en principe il y a de bonnes raisons. Parmi celles-ci, citons un grand classique : les bénéfices réalisés ne correspondent pas aux attentes. Dans le meilleur des cas, ces dernières étaient vraiment trop hautes (donc le cours aussi) et le marché ne fait que corriger une anomalie passagère. Mais si les attentes étaient raisonnables, ou, pire, si elles ne sont pas réalisées à plusieurs reprises, il y a de fortes chances pour que l’entreprise rencontre un problème plus sérieux, non pas seulement conjoncturel, mais structurel. Le prix de l’action ne subit alors pas qu’une correction à court terme, il entre dans une spirale négative dont il peut être très long à sortir. De plus, comme les bénéfices sont à la peine, le dividende a toutes les chances également d’en faire les frais. Si vous croyiez faire un bon coup avec un dividende à 5%, si celui-ci est réduit de moitié, voire carrément suspendu, c’est comme si vous aviez acheté un appartement qui est non seulement en train de perdre de la valeur, mais dont les résidents ne vous payent plus de loyer. Bref, la grosse rigolade.

Alors bien sûr, il y a toujours des gens plus intelligents que les autres, qui « savent » acheter au bon moment. Je parie que vous avez souvent entendu ce genre d'histoires autour de vous. En vérité, ils ont peut-être transigé une seule fois dans le creux du marché et ils ont oublié de vous parler de toutes les autres fois où ils se sont fait prendre comme le commun des mortels dans le tourbillon baissier des actions pourries. Les cours boursiers ont une fâcheuse tendance en effet à se comporter de manière similaire durant de longues périodes, parfois vers le bas, parfois horizontalement et la majorité du temps heureusement vers le haut. Les chances de réaliser un coup de maître sur un changement de tendance sont insignifiantes.

Si on risque de se faire mal en voulant attraper un couteau qui tombe, il est par contre beaucoup plus avisé de le ramasser une fois qu’il est au sol. Il sera certes peut-être un peu abîmé, le manche légèrement écorné ou la lame un peu moins affûtée. Néanmoins, vous ne risquez pas de vous retrouver les mains en sang. Un titre qui chute lourdement peut terminer sa course au cimetière, comme Swissair, mais il peut aussi se stabiliser à un niveau plus ou moins bas, comme UBS. Plus la descente aux enfers est brutale, plus la période de stabilisation devra être importante pour qu’on soit certains d’être sortis du mauvais pas.

Après le déluge, on peut ainsi ramasser des entreprises certes bradées et plus ou moins tirées d’affaire, mais la plupart du temps exsangues, bien loin des mille feux sous lesquels elles brillaient quelques mois ou années plus tôt. On entre là dans l’univers des champs de bataille d’après-guerre, parsemés de mines, mais regorgeant également de quelques survivants illustres. Une période plus ou moins longue d’absence de dividendes fait peu à peu place au contraire à un retour en grâce des distributions, parfois très généreuses et généralement solides. Un investisseur orienté revenus y trouvera aisément son compte. Par contre, même si les fondamentaux se sont redressés et que les dividendes sont de retour, le titre peut mettre encore des mois, voire des années à redécoller. Parfois même il ne se relève jamais vraiment, se limitant à végéter dans un canal horizontal plus ou moins étroit, une espèce de purgatoire propre aux actions.

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5 réflexions sur “On n’attrape pas un couteau qui tombe, mais on peut le ramasser quand il est au sol”

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    Sujet épineux et qui se pose constamment quand on veut investir! La plus grosse difficulté est toujours de savoir si une baisse de 20 ou 30% n’est qu’un orage à court terme (et donc une excellente opportunité d’achat) ou le début d’une baisse encore beaucoup plus importante. On est toujours plus intelligent après coup et heureusement qu’une bonne diversification et le dollar cost averaging permettent de limiter l’impact de ses erreurs sur la bonne santé de son portefeuille.

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    Laurent Martin

    Le problème, c’est que, en la matière, on ne sait pas où se trouve le sol. C’est pour cela que l’analyse fondamentale est toujours très importante.

    Pour ce qui me concerne, j’avais entre 2002 et 2008 appliqué avec un certain succès la stratégie visant à acheter les bluechips qui s’étaient pris une bonne décote pour une raison ou pour une autre, jusqu’à l’achat en 2008 de titres UBS pourtant déjà fortement décotés (à environ 40) depuis leur plus haut aux alentours de 70… Le titre est inexorablement descendu à 10, sur fond de crise des subprimes; depuis, l’action UBS végète entre 10 et 20… Et encore, cette banque a survécu grâce à la brillante intervention de la Confédération et de la Banque nationale suisse. J’ai revendu à 20, après quelques années, comptabilisant ainsi une perte de 50%, ce qui m’a servi de leçon.

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      Effectivement. C’est pour cela qu’il faut attendre une longue période de stabilisation. Pas des semaines ou des mois, mais plutôt des années. Une amélioration doit avoir le temps de se faire sentir au niveau des fondamentaux sans que cela se traduise encore sur le cours car le marché est encore frileux. L’exemple des banques est parlant. Cela fait plus de dix ans qu’elles ont ramassé et le marché les dédaigne toujours (il est vrai qu’elles ne sont pas non plus aidées par les taux). L’exemple ultime c’est le japon. 30 ans après l’éclatement de bulle, les actions nippones demeurent dans un espèce de no man’s land. Là on est sûr d’être sur le sol, même un peu trop… On aimerait bien en effet que ça monte et ça peut poser problème aux investisseurs orientés uniquement plus-value. Par contre, en ce qui concerne les dividendes, que ce soit dans l’exemple des banques, ou du Japon, ils sont biens présents !

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    Laurent Martin

    Le problème, c’est que, en la matière, on ne sait pas où se trouve le sol. C’est pour cela que l’analyse fondamentale est toujours très importante.

    Pour ce qui me concerne, j’avais entre 2002 et 2008 appliqué avec un certain succès la stratégie visant à acheter les bluechips qui s’étaient pris une bonne décote pour une raison ou pour une autre, jusqu’à l’achat en 2008 de titres UBS pourtant déjà fortement décotés (à environ 40) depuis leur plus haut aux alentours de 70… Le titre est inexorablement descendu à 10, sur fond de crise des subprimes; depuis, l’action UBS végète entre 10 et 20… Et encore, cette banque a survécu grâce à la brillante intervention de la Confédération et de la Banque nationale suisse. Finalement lassé, j’ai revendu à 20, après quelques années, comptabilisant ainsi une perte de 50%, ce qui m’a servi de leçon.

    De manière générale, je m’étais pris une claque en 2008, n’ayant pas vu venir la crise des subprimes et le krach boursier. Mais j’avais “serré les dents” en ne vendant rien, et au bout de quelques années mes titres ont repris des couleurs et j’ai effacé mes pertes, tout en continuant à investir. Evidemment, ce rétablissement n’a été possible que parce que mes autres titres ne se sont heureusement pas comportés comme l’action UBS. La diversification, c’est important…

    Après 2008, je n’ai plus acheté de “couteaux qui tombent” sans analyser attentivement plus avant les fondamentaux des titres en questions. Et au printemps 2017, j’ai -à tort visiblement vu l’augmentation de valeur des marchés boursiers depuis cette époque- tout liquidé, car je ne comprenais plus les marchés et les valorisations, et l’absence d’inflation malgré les politiques de “quantitative easing” généreuses qui n’ont pour ainsi dire pas cessé depuis 2008, pressentant que l’on n’avait pas régler le problème de 2008 en se contentant de le repousser; je ne comprends toujours pas et ne sais pas où on va et comment cela va finir.

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    Philippe de Habsbourg

    Je viens de faire exactement la gaffe avec Siemens… je vais attendre un peu et vendre en espérant que ça remonte! Avec du recul je me dis que ce n’est pas mon genre de placement de toute manière. Je ne sais pas ce qui m’a pris d’investir dasn une telle compagnie. Merci pour cet article qui me réconforte un peu 😛

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